Gares routières : les changements attendus

par | 27 Mar, 2024 | Autocar, Entreprise, Equipement, Les dossiers, Réseau

Alors que les cars express ont le vent en poupe et que les cars « Macron » sont bien installés dans le paysage, qu’en est-il des gares routières ? Car & Bus News se penche sur cet important aspect des services d’autocars.

 

Pour pouvoir utiliser un réseau, il faut un point d’accès au dit réseau. Les autocars n’échappent pas à la règle, et pour pouvoir accueillir et laisser leurs voyageurs, ils s’arrêtent dans des gares routières. Selon les derniers chiffres de l’Autorité de Régulation des Transports (ART), le régulateur du secteur, en 2021, 230 aménagements qualifiés de gares routières sont desservis par les six acteurs des autocars en Service Librement Organisés (SLO). Le leader de ce marché, Flixbus, dessert quant à lui 250 destinations en 2023, représentant autant de gares routières.

 

Gare routière de La Défense.

 

Leur typologie s’étend de la gare routière autonome et dédiée (telle celles de Bercy et La Défense) au bout de trottoir situé « au milieu de nulle part » en passant par un quai dédié dans une gare routière accolée à une gare ferroviaire, faisant de l’ensemble un Pôle d’Echanges Multimodal (PEM).

 

Le modèle économique des gares routières

 

La propriété de ces installations est très variable. Elles peuvent appartenir à des municipalités, des opérateurs gestionnaires de parkings ou des filiales de gestionnaires d’infrastructures (notamment SNCF Gares & Connexions ou dans les aéroports). Dans tous les cas, les opérateurs doivent payer un péage à chaque « toucher de quai ». En l’absence de grille étatique de normalisation, les montants payés sont très variables et dépendent de chaque gestionnaire de site, amenant à un prix variable pour chaque arrêt. Selon des chiffres publiés par l’ART dans son rapport d’activité 2020, sur un échantillon de 43 gares, les tarifs des touchers de quais sont compris dans une fourchette de prix s’étendant de 0,60€ à 13,24€. Flixbus complète en indiquant que la fourchette de toucher de quais qu’il doit payer s’étend de 0€ à 15€. A noter que les aménagements exploités par SNCF Gares & Connexions sont désormais accessibles gratuitement et sans réservation, à l’exception de quelques gares.

 

Gare routière de Moulins sur Allier.

 

En tant que régulateur du secteur, l’ART suit ce sujet avec attention. Elle a établi depuis 2016 le registre public des gares routières, qui comporte 336 équipements. Les exploitants des gares desservies par les SLO doivent notifier dans ce registre leur équipement. Seuls ceux « exclusivement réservés aux transports scolaires et ceux consistant en un ou plusieurs emplacements d’arrêt sur la chaussée, et/ou en évitement et destinés aux seuls services de transport conventionnés urbains ou scolaires en application d’un arrêté de police de la circulation et du stationnement » sont exemptés de ce registre.

 

Outre la localisation proprement dite, un exploitant doit être mentionné, et les règles d’utilisation doivent être mentionnées, notamment sur les modalités d’accès à l’équipement et les tarifs des touchers de quais. Celles-ci doivent être objectives (les tarifs devant refléter les coûts du service fourni), transparentes et non discriminatoires. Les dernières données disponibles (1er janvier 2023) indiquent que sur les 128 règles d’accès qui avaient été notifiées à l’ART, plus de 80% ont été jugées conformes à ces principes. L’ART organise régulièrement les Rencontres des gares routières (la dernière ayant eu lieu en 2022) et exerce de façon répétée des contrôles sur la soutenabilité des tarifs.

 

En 2019, l’ART avait notamment réglé le différend entre Flixbus et Transdev Mont-St-Michel sur le prix de l’accès à la poche P7 du parking du Mont-St-Michel. Le tarif était de 23€ TTC en basse saison et de 30€ TTC en haute saison. Après étude, l’ART a enjoint l’opérateur de fixer le tarif du toucher de quai à 11,44€. Un second exemple concerne l’aéroport de Paris-Beauvais. Les investigations des services de l’ART ont conduit celle-ci l’exploitant de la gare routière à baisser le niveau du tarif du toucher de quai (accès au quai de dépose et de prise en charge des voyageurs sur une durée prédéfinie). De 50 euros, le gestionnaire de l’aéroport a établi, dans ses nouvelles règles d’accès, un toucher de quai à 19,90€, soit une diminution du prix de près de 50%.

 

Les attentes envers les gares routières

 

L’ensemble des acteurs a cependant de fortes attentes concernant les gares routières. L’ART, qui a déjà publié un guide pédagogique à l’attention des exploitants d’un aménagement de transport routier indique que « des publications sont à venir », sans en dire plus. Flixbus a également de fortes attentes. L’opérateur rappelle qu’en fin d’année 2023, il a cosigné une tribune avec plusieurs acteurs du marché appelant à la mise en œuvre d’un plan national ambitieux en faveur des gares routières. Les acteurs (dont Flixbus) réclament ainsi que les gares routières situées dans les villes importantes soient bien situées et facilement accessibles, pour offrir une bonne intermodalité.

 

La qualité de service doit aussi pouvoir être garantie, avec les services minimums que les voyageurs attendent : abris de quais (pour éviter d’attendre sous la pluie), des services tels que des sanitaires, des espaces d’attente sécurisés, des systèmes d’information voyageurs indiquant le quai de départ ou d’arrivée, les retards pouvant survenir sur les courses ainsi que des espaces de restauration. D’une manière générale, Flixbus attend que les clients soient accueillis dans de bonnes conditions, mais aussi les équipes d’exploitation.

 

L’ART a également dressé le constat que la qualité de service dans les gares est de moindre qualité que dans les pays voisins, en comparant les gares de Paris-Bercy (dont on rappelle qu’elle sera fermée par son exploitant la Ville de Paris à l’automne 2024) aux gares de Victoria Coach station (à Londres) et Estacio Sud (à Madrid). Ces deux dernières gares sont bien mieux connectées et offrent une multitude de services comparé à la gare routière de Bercy. Quoi qu’il en soit, les auteurs de la tribune estiment que le plan proposé pourrait être financé en partie par l’enveloppe prévue pour les nouveaux projets routiers, soit 600 à 700 M€, qui seraient ainsidévolue au futur plan gares routières.

 

Une gare routière typiquement couplée à la gare SNCF locale.

 

Les gares doivent être adapté à l’accueil des véhicules dans de bonnes conditions et répondre aux contraintes de la profession. Des gares avec suffisamment de quais, de points de remisage et équipées d’installations de dépotage (notamment pour la vidange des toilettes et l’entretien des moteurs) doivent être présentes. En sus, des zones de repos pour les conducteurs entre deux courses doivent également être intégrées.

 

Flixbus déplore par exemple que lorsque le point d’arrêt est situé sur un bout de trottoir peu adapté aux contraintes d’exploitation et non encadré, il est de fait non sécurisé. Lors du chargement des bagages, les conducteurs ouvrent généralement les soutes des deux côtés du car. A cette occasion, des individus malfaisants peuvent en profiter pour dérober les bagages des voyageurs… Afin de rassurer les voyageurs, Flixbus a donc dû donner consigne à ses conducteurs de n’ouvrir que du côté d’embarquement des passagers. Des gares routières sécurisés sont de fait, et dans un premier temps, une attente forte de l’ensemble des acteurs.

 

Quoi qu’il en soit, cette thématique des gares routières est un item majeur de l’activité des autocars, notamment pour les services librement organisés, qui va encore connaître des évolutions. Affaire à suivre…

 

 

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