Les rapports du Bureau d’Enquêtes sur les Accidents de Transport Terrestre (BEA-TT) sont souvent très attendus. Celui publié le 30 octobre dernier était de ceux-là, puisqu’il porte sur les deux incendies qui, en 2022 à Paris, ont conduit à la mise sur la touche provisoire des Bluebus 12m de la RATP.
Pour mémoire, rappelons que le 4 avril 2022 vers 16 h 00, un bus électrique de la RATP a pris feu sur le Boulevard Saint-Germain, à hauteur de l’arrêt « Maubert-Mutualité » alors qu’il transportait 14 voyageurs.
Le 29 avril 2022 un second bus de la RATP, du même modèle que le précédent, s’est embrasé sur l’avenue de France dans le XIIIe arrondissement de Paris, alors qu’il stationnait au terminus « Bibliothèque François Mitterrand ». Dans les deux cas il n’y a pas eu de blessé parmi les voyageurs, mais les deux véhicules ont été complètement détruits.
Ces deux évènements ont donc conduit la RATP à retirer immédiatement du parc en exploitation tous les véhicules du même modèle, qui faisaient partie d’une commande de 150 véhicules et dont certains étaient en cours de fabrication.
L’enquête du BEA-TT
Le BEA-TT accompagné du BEA-RI (Bureau d’enquêtes et d’analyses sur les risques industriels) a eu accès aux carcasses des véhicules incendiés conservées de manière temporaire sur le dépôt de la RATP de Flains ainsi qu’aux données enregistrées par les deux véhicules dont certaines ont été transmises automatiquement par télémétrie à l’exploitant et au constructeur.
Par ailleurs, les enquêteurs ont rencontré les représentants des sociétés BlueSolutions et Bluebus en octobre 2022 pour faire un point sur l’avancée de leurs recherches et visiter les unités de production des batteries et des véhicules.
Selon le BEA-TT, la cause directe la plus probable de ces incendies est un court-circuit intercellules caractérisé par un emballement thermique survenu au niveau des batteries haute tension qui alimentent la motorisation de ces véhicules entièrement électriques.
Plus spécifiquement, le BEA-TT estime « que certaines feuilles d’isolant en Mylar ont été mal positionnées lors de la fabrication des batteries, et que le contrôle de positionnement réalisé sur les lignes de production n’a pas permis de détecter cette anomalie. De ce fait elles ne permettent pas de garantir une isolation suffisante entre les cellules et peuvent donc provoquer un court-circuit intercellules. Ce phénomène est identifié comme la cause la plus probable de ces incendies en provoquant un emballement thermique ».
Ce constat a donc conduit le fabricant, en accord avec le service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM), à engager un rappel auprès des détenteurs de batteries du même type et des détenteurs de véhicules qui en étaient équipés.
L’intervention en question
Ces deux évènements ont aussi fait apparaitre une difficulté majeure, à savoir « qu’il est quasiment impossible d’éteindre rapidement et complètement un incendie de ce type de batterie en lithium-métal-polymère. Des nouveaux départs de feu ont d’ailleurs été constatés lors de l’évacuation de la carcasse et du nettoyage de la chaussée sur le site de l’incendie de bibliothèque François-Mitterrand ».
Pour le BEA-TT, au vu de ce retour d’expérience, il apparait nécessaire de poursuivre les recherches en matière de moyens de lutte contre l’incendie sur les batteries de technologie LMP, et d’intégrer les résultats des mesures de pollution réalisées par le laboratoire central de la préfecture de Police de Paris et les recherches menées par l’INERIS dans les règles de fonctionnement des services de secours et de tout autre service d’intervention, tant en ce qui concerne la protection des personnels que la pollution de l’environnement.
« Le caractère novateur des technologies employées met aussi en évidence un retard dans la définition des règlementations techniques appliquées à ces véhicules modernes lors de leur homologation », conclut le BEA-TT sur ce chapitre.
Les recommandations
Suite à son analyse, le BEA-TT formule sept recommandations et deux invitations aux entités concernées pour éviter la reproduction de tels évènements qui, du fait de leur cinétique, auraient pu avoir des conséquences bien plus graves.
À l’issue des investigations réalisées et des constats effectués, plusieurs voies d’amélioration sont donc mises en lumière :
- la détection précoce de défauts susceptibles de conduire à des incendies et le signalement d’alarmes appropriées ;
- la protection des passagers vis-à-vis des températures élevées qui peuvent être très rapidement atteintes et les risques de chute des batteries situées en toiture ;
- la protection des passagers des projections de métal en fusion lors des phases d’évacuation ;
- le maintien de l’enregistrement des données importantes précédant les aléas d’exploitation ainsi que leur télétransmission régulière ;
- la poursuite et la facilitation des recherches concernant l’efficacité des moyens de lutte à utiliser lors d’évènements du même type ;
- la réglementation applicable en matière de sécurité électrique pour les futurs véhicules ;
- les moyens d’information des services de secours permettant la mise en œuvre d’interventions en sécurité.