Encore confidentielle, la part de marché des autobus et autocars à hydrogène a vocation à progresser dans les années à venir sous l’impulsion des aides publiques dans les écosystèmes locaux visant à décarboner la mobilité lourde. L’hydrogène permet la conception de véhicules électriques ayant une autonomie supérieure à ceux équipés de batteries.
Deux solutions techniques pour les bus et cars existent : pile à combustible alimentée avec de l’hydrogène produisant de l’électricité ou moteur thermique à combustion d’hydrogène.
Tous les constructeurs n’ont pas encore d’offre hydrogène et ceux qui proposent des véhicules à hydrogène ne le font pas sur tous les gabarits. Par ailleurs, quelques industriels permettent de convertir des véhicules diesel vers l’hydrogène. Leurs kits de rétrofit sont un vrai complément d’offre face à des gammes encore réduites de véhicules neufs.
Enfin, le développement de ces véhicules est conditionné à la présence d’une station d’hydrogène. Le ravitaillement en hydrogène, décarboné de préférence, s’effectue en moins de quinze minutes.
Autobus à hydrogène : une offre qui s’étoffe
Les constructeurs peuvent faire des choix techniques différents pour développer leurs bus à hydrogène équipés d’une pile à combustible :
– batterie de petite capacité permettant de stocker temporairement l’énergie produite par la pile
– batterie de grande capacité rechargeable au dépôt : dans ce cas la pile à combustible vient augmenter l’autonomie du bus (technologie dite « REX », range extender).
Le plus petit bus à hydrogène du marché est le midibus Hydron (8 mètres de long) du constructeur italien Rampini. L’hydrogène est stocké à 350 bars dans 3 réservoirs et alimente une pile à combustible de 30 kW. Le bus embarque également une batterie LFP de 175 kWh. Son autonomie annoncée est de plus de 450 kilomètres.
Le constructeur portugais CaetanoBus produit l’autobus H2.CityGold offrant 450 kilomètres d’autonomie avec une pile à combustible Toyota de 70 kW pour les modèles à venir. Ce bus a été en démonstration dans plusieurs villes d’Europe. Quatre bus de ce type circulent en Vendée, deux à La Roche-sur-Yon et deux aux Sables-d’Olonne.
Daimler Buses commercialise son bus électrique Mercedes-Benz eCitaro FC, un véhicule à batteries avec une pile à combustible Toyota Motor Europe (TME) de 60 kW et des réservoirs d’hydrogène à 350 bars. L’hydrogène est utilisé pour augmenter l’autonomie du véhicule. Ce bus existe en deux longueurs : 12 mètres (batterie de 294 kWh) et 18 mètres (batterie de 392 kWh).
Iveco Bus a présenté l’autobus E-Way H2 en octobre 2023. Ce bus est équipé d’une pile à combustible HTWO du groupe coréen Hyundai Motor Company et d’une batterie FPT Industrial NMC de 69 kWh. La chaîne de traction est signée Siemens (ELFA 3 de 310 kW). Ce véhicule est conçu sur la même base que l’autobus électrique GX 337 E. Le E-Way H2 est référencé par l’UGAP depuis avril 2024.
Karsan, distribué en France par HCI, propose son e-ATA en version hydrogène. Ce véhicule est proposé avec une pile à combustible développant 70 kW, couplée à des batteries à haute tension type LTO de 30 kWh et des moteurs électriques dans les moyeux de roue d’une puissance maximum de 250 kW. Les réservoirs d’hydrogène ont une contenance de 1560 l, ce qui lui donnerait 500 km d’autonomie.
Otokar propose lui dans son catalogue le Kent C en version hydrogène. Développé sur une base à plancher bas et doté d’une capacité d’emport allant jusqu’à 82 passagers, le Kent C à hydrogène est donné avec une autonomie de 500 km. Les 5 réservoirs sont placés en toiture et alimentent une pile à combustible complétée par 140 kWh de batteries réparties sur deux packs. L’ensemble alimente un moteur électrique Voith de 410 kW.
La société française Safra débute l’industrialisation de son autobus Hycity 12 dans ses ateliers d’Albi (Occitanie). Ce véhicule à hydrogène est le successeur du Businova. Sa fiche technique a été publiée en juin 2022 : pile à combustible Symbio de 45 kW (30 kW utiles), batteries Microvast NMC de 130 kWh et essieu motorisé ZF AVE 130. L’autonomie annoncée est de 350 km. La présentation du prototype a eu lieu en octobre 2023. Les premiers exemplaires devraient être livrés d’ici la fin de cette année.
Le polonais Solaris, filiale du groupe CAF est le leader de ce marché. L’autobus Urbino à hydrogène existe en deux longueurs (12 et 18 mètres). Un exemplaire d’Urbino 12 hydrogen a été livré en août 2022 au Sytral pour le réseau TCL (Lyon). La pile à combustible est d’une puissance de 70 kW. En mars 2023, Île-de-France Mobilités a commandé 22 bus Solaris Urbino 12 hydrogen. Cette commande est assortie d’une option de 25 bus pour 2026.
La version articulée, Urbino 18 hydrogen, a été présentée en septembre 2022. Ce bus est équipé d’une pile à combustible développant 100 kWh.
