Reportage. Belfort : un vent d’hydrogène souffle sur le réseau Optymo

par | 4 Oct, 2023 | Autobus, Entreprise, Les dossiers, Réseau

Depuis juillet dernier, sept autobus Van Hool H2 de 12 m circulent tous les jours sur le réseau Optymo de la ville de Belfort. A l’occasion du Forum Hydrogen Business for Climate qui se tenait les 3 et 4 octobre dans l’agglomération, les responsables du réseau ont tiré un premier bilan de cette révolution énergétique vécue par leurs équipes.

L’intérêt pour l’hydrogène est en quelque sorte une vieille histoire sur le territoire de Belfort, qui bénéficie d’un écosystème complet autour de cette source d’énergie, comme se plaît souvent à le rappeler Marie-Guide Dufay, présidente de la région Bourgogne Franche-Comté. Concernant le réseau Optymo (54 autobus exploité en régie directe), les premières velléités de transition vers cette énergie remontent à 2011, date à laquelle les responsables du SMTC (Syndicat Mixte des Transports en Commun) et du réseau s’interrogent sérieusement sur ce sujet. « Le problème à l’époque, c’est que les coûts des véhicules existants étaient prohibitifs, explique Marc Rovigo, directeur du SMTC. Il fallait compter 1,2 M€ pour un bus H2… qui n’était pas loin d’être un prototype ».

En 2015, le maire de Belfort, Damien Meslo, prend toutefois la décision ferme de choisir l’hydrogène pour le renouvellement futur, et progressif, de la moitié du parc roulant d’Optymo.

Marc Rovigo, directeur du SMTC.

« Techniquement, nous avions déjà mené une bonne partie des réflexions, poursuit Marc Rovigo, et nous savions que l’hydrogène était plutôt adapté à nos contraintes d’exploitation. En revanche, concernant les financements, et notamment l’obtention des subventions, nous n’étions pas vraiment rompus à l’exercice, et il nous a fallu apprendre le fonctionnement des différents systèmes existants, notamment en ce qui concerne les plafonds… »

Un investissement maîtrisé

Concernant le choix des véhicules, acquis à travers l’UGAP, deux modèles étaient à l’époque référencés par la centrale d’achat, le Businova de Safra et le Van Hool H2. C’est ce dernier qui sera sélectionné pour des raisons pratiques, tenant à la fois à ses meilleures capacités d’emport en termes de passagers (80 au lieu de 60), et à de moindres contraintes d’emploi au quotidien (problème de garde au sol trop basse sur le modèle de Safra par exemple). Si, au moment de la commande, le coût des autobus H2 avait fortement diminué, il s’affichait tout de même à un peu moins de 700 K€ avec un contrat de full maintenance sur deux ans. « Finalement, après déduction des différentes aides que nous avons pu mobiliser, confie Marc Rovigo, nous avons acquis nos bus à 390 K€ l’exemplaire, soit 100 K€ de plus qu’un classique véhicule GPL par exemple ».

Un bus comme les autres sur le réseau de Belfort…

Si l’investissement reste d’importance, il se veut le reflet d’une volonté politique marquée, et des aides conséquentes ont donc pu être obtenues dans le cadre du programme France 2030, ainsi que par l’Ademe, le CEF Transport Blending Facilityeuropéen et le bonus écologique. Mieux, le dossier reste valide pour la suite du programme de verdissement de la flotte Optymo, qui portera d’ici 2026 sur l’acquisition progressive de 20 autobus H2 supplémentaires (8 articulés et 12 standards, en passant cette fois par la CATP).

Le réseau à l’heure de l’hydrogène

Si les véhicules sont arrivés de chez Van Hool l’été dernier, ce changement d’énergie a fait l’objet d’une préparation générale de la régie. « Tous nos personnels ont bénéficié d’une information globale sur l’hydrogène, explique par exemple Yannick Monnier, directeur de la Régie des Transports du Territoire de Belfort, ceux de la régie comme ceux de la SMTC. Les conducteurs ont par ailleurs reçu une formation spécifique à la conduite de ces véhicules. Concernant notre personnel d’atelier, il a reçu une formation mécanique et ATEX* (délivrée par le cabinet H2 Team, NDLR). Enfin, Van Hool a assuré à ce même personnel une formation d’une semaine sur ces modèles ».

Dans le même ordre d’idée, le contrat de full maintenance retenu par Belfort permet non seulement un entretien courant des véhicules, grâce à la présence permanente d’un technicien Van Hool dans le réseau, mais aussi un transfert de compétence progressif de l’industriel vers l’exploitant.

Côté coûts, l’ensemble du processus de formation aura mobilisé 30 K€. « Une bonne nouvelle, puisque nous avions provisionné 150 K€ pour ce seul aspect de la transition », commente Marc Rovigo.

En matière d’infrastructures, il a toutefois fallu consentir un certain nombre de mises aux normes. « Nous exploitions déjà des véhicules fonctionnant au GPL, explique Yannick Monnier, nous avons donc demandé à H2 Team de valider la possibilité d’exploiter ces nouveaux autobus dans nos dépôts et nos ateliers ». Si l’audit s’est révélé positif, des travaux relativement importants ont tout de même dû être réalisés : installation de détecteurs, ventilateurs, asservissement, sol antistatique, mise à la terre de l’ensemble des prises, acquisition d’équipements individuels, etc. « La mise aux normes ATEX de l’ensemble de l’atelier aura finalement coûté 400 K€, explique Yannick Monnier, mais pour ce tarif, nous avons anticipé l’arrivée future des 20 prochains bus H2 ».

Le parc H2 d’Optymo.

Premiers retours d’expérience

Après un peu plus de huit semaines d’exploitation quotidienne, quel bilan la régie tire-t-elle de l’utilisation de ces bus d’un nouveau genre ? « Du côté des conducteurs, le ressenti est tout à fait positif, explique Yannick Monnier. Ils apprécient tout particulièrement le couple typique d’un véhicule électrique, mais aussi l’absence de vibrations et de bruit ».

En matière de consommation, sur la période concernée, elle s’établie autour de 25 kg d’hydrogène par jour et par véhicule. « Nous ne sommes pas propriétaires de la station de recharge construite par Hynamics à côté de notre dépôt », explique Yannick Monnier. Cette dernière dispose pour l’instant de deux postes d’avitaillement (ce nombre devrait doubler à termes), et il faut 15 mn pour recharger un bus. Une opération d’ailleurs réalisée par un membre du personnel du constructeur de l’équipement. Un temps d’immobilisation qui se gère pour l’instant facilement le soir (la déperdition d’hydrogène durant la nuit n’étant que d’une vingtaine de bars durant la nuit, passant de 360 à 340), mais qui devra être sans doute être reconsidérée lorsque la flotte augmentera à 27 véhicules.

Franck Mesclier, Yannick Monnier et Marc Rovigo.

Enfin, même si l’opérateur manque encore du recul nécessaire, le coût d’usage de ce nouveau carburant est estimé pour l’heure au double de celui d’un carburant plus classique comme le GPL ou le diesel.

A l’issue de cette première phase, les responsables de la régie et du SMTC sont donc confiants dans leur choix de transition vers l’hydrogène et se prépare avec tranquilité au passage de la moitié de sa flotte en hydrogène. « Nous sommes parés pour ce passage à 27 bus hydrogène, conclut Marc Rovigo, nous n’avons pas d’inquiétude ».

*Acronyme utilisée pour le risque d’explosion en entreprise.

 

VIDEO. Découvrez la minute Optymo. 

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