2023 et immatriculations, l’année de la reprise ?

2023 et immatriculations, l’année de la reprise ?

Il n’est pas toujours simple de rentrer dans le détail des statistiques d’immatriculations des autocars et autobus sur le marché français. Selon les organismes qui les produisent, ces chiffres varient chaque année de quelques centaines. Pour autant, à partir de l’analyse des diverses données disponibles, une chose est sûre, les ventes retrouvent « doucement » des couleurs après deux années de crise.

Qu’il s’agisse de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires,de la Chambre Syndicale Internationale de l’Automobile et du Motocycle (CSIAM) ou du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA), autant d’organismes qui ont, dans le courant du mois dernier, produit des statistiques concernant les immatriculations d’autocars et d’autobus en France, il est bien difficile d’analyser avec une rigoriste précision les données fournies. En effet, selon les sources et surtout les périmètres pris en considération (France métropolitaine seule ou intégration des DOM, PTAC différents, etc.), les chiffres varient, parfois de plusieurs centaines d’unités.

En tout bien tout honneur, selon les données du ministère, a été enregistré sur les douze mois de 2023 un total de 6365 véhicules neufs dits de transport en commun de personnes (TCP), soit 4353 autocars et 2012 autobus. Un marché en très légère hausse par rapport à 2022, qui avait culminé à 6192 véhicules immatriculés. Selon cette source, dont les données sont disponibles depuis 2010, ce marché global reste toutefois d’une stabilité notable, variant, selon les années – bonnes ou mauvaises – de 300 à 700 véhicules.

(Copyright : l’Echo Républicain©agence de Chartres.)

Pour la CSIAM, qui a publié ses chiffres le 1er février dernier, le marché des bus a connu « une année exceptionnelle » avec 1992 immatriculations neuves, en hausse de 5,56% par rapport à l’année précédente. De son côté, le marché des autocars s’est stabilisé avec une légère hausse de 3,51%, pour un total de 4132 immatriculations neuves (ce qui donne un total de 6124 véhicules). Une reprise jugée « modeste », qui est, selon la CSIAM, imputable aux autocars de tourisme, marché toujours en convalescence dans un contexte de reprise post-crise sanitaire.

Enfin, pour le CCFA, qui publie des statistiques ne concernant que la France métropolitaine et pour des véhicules d’un PTAC de plus de 5 tonnes, le bilan de l’année passée est de 5 696 immatriculations, en progression de 4,9% par rapport à une année 2022 qui avait vu 5 432 immatriculations enregistrées.

On le voit, les variations statistiques entre ces différents experts sont parfois relativement importantes, mais traduisent toutes le retour d’un marché en progression sur le territoire français. Il est d’ailleurs considéré comme le premier marché européen en la matière, même s’il reste encore loin de son plus « haut » de la décennie : 7967 immatriculations enregistrées en 2015, cette fois selon les chiffres du ministère.

Du côté des marques, peu de surprise…

Pour prendre conscience de la place des différentes marques présentes sur le marché français, l’observateur doit logiquement se tourner vers le CCFA, qui a produit début janvier (comme à son habitude) un bilan des immatriculations par marque. Sans grande surprise, c’est toujours Iveco Bus qui mène la danse avec (selon le CCFA) 2633 véhicules immatriculés, et ce sans compter les 256 autobus produits par Heuliez, l’autre marque du groupe, comptabilisés à part. Autant dire qu’avec 46% de part de marché sous son seul nom, Iveco Bus se maintient largement en tête des ventes. Deuxième sur le podium, Mercedes-Benz réalise une très belle année 2023 avec 1164 modèles immatriculés, soit une progression de 49% de ses chiffres par rapport à 2022. Un résultat important, auquel il convient en plus d’additionner les quelque 42 Setra enregistrés sur l’année. Un résultat toujours modeste pour cette marque de prestige, qui pâtit encore de la convalescence post-Covid du marché des autocars de tourisme.

Immatriculations par marque en 2023 (CCFA).