Le constructeur belge Van Hool produisait une version hydrogène de sa nouvelle gamme d’autobus : A12 LF FC (pile Ballard FCMove HD 70kW et batterie Actia de 24 kWh) et A18 LF FC (pile Ballard FCMove HD+ 100kW et batterie Akasol de 132 kWh). La faillite de cet industriel ne permet pas à ce jour de connaître l’avenir de cette gamme. Des exemplaires de 12 mètres sont en circulation à Belfort, Pau et Rouen.
Pour faciliter l’acquisition d’autobus à hydrogène par les collectivités et opérateurs publics, les centrales d’achat CATP (AGIR Transport) et UGAP référencent des bus à hydrogène.
Autocars à hydrogène : le retrofit se développe
Il n’existe pas d’autocars neufs de ce type à ce jour. Néanmoins, CaetanoBus (siège au Portugal) et Temsa (siège en Turquie) collaborent pour développer un autocar de tourisme électrique à hydrogène équipé d’une pile à combustible. Ce véhicule embarque 72,8 kg d’hydrogène pour alimenter une pile à combustible Toyota et une batterie de 160 kWh. L’autonomie avec un plein d’hydrogène devrait atteindre 1 000 km, la distance entre Bruxelles et Milan. Cet autocar à deux essieux est une adaptation du Temsa HD12. La production en série du modèle à hydrogène devrait débuter en 2025.
En attendant la production d’autocars neufs à hydrogène par les constructeurs, il est possible d’opter pour la transformation d’autocars diesel en autocars fonctionnant à l’hydrogène. Quelques industriels proposent des kits de rérofit.
La société albigeoise Safra a développé le kit H2-Pack permettant de transformer les autocars Mercedes-Benz Intouro diesel en autocars à hydrogène. Ce kit comprend un moteur électrique Dana TM4 de 350 kW, une batterie Microvast NMC de 71 kWh, une pile à combustible (100 kW mais 70 kW utiles) et six réservoirs d’hydrogène fournis par Plastic Omnium. L’autonomie peut atteindre 500 kilomètres entre deux pleins d’hydrogène (35 kg à 350 bars). Safra propose deux versions de son kit : une avec le stockage de l’hydrogène en toiture et une avec les réservoirs dans l’habitacle, à l’arrière de l’autocar. Cette dernière version nécessite la neutralisation de 9 places assises à l’arrière de l’autocar pour positionner les bouteilles d’hydrogène comprimé. 15 autocars diesel Mercedes Intouro ME de 2012, appartenant à la région Occitanie, sont en cours de transformation. Les deux premiers autocars ont été inaugurés le 17 avril 2024 à Albi. Ils vont circuler sur des lignes régulières liO de la région Occitanie.
Green Corp Konnection (GCK) propose le rétrofit d’autobus et d’autocars avec des piles à combustible Symbio ou Toyota. Les premiers véhicules transformés sont des autocars Iveco Crossway. Le moteur thermique et son réservoir de gazole sont remplacés par un moteur électrique de 295 kW alimenté par une pile à combustible d’une puissance maxi de 150 kW. Une batterie sert à stocker de manière temporaire l’énergie. Ces autocars sont équipés de deux StackPack comprenant chacun une pile à combustible Symbio de 75 kW. Le véhicule devrait pouvoir parcourir 500 km avec 50 kg d’hydrogène comprimé à 700 bars.
Dans une logique d’expérimentation, la région Normandie et Transdev ont lancé en juin 2021 le projet Nomad Car Hydrogène (NCH2) pour convertir un autocar Irisbus Crossway (Euro 5) de 2011 en autocar fonctionnant à l’hydrogène. La transformation a été effectuée par la société IBF H2. Le kit de rétrofit a été produit aux normes européennes en Asie. Il comprend un moteur électrique Siemens, une pile à combustible Ballard, des réservoirs à hydrogène Plastic Omnium et des batteries CATL. Les réservoirs d’hydrogène sont positionnés dans un rack sur le pavillon. Cet autocar circule sur la ligne régulière NOMAD 216 entre Rouen et Evreux depuis fin avril 2024.
Deux projets de retrofit avec un moteur à combustion interne d’hydrogène sont en cours ; ils associent chacun un industriel et un exploitant.
Transdev et EHM – Efficient Hydrogen Motors (siège dans le Finistère) ont signé un partenariat pour transformer d’ici 2025 un autocar Iveco Crossway à moteur diesel en autocar équipé d’un moteur à combustion hydrogène à haut rendement. Sa puissance est de 265 kW. La consommation d’hydrogène est estimée à 6 kg/100 km.
Les groupes GCK et Keolis ont annoncé un partenariat pour expérimenter un autocar Iveco Crossway dont le moteur diesel FPT Cursor 9 sera transformé pour fonctionner à l’hydrogène. Ces travaux seront menés par deux filiales de GCK : la transformation du moteur sera réalisée par Solution F et celle du véhicule par GCK Mobility. Les essais du véhicule sont prévus pour le premier trimestre 2025.
La filière n’en est encore qu’à ces débuts. Les constructeurs vont développer leurs offres de bus et cars à hydrogène. En attendant, le retrofit est une option qui permet d’accélérer le déploiement de véhicules à hydrogène.