Les RNTP sont généralement l’occasion de rencontres formelles et informelles entre les opérateurs, qui mettent en avant leur savoir-faire, et les Autorités organisatrices de mobilités (AOM). Si tous se sont accordés, lors de l’édition de Clermont-Ferrand, pour réclamer de nouveaux financements ou, à minima, une sanctuarisation des ressources aujourd’hui disponibles, il est important de bien cerner la stratégie des grands opérateurs français. Dans cette logique, et à titre d’exemple, Car & Bus News a rencontré Edouard Hénaut, directeur de Transdev France.
Car & Bus News : Quel est aujourd’hui le poids de la France dans la stratégie de Transdev ?
Edouard Hénaut : Le groupe Transdev est peut-être aujourd’hui le plus global du secteur. Pour autant, le marché français reste le premier avec 30% de notre chiffre d’affaires, il précède les USA et l’Allemagne.
CBN : Qu’est-ce qui caractérise désormais le marché hexagonal ?
EH : Plusieurs éléments marquent actuellement l’évolution du marché des transports collectifs en France. On remarque par exemple la vague d’ouverture à la concurrence, notamment en Ile-de-France et dans le ferroviaire régional, qui est en train de changer certaines donnes. Dans un registre proche, nous constatons aussi la montée en puissance de la loi NOTRe, avec une forte augmentation de la compétence des régions. De fait nous sommes désormais face à des appels d’offres portant sur de plus gros lots dans le domaine de l’interurbain. Enfin, nous allons entrer dans un cycle de gros appels d’offres urbains, comme celui de Lyon par exemple, dont les résultats pourraient changer le paysage français des transports collectifs. Pour notre part, nous avons déjà cette année renouvelé notre contrat à Reims (qui est passé en délégation de service public), Lens et Chamonix, et nous avons gagné le contrat de Vannes.
CBN : Transdev est présent dans tous les compartiments de la mobilité, comment capitalisez-vous sur cette polyvalence ?
EH : Cette polyvalence nous permet en effet de composer des offres globales dans le cadre des appels d’offres. Notre présence dans l’interurbain nous offre la possibilité de synergies importantes autour d’une agglomération, ce qui nous a été par exemple fort utile dans un dossier comme celui du Pays du Cotentin. Nous pouvons aussi gérer plus finement l’intermodalité comme nous l’avons fait autour de la ligne Caen-Valogne, dont la fréquentation a pu être multipliée par six. Enfin, nous sommes aussi très présents dans ce que l’on nomme les mobilités actives, puisque Transdev gère à ce jour quelque 50 000 vélos.
CBN : Il fut beaucoup question de moyens pendant les RNTP 2023, quel est votre point de vue sur ce sujet ?
EH : Face au problème réel des moyens disponibles, nous faisons plusieurs constats. D’une part, les AOM ont désormais compris qu’il existe un coût acceptable pour chaque prestation de transport, d’autre part tout le monde a aussi compris que les moyens à disposition ne sont plus extensibles. Dès lors, nous pensons que l’accent doit être mis sur la qualité de l’offre en jouant par exemple la carte de la fréquence et de la régularité. Par ailleurs, nous sommes certains que les recettes voyageurs (20% en moyenne en France) peuvent encore être augmentées. Enfin, il faut sans doute être plus pragmatique en mettant en avant par exemple le concept d’autocar express, qui permet sur certaines liaisons de multiplier l’offre par quatre par rapport au train. Certaines AO l’ont d’ailleurs bien compris, et nous constatons un véritable renouveau de ce type d’offre.
CBN : Pour rester dans le domaine des financements, les transports collectifs ont-ils encore les moyens de la transition énergétique ?
EH : C’est peut-être la vraie question du moment. En tant qu’opérateur, confronté à des collectivités qui ont l’envie de cette transition mais par forcément les ressources nécessaires, nous attendons de l’Etat qu’il prenne en charge le coût de cette transition. De ce point de vue, nous sommes dans un moment clef, il y a des arbitrages à faire et l’investissement consenti devra être efficace. Par exemple, nous sommes convaincus que le bioGNV est clairement l’énergie de transition dont notre secteur a besoin. Cela doit être compris au plus haut niveau. Dans un registre proche, nous pensons que le retrofit (sur lequel Transdev a travaillé en Normandie ou en Centre Val-de-Loire avec Retrofleet), notamment celui des autocars scolaires, permettra de rallonger la vie des matériels et ne peut être qu’un développement du bien commun pour la profession. D’ailleurs, dans ce registre, l’autocar scolaire devrait devenir un produit d’appel.
CBN : Pour conclure, Transdev peine-t-il, comme la plupart des opérateurs, à recruter le personnel dont il a besoin ?
EH : Nous avons lancé un important processus de recrutement, par exemple en créant 12 centres d’apprentissage (CFA), et nous allons en lancer d’autres. L’ensemble de nos actions a permis de recruter 850 conducteurs en 2022, et nous visons un millier d’embauches cette année.