Pendant que le nouveau Premier Ministre prononçait son discours de politique général et faisait part de son intention « d’investir en priorité dans les transports du quotidien », notamment dans les zones périurbaines et rurales, une table ronde se distinguait justement sur ce thème lors de l’événement strasbourgeois.
En substance,Thomas Matagne, fondateur et président d’Ecov, aux côtés de Sylvain Laval, président du SMMAG et vice-président de Grenoble Alpes Métropole ; Anne-Céline Imbaud-de Trogoff, directrice exécutive du développement des transports territoriaux à la Société des Grands Projets ; Edouard Henaut, DG de Transdev France ; et Jean-Christophe Combe, directeur Marketing, Innovation, RSE du Groupe Keolis ont longuement débattu sur ce sujet.
Ces derniers ont donc partagé leur vision de la mise en application des Services Express Routiers (S.E.R), alliance de lignes de car express et de lignes de covoiturage express, qui constituent la composante routière des SERM, en complément des RER métropolitains.
Plusieurs initiatives ont ainsi été mise en lumière pour densifier et coordonner un maillage territorial, et ainsi fournir des solutions de mobilités stables, plus durables, cadencées et peu onéreuses aux habitants des zones urbaines, périurbaines et rurales.
En introduction, Thomas Matagne a rappelé que « 67% des Français qui pratiquent l’autosolisme aimeraient pouvoir se passer de la voiture dans leurs trajets du quotidien, mais n’ont pas le choix. La France qui conduit, c’est celle qui est assignée soit au volant, soit à résidence ».
Pour lui, l’hypermobilité que nous connaissons depuis la fin du XXe siècle avec l’usage démocratisé de la voiture, se traduit aussi « par une extraordinaire inefficacité ». En effet, le taux d’occupation moyen d’une voiture sur toute sa durée de vie est de 1,6, et 81% des km parcourus par les Français le sont en voiture.
Ces chiffres sont corroborés par l’étude réalisée par Transdev, Régions de France et Ipsos : 83% des Français utilisent leur voiture pour aller travailler, et 40% des actifs qui entrent dans un centre-ville n’ont d’autre solution à disposition qu’une voiture.
Dès, se posait la question de savoir quelles solutions de mobilité existent et comment lutter contre la dépendance à la voiture, et incidemment, répondre aux enjeux de décarbonation tout en offrant une meilleure mobilité à l’ensemble de la population sur tous les territoires, parfois très inégaux ?
Thomas Matagne a présenté les avantages des lignes de covoiturage express (permettre un système fréquent – avec un temps d’attente moyen de moins de 4min sur les lignes, soit une fréquence de métro – en zone peu dense, et une démotorisation à hauteur de 20% sur les réseaux les plus matures tout en garantissant la liberté et l’indépendance offertes par la voiture).
Edouard Henaut a rappelé la flexibilité du car express. Il permet notamment de répondre à un besoin de mobilité de manière simple et rapide en ouvrant une ligne en moins de six mois, alors que résoudre une étoile ferroviaire peut prendre 5 à 10 ans. Pour un train par heure, le car express permet quatre fois plus de fréquence et un coût deux fois moins élevé, présentant un potentiel significatif de résolution des problèmes des villes moyennes et des intercités entre ces dernières.
Edouard Henaut est par ailleurs revenu sur l’intégration dans les SER/SERM du car express – dont la première ligne a été ouverte à Bordeaux en 2019. Pour lui, la création d’une ligne de car express devient nécessaire pour un trajet emprunté par 2 à 3 000 personnes, seuil en-deçà duquel les lignes de covoiturage peuvent prendre le relais, tandis qu’au-delà, le RER est le moyen de transport le plus pertinent.
Pour les différents intervenants, multimodalité et complémentarité entre les moyens de transports collectifs sont les notions centrales pour répondre aux problématiques de mobilité en zones peu dense, périurbaines et rurales.
Jean-Christophe Combe a expliqué que Keolis a récemment mené une étude à Grenoble avec Ecov afin de travailler au rapprochement entre les lignes de covoiturage et les lignes de car express. Pour Jean-Christophe Combe, les complémentarités entre ces services sur un même corridor permettent de produire une offre de mobilité attractive, cadencée, fiable et résiliente.
Les services sont complémentaires dans l’espace et dans le temps (renfort de fréquence, absorption des heures d’hyper pointe…). Alors que ces 20 dernières années les trajets longs du quotidien ont augmenté de 20%, et que 53% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de la voiture, penser la multimodalité s’impose face à l’impératif de décarboner et à l’enjeu social de rendre cette mobilité plus accessible à l’ensemble de la population.
Sylvain Laval a évoqué l’impératif, partagé par de nombreuses collectivités, de répondre aux besoins des habitants de la grande périphérie et des zones peu denses et rurales en matière de connexion aux zones denses. C’est notamment la priorité pour la décongestion de celles-ci, alors que plupart des grandes villes sont très bien dotés en transports urbains. Pour lui, la logique de complémentarité entre les modes de transports est la réponse la plus efficace, peu coûteuse, avec des solutions quasi immédiates sans attendre le déploiement des RER métropolitains.
Il a également rappelé l’importance, pour les opérateurs, de garantir l’attractivité et la simplicité des services. Les AOM (Autorités Organisatrices de Mobilités) jouent alors un rôle de coordination pour rendre la solution finale utilisée par les citoyens cohérente, facile et attractive et faire en sorte que les acteurs travaillent en complémentarité. Avec un cadre réglementaire simplifié, l’engagement des opérateurs et une volonté collective, et dans la logique des SERM, cette multimodalité représente la solution aux problématiques de mobilité en zones peu denses.
Enfin, Anne-Céline Imbaud-de Trogoff a rappelé l’orientation multimodale, ferrée et routière, et l’approche servicielle de la SGP dans l’application des SERM. Afin de rendre les offres de mobilité plus accessibles et stables, motivée par l’impératif d’améliorer la mobilité du quotidien des personnes vivant autour des métropoles en leur permettant de se déplacer moins cher et plus vert, la SGP apporte une vision multimodale à tous les acteurs des SERM. Les SER, qui peuvent compléter des modes transports lourds comme le ferroviaire, doivent être complémentaires du train et non pensés comme transitoires.