Mis sur le devant de la scène, les liaisons et projets d’autocars express se multiplient ces derniers temps. Car & Bus News se penche sur le concept.
Sujet relancé sur le devant de la scène, notamment avec la loi sur les Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) ayant inclus des liaisons de cars express dans le concept, les projets de liaisons d’autocars express se sont multipliés ces derniers temps. C’est l’occasion de mieux connaître ce qu’est un car express.
Une ligne de car express est d’abord « un nouveau réseau de transport utilisant la route, indique ainsi François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne, administrateur d’Ile-de-France-Mobilités (IdFM) et auteur du schéma directeur des cars express en Ile-de-France. Ce réseau propose à ses usagers un transport garanti en temps et confortable, afin que le voyageur abandonne l’usage de sa voiture particulière et se reporte sur les transports en commun ».
Le choix du car comme véhicule traduit d’abord une volonté de confort du service, avec une « garantie de place assise à bord pour tous les voyageurs », annonce d’emblée François Durovray. Les véhicules, qui seront à un ou deux niveaux en fonction des lignes, offriront divers services à bord : Wifi, ports USB, liseuses individuelles, voire des espaces pour la tenue de réunions. L’objectif est que le temps contraint passé par l’usager au volant de sa voiture devienne un temps de transport utile. Et ce pour lui permettre de travailler, se divertir ou se reposer. Afin d’être facilement identifiable, les véhicules porteront une livrée spécifique reprenant le numéro et les arrêts de la ligne, ainsi que la mention « Express ». On se souvient par exemple qu’à la création du réseau Seine & Marne Express en 2006, les cars affectés disposaient d’une livrée spécifiquement conçue pour ce réseau. Les arrêts de ces lignes seront réduits, afin de maximiser la vitesse commerciale, ce d’autant plus que les flux domicile-travail sont la cible de trafic des cars express. Le temps de trajet entre les deux terminus de la ligne ne devra pas excéder de 50% la durée du même parcours en voiture. Les fréquences devront être très élevées, toujours dans l’objectif de capter les flux domicile-travail. S’il est impossible de fixer un seuil, François Durovray prend l’exemple de la ligne 91.03 reliant Dourdan à Massy RER, offrant une fréquence de 5 minutes en heure de pointe. Le président de l’Essonne indique également que les heures de pointe pourront varier en fonction des lignes. Les pointes des lignes vers les aéroports (Orly et Roissy notamment) pourront avoir leur pointe le soir lors de la prise de service des travailleurs de ces plateformes.
Les gares routières, point-clé pour les cars express
Les autocars express peuvent être lancés rapidement sans modifications importantes d’infrastructures. Cependant, les gares routières nécessiteront rapidement de nouveaux investissmeents, « car les lignes devront bénéficier de gares routières confortables avec des services pour les voyageurs », éclaire François Durovray. Sur le modèle des gares ferroviaires, elles seront des Pôles d’Echanges Routiers Multimodaux (PERM). Celles-ci devront être chauffées et disposer de salles d’attentes avec des commerces de première nécessité ou encore des conciergeries. La gare routière devra être un pôle multimodal d’où l’on arrive en bus urbain, en voiture particulière, covoiturage ou via un mode actif. De par leur coût, les gares routières ne pourront pas être multipliées à l’infini et devront nécessairement être circonscrites aux plus importants pôles. Elles sont également limitées afin de ne pas pénaliser la vitesse commerciale des cars, toujours pour inciter au maximum au report modal depuis la voiture particulière. Cependant, certaines gares sont déjà saturées et doivent nécessiter des investissements. C’est par exemple le cas des gares de Massy (dont les travaux sont en cours) ou Evry. Dans ce dernier cas, plusieurs lignes en projet aboutissent à la gare, nécessitant son agrandissement. Afin de faciliter leur déploiement, une phase transitoire peut être acceptée en éloignant légèrement le point de départ, mais la situation doit être temporaire.
Les voies réservées, bienvenues mais pas indispensables
La présence de voies réservées pour les lignes est « mieux, mais pas nécessaire ». Sur les 1200 kilomètres de lignes projetées par exemple en Ile-de-France, seuls 10% s’avèrent être des voies réservées. Celles-ci sont essentiellement concentrées dans l’hypercentre, à l’approche du pôle multimodal connecté au réseau ferré. Dans le reste de la France, plusieurs lignes n’en sont pas équipées sur la totalité du trajet. Lorsqu’une voie doit être installée, celle-ci peut être prise sur la circulation routière ou être spécialement construite. Dans ce dernier cas, l’investissement est plus lourd, de par la réglementation associée (notamment le respect de la loi sur l’eau).