Médaille de bronze des immatriculations françaises, MAN, avec 566 immatriculations, reste bien positionnée dans la course, mais voit ses ventes se tasser quelque peu, puisqu’elles diminuent de 15,8% sur l’année. Toutefois, le groupe Tatron, auquel appartient MAN, mais aussi Scania, réalise une belle performance si l’on additionne les 133 immatriculations de la marque suédoise en progression de 52,9% (avant le changement de pied du constructeur, qui cesse désormais de produire des véhicules complets) et les quelques Neoplan toujours commercialisés en France.

Iveco Bus Crossway B100.

Passé ce trio de tête, on note les bons résultats enregistrés par des marques turques comme Temsa (194 véhicules) ou Otokar (171 véhicules) qui se maintiennent en challengers, comme le démontrent d’ailleurs les 145 véhicules enregistrés sous la marque Isuzu, distribués dans l’Hexagone par FCC, mais aussi les quelque 60 véhicules Karsan immatriculés par HCI l’an passé.

Un peu plus bas dans ce classement, on remarque la bonne performance d’Irizar qui voit ses ventes progressées de 44,1% avec 98 véhicules enregistrés, la progression « fulgurante » (+86,7%) de Volvo qui immatricule 84 véhicules sur l’année (pour lui aussi avant l’abandon des véhicules complets par la marque) et les 60 véhicules immatriculés par Van Hool. L’industriel belge, aujourd’hui en grande difficulté, avait donc à peine amorcé l’an passé une lente remontée en puissance loin encore de la centaine de véhicules habituellement immatriculés sous son logo…

Le mix-énergétique existe encore  

En matière d’énergie, il convient d’emblée de distinguer les deux marchés très différents que sont les autobus et les autocars. Sur le premier marché, la sortie du diesel est désormais clairement engagée. Si le gazole représente encore un peu moins de 20% des immatriculations en 2023 (270 véhicules), le GNV et l’électrique s’imposent comme les deux principales alternatives.

Les bus électriques à batteries atteignent 717 immatriculations sur l’année 2023, représentant 36% de l’ensemble des volumes écoulés. De leur côté, les bus au GNV totalisent 880 immatriculations au cours de l’année 2023, dont 299 en hybride, ce qui place cette énergie en tête des alternatives au gazole avec 44% de parts de marché. Sans grande surprise, c’est Iveco qui s’impose aussi sur ce créneau. Enfin, toujours dans l’urbain, l’hydrogène progresse (doucement) avec 25 immatriculations cumulées. L’offre s’étant désormais diversifiée (par exemple avec l’arrivée des modèles Heuliez, Karsan, Caetano, Solaris ou Safra), l’observation des immatriculations de l’année 2024 donnera certainement une bonne indication sur la capacité de cette technologie (onéreuse) à se tailler une part de marché.

 

Contrairement à l’univers de l’autobus, plus de 80% des autocars (3533 véhicules) immatriculés en France en 2023 fonctionnaient encore au diesel. Dans un registre proche, quelque 83 véhicules fonctionnant au B100 (exclusif) ont aussi été immatriculés. Comme pour les bus, le GNV se présente comme la première alternative au gazole, même modestement, avec 489 véhicules immatriculés, soit 12% du marché. Cette énergie enregistre cependant une baisse notable par rapport à 2022, sans doute à cause de la hausse des prix du gaz enregistrée dans le courant de l’année 2022, année de commande des véhicules livrés en 2023. Dernier point remarquable sur ce marché des autocars, la baisse importante des immatriculations d’autocars électriques à batteries (Yutong, Temsa ?), qui chutent de 63 véhicules enregistrés en 2022 à seulement 25 en 2023. Le tarif élevé des véhicules proposés, les investissements nécessaires à leur mise en œuvre, et les limitations d’usage inhérents à ce type de modèles expliquent sans doute la baisse d’attractivité de cette énergie dans le transport routier de voyageurs.

