Dernier débat, et non des moindres, du congrès de la FNTV, celui intitulé « mix énergétique, clé de la décarbonation des autocars » aura permis de faire le point, mais aussi de lister les attentes du secteur, en matière de transition énergétique des TRV.
L’intitulé avait le mérite d’être claire quant à la position de la profession sur le désormais nécessaire verdissement des flottes d’autocars : ce processus passera par le mix-énergétique.
Problème, l’introduction du sujet, portée par Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au secrétariat général à la planification écologique, a clairement mis en lumière le « blocage » mental dans lequel se trouve aujourd’hui l’Etat, qui ne semble concevoir cette transition que sous le seul angle de l’électrification.
Passés les éléments de langage habituels indiquant que le transport restait le seul secteur d’activité à n’avoir pas baissé ses émissions de CO2, et que l’Etat vise pour lui à une diminution de 35 000 tonnes d’émissions d’ici à 2030, Antoine Comte-Bellot a toutefois reconnu que « l’autocar sera certainement le plus difficile à électrifier… ». Quant au problème du coût de cette transition, le planificateur restera plutôt disert.
Un sujet, majeur, sur lequel rebondit rapidement Edouard Hénaut, DG France du groupe Transdev. « Il y aura obligation d’intégrer le surcoût de cette transition dans la commande publique », explique-t-il. Et d’enchaîner sur le mix-énergétique, « qui est la solution la plus sérieuse, notamment parce qu’elle est intimement liée à la nature des territoires… ».
« Nous sommes des apôtres du mix-énergétique, renchérit Stéphane Espinasse, président d’Iveco France, mais chaque type d’énergie a d’abord besoin d’un écosystème viable. Pour le gaz par exemple, nous constatons que 23% du parc français d’autocars utilise désormais cette ressource. Pour l’électrique (20% de la capacité de production car et bus est aujourd’hui électrique en Europe, NDLR), si l’écosystème existe dans l’urbain, il n’est pas encore développé dans l’interurbain. Lorsque les infrastructures et les financements seront au rendez-vous, les industriels le seront aussi ».
En matière de financements justement, Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des transports et de la mobilité durable de la région Sud, a donné quelques pistes retenues par sa région. « Nous avons fait le choix politique d’inscrire toutes nos décisions budgétaires dans le cadre du Plan Climat, et ce jusqu’en 2028, explique-t-il. Concernant par exemple les transports, nous escomptons que les orientations « vertes » augmenteront le coût de nos DSP d’environ 10%. Auquel cas, ce surcoût sera inscrit dans le budget général de la région ».
Un panel d’alternatives
Puisque la profession mise sur le mix-énergétique, le plateau se devait d’être représentatif de la diversité des solutions énergétiques mise à disposition des acteurs du TRV.
Laurence Poirier-Dietz, DG de GRDF, a donc tenu à préciser que « le biogaz est désormais une solution mature, plus de 2000 autcoars et quelque 6000 autobus roulent aujourd’hui en France grâce à ce carburant ». Selon elle, le biogaz pourrait représenter 20% de la consommation de gaz de l’Hexagone en 2030.
Même satisfecit pour Claire Duhamel, directrice d’Oleo 100, qui rappelle que la France peut produire beaucoup de bio-carburant, « un sous-produit liquide de la culture du Colza par exemple », et que cette filière pourrait à la même échéance, décarboner 10% du parc de véhicules lourds français. « Il ne faut surtout pas se focaliser sur une opposition thermique ou non thermique, précise-t-elle, ce sont les diminutions des émissions de CO2 qui comptent ».
Restait à envisager les capacités de la filière du rétrofit, notamment électrique, représentée ici par Emmanuel Flahaut, PDG de Retrofleet qui en a vanté les mérites. « Notre premier autocar rétrofité (un Crossway, NDLR) affiche une autonomie de 200 km, explique-t-il, la transformation peut s’effectuer en deux ou trois semaines, il coûte deux fois moins cher qu’un électrique, et il nécessite un chargeur dont le prix ne dépasse pas 2000 €, autant d’éléments qui rendent cette option économiquement viable ». Ce véhicule étant désormais homologué, Retrofleet table sur 10 autocars rétrofités cette année, et sur une centaine l’an prochain. « Une réflexion doit être menée sur la taille des packs de batteries en fonction des usages, conclue-t-il, et le rétrofit s’inscrit bien dans cette démarche ».
Transdev étant partenaire de cette initiative, Edouard Hénaut précise que son groupe « a en effet focalisé l’expérience sur le transport scolaire qui fait peu de kilomètres au quotidien. Avec le rétrofit, on peut rallonger la vie des véhicules pour que cet investissement soit rationnel économiquement… ».
Finalement, la conclusion viendra de Stéphane Espinasse. « Il faut que tous les acteurs s’organisent en filières, explique-t-il, mais nous avons d’abord besoin d’une stabilisation réglementaire, notamment au niveau des institutions européennes ».
En ouverture, de gauche à droite : Florence Duprat ; Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au secrétariat général à la planification écologique ; Claire Duhamel, directrice d’Oléo 100 ; Stéphane Espinasse, président d’Iveco France ; Emmanuel Flahaut, PDG de Retrofleet ; Edouard Hénaut, DG France du groupe Transdev ; Laurence Poirier-Dietz, DG de GRDF ; Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des transports et de la mobilité durable de la région Sud.