Tribune. Repensons les transports pour l’émancipation des femmes

par | 14 Oct, 2024 | Les dossiers, Réseau

La mobilité est au cœur du quotidien des Français. Elle conditionne l’accès à l’emploi, à l’éducation, aux soins et plus largement à l’ensemble des opportunités offertes par la société. Pourtant, à l’heure où les débats sur l’égalité des genres progressent, un enjeu fondamental reste trop souvent ignoré : la mobilité sûre pour les femmes. En France, comme dans de nombreux autres pays, les femmes continuent de faire face à des obstacles spécifiques lorsqu’il s’agit de se déplacer librement et en toute sécurité. Qu’il s’agisse de l’insécurité dans les transports, de praticité en tant que mères ou encore d’infrastructures inadaptées, cela renforce les inégalités de genre et freine leur émancipation.

 

La mobilité des femmes : une inégalité persistante et sous-estimée

 

Une étude Ipsos révèle des obstacles majeurs auxquels les femmes sont confrontées au quotidien dans leur déplacements. Cette réalité alarmante concerne la mobilité et le sentiment d’insécurité que les femmes peuvent ressentir dans les transports en commun et partagés. Et pour cause, 51% des Franciliennes ont déjà renoncé à des déplacements en raison d’insécurité. Ce chiffre grimpe jusqu’à 61% chez celles de moins de 35 ans. Une situation qui met en évidence des inégalités systématiques. Alors que les débats sur l’égalité des genres progressent ; les défis spécifiques auxquels les femmes sont confrontées dans leur mobilité restent largement sous-estimés.

Les obstacles ne se limitent pas seulement à l’insécurité physique mais s’étendent également à des infrastructures inadaptées telles que le manque de zones de stationnement sécurisées, notamment pour les vélos partagés. Ces infrastructures inadaptées limitent la liberté de mouvement des femmes, en réduisant leur accès à des options de transports sûres et pratiques. Cette réalité illustre une inégalité persistante qui entrave non seulement leur accès aux opportunités mais aussi leur sécurité quotidienne, renforçant ainsi les inégalités de genre dans le domaine de la mobilité.

 

Un levier d’émancipation économique et sociale

 

Réinventer la mobilité en présentant les femmes au cœur des priorités est plus qu’une nécessité ; c’est un levier puissant pour leur émancipation économique et sociale. La capacité à se déplacer librement et en toute sécurité est cruciale pour accéder à l’emploi, à l’éducation et aux opportunités professionnelles. Pour les femmes, cela signifie pouvoir se rendre à des entretiens d’embauche, participer à des formations, et accéder à des réseaux professionnels sans craindre pour leur sécurité.

En parallèle, une mobilité adaptée, comme les vélos partagés équipés de sièges enfants, des vélos cargos familiaux ou les infrastructures de transport améliorées, peut faciliter la vie des mères, impliquant la charge mentale associée à la gestion des déplacements familiaux. En investissant dans des solutions de mobilité inclusives et sécurisées, l’autonomisation des femmes est favorisée, leur permettant de saisir des opportunités économiques et sociales qui leur étaient auparavant inaccessibles. Ce changement n’est pas seulement bénéfique pour les femmes mais contribue également à une société plus équitable et dynamique.

Un exemple inspirant est celui de Bogotá, en Colombie, où les transports en commun ont été adaptés pour intégrer des wagons réservés aux femmes aux heures de pointe, afin de les protéger des agressions sexuelles. De plus, la ville a encouragé l’utilisation du vélo en créant un vaste réseau de pistes cyclables de plus de 600 kilomètres et en favorisant le cyclisme pour les femmes (24%) afin d’atteindre la parité dans l’usage du vélo. Résultat : de nombreuses femmes, en particulier issues des quartiers défavorisés, ont retrouvé un moyen sûr et abordable de se déplacer, leur permettant de gagner en indépendance et d’accéder plus facilement aux emplois. Si aujourd’hui les déplacements à vélo représentent 7% des moyens de mobilité, la ville souhaite atteindre les 50% ; scooter, vélo et autres moyens de micro-mobilité confondus.

 

Pour une politique de mobilité inclusive

 

Pour transformer la mobilité en un véritable outil d’égalité, il est impératif d’adopter une politique de mobilité inclusive qui place non seulement les femmes, mais aussi les personnes à mobilité réduite (PMR) au centre des préoccupations. Cela nécessite une approche globale intégrant la sécurité, l’accessibilité et la praticité, pour que chaque citoyen, quel que soit son genre ou ses capacités physiques, puisse se déplacer librement et en toute sécurité. Cette démarche ne se contente pas de répondre à un besoin pratique ; elle représente un pas significatif vers une égalité réelle dans tous les aspects de la vie quotidienne

Réinventer la mobilité en tenant compte des besoins spécifiques de chacun n’est pas simplement une question de justice sociale, c’est une nécessité pour bâtir une société plus inclusive et prospère. Placer la mobilité inclusive et sécurisée au cœur des politiques publiques, est la voie à un avenir où chacun, indépendamment de son genre, peut accéder aux mêmes opportunités. Les décideurs, les entreprises et les citoyens doivent maintenant s’engager concrètement en faveur d’une mobilité plus inclusive, pour construire ensemble une société plus équitable et dynamique. Car une mobilité plus inclusive ne bénéficie pas uniquement aux femmes, elle enrichit l’ensemble de la société. En assurant à toutes et tous un accès égal aux moyens de transport, nous posons les bases d’une véritable égalité des chances, essentielle à une démocratie vivante.

 

 

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