Mais un moyen de déployer des voies réservées à investissement quasi-nul existe : la Bande d’Arrêt d’Urgence (BAU). Moyennant une révision de la philosophie étatique, François Durovray estime que cet équipement peut être très rapidement utilisé pour devenir une voie réservée pour des autocars express.
Le projet francilien
En Ile-de- France, le 30 novembre 2023, le schéma directeur des cars express a été présenté. Celui-ci a identifié environ 10 corridors pouvant recevoir ces liaisons. En vertu de cela, les services d’IdFM ont établi un schéma de 45 lignes pouvant voir le jour dans un horizon temporel de quatre ans. Les premières vont être lancées dès l’automne 2024 et sont celles sans aucune contrainte technique ardue. Sont inclus notamment le renfort de neuf liaisons existantes, dont le corridor sur l’A10 et l’A14. La seconde phase de déploiement de lignes est planifiée pour 2026-2027. Quelque 70 M€ devront être investis pour l’achat des véhicules. Le cout d’exploitation des lignes est planifié à un cout de 4€/kilomètre commerciaux parcourus, soit environ 70 M€ de frais annuels. Les 1200 kilomètres envisagés en IdF représentent un investissement de près d’un milliard d’euro, 100 M€ étant prévus dans le CPER (Contrat de Plan Etat-Région).
Les provinces s’y mettent aussi
Dans les territoires, certaines liaisons sont déjà présentes depuis de nombreuses années. En particulier sur le corridor de l’A48 entre Voiron et Grenoble ou sur l’A51 entre Marseille et Aix-en-Provence, avec la ligne 50, comptant quatre arrêts et transportant 13000 voyageurs par jour. Mais un exemple a récemment fait parler de lui : la ligne 430 connectant Bordeaux et Blaye. La Région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux Métropole et Nouvelle-Aquitaine Mobilités, avec le soutien du Département de la Gironde sur les aspects liés aux infrastructures routières, ont lancé le 8 janvier dernier la ligne 430.
Opérée par Transdev, cette ligne dispose d’une forte fréquence (20 minutes en heures de pointe, à l’heure le restant de la journée) et offre de nombreuses correspondances avec le réseau existant (réseau urbain de Bordeaux, lignes de car régionales et TER à St-André-de-Cubzac). Les véhicules, dont certains fonctionnent au Biogaz et biocarburant, disposent du Wifi et de ports USB. Mais les projets vont se multiplier dans les prochains mois, avec le déploiement des Services Express Régionaux Métropolitains (SERM). De quoi faire naître de nombreux projets…
L’inclusion des cars express dans les SERM
La loi n°2023-1269 régissant les SERM indique qu’un tel service « est une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s’appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire. Cette offre intègre la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service ». La loi indique également qu’il « est intégré aux autres réseaux de transports sur les territoires concernés, notamment aux réseaux de transports urbains et routiers » et qu’il doit lutter contre l’autosolisme. Si besoin, les gestionnaires d’autoroutes et de voies routières express du périmètre concerné doivent être inclus dans la concertation du projet. Les projets comprennent, sur chacun des axes routiers concernés, « une trajectoire possible de réduction du trafic routier cohérente avec les objectifs de décarbonation ». Lorsqu’une section d’autoroute ou de voie express est concernée par un projet de SERM et comporte au moins trois voies, « la faisabilité et l’opportunité de la conversion d’une voie en voie réservée au covoiturage et aux transports collectifs [est] examinée au regard de la prévision de trafic routier établie », stipule enfin la loi.
Une duplication de l’exemple madrilène ?
Le réseau d’autocars express de Madrid est assurément un exemple intéressant de lignes express et a été étudié de près. Les cars viennent se connecter à la couronne formée par le métro (en particulier la ligne n°6, circulaire) dans des pôles d’échanges où les correspondances entre tous les modes sont fluides et rapides. Le président de l’Essonne explique que son projet de liaisons express par cars reprend l’intégralité du concept à l’exception de trois items. Les cars madrilènes bénéficient sur les accès aux pôles d’échanges multimodaux de voies réservées « réversibles », circulées dans le sens de la pointe, ce que le président ne souhaite pas déployer.
Avant de s’élancer sur les autoroutes, les lignes madrilènes effectuent une desserte fine des villages en périphérie, ce qui ne sera pas le cas des lignes franciliennes. Enfin, l’arrivée des liaisons dans les pôles multimodaux nécessiterait des améliorations. A ces réserves près, François Durovray ne cache d’ailleurs pas s’être grandement inspiré de la capitale Espagnole, mettant en avant la conception du réseau de lignes Express menés en même temps que celle du métro, contrairement à la région parisienne, où il sera requis de revenir sur le sujet.