Quelles conclusions tirées de ces multiples chiffres ? Avant toute chose, il semble évident que l’allongement des délais de livraison impacte fortement les résultats de la plupart des industriels présents sur le marché français, même si, selon de nombreux témoignages, la tendance est clairement à la décrue. Autre point qui fragilise ce marché : l’instabilité réglementaire liée notamment à la stratégie de décarbonation européenne des transports. Le cortège de contraintes qui en résulte, mais aussi l’impact financier des obligations imposées aux constructeurs, comme à leurs clients, fragilisent toujours clairement ce secteur qui, pour définir sa stratégie d’avenir, aurait besoin de percevoir avec un peu plus de clarté le chemin qu’on lui demande d’emprunter dans les dix ou vingt ans à venir…

Interview. HCI, la quarantaine électrique !

Interview. HCI, la quarantaine électrique !

Pour HCI, qui distribue la gamme Karsan dans l’Hexagone, mais aussi en Belgique, au Luxembourg et en Suisse, l’année 2024 est à marquer d’une pierre blanche. En effet, l’entreprise de Loire-Atlantique fête ses 40 ans d‘existence et, le 22 février dernier, a reçu 2 trophées lors de la Convention des Dealers Karsan : celui du meilleur vendeur Karsan pour 2023 et celui récompensant la plus grosse flotte électrique Karsan vendue de 2019 à aujourd’hui. Rencontre avec Lionel Poch, PDG de HCI.

 

Remise des prix à Lionel Poche lors de la Convention des Dealers Karsan le 22 février.

 

Car & Bus News : HCI vient d’être doublement récompensé en tant que distributeur de Karsan, quel bilan tirez-vous de cette année 2023 ?

Lionel Poch : Depuis 2019, nous enregistrions une forte croissance chaque année, pour arriver à la commercialisation d’une bonne centaine de véhicules à chaque exercice. En 2023, nous avons toutefois dû constater un léger recul des commandes. En revanche, nous sommes particulièrement confiants, quant aux résultats à venir pour l’année en cours, puisque, sur le marché suisse, nous pensons enregistrer une quarantaine de commandes, notamment avec notre e-Jest. Globalement, chaque année, nous tablons toujours sur un volume de commandes plus ou moins identique pour la France, et ce sont ensuite les marchés luxembourgeois ou suisse qui viennent compléter nos résultats.

 

Le e-Jest de Karsan, distribué par HCI.

 

CBN : Quels sont les véhicules phares de votre gamme ?

LP : Nos deux modèles les plus demandés sont actuellement les e-Jest et e-ATAK, qu’il s’agisse de réseaux ou d’indépendants. En tant que distributeurs de véhicules purement électriques, nous avons par ailleurs choisi de proposer un système complet comprenant non seulement le véhicule, mais aussi le dispositif de recharge et un contrat « full maintenance » complètement sur mesure, aujourd’hui fortement prisé des clients, qui a l’avantage de rassurer ceux qui découvrent l’électrique et permet à tous de prendre le temps de former leurs équipes à cette nouvelle énergie, sans attendre pour la mise en service de leurs nouveaux véhicules propres.

 

CBN : Votre gamme ne se limite pas à ces deux modèles, qu’en est-il des autres véhicules ?

LP : Premièrement, nous répondons actuellement à de nombreux appels d’offres avec nos différents modèles. Dans le même registre, nous sommes en train de nous faire référencer dans les centrales d’achat. Enfin, nous avons été sollicités pour des e-ATA 10 m, ainsi que pour des e-ATA hydrogène : toute la gamme devrait donc participer à terme à notre développement.

 

 

Un Karsan e-ATAK autonome.

 

CBN : Vous avez à ce propos présenté l’an dernier un e-ATAK autonome, comment ce modèle particulier a-t-il été accueilli ?

LP : Je crois beaucoup à ce véhicule, qui est le seul à ce jour à proposer un système d’exploitation autonome pour une capacité de 52 places. Pour l’instant, nous avons eu des prises de contacts et des demandes d’offres, mais nous pâtissons d’un vrai retard en matière de réglementation, comme dans le domaine des assurances. Pour le développement de ces véhicules, qui seraient idéaux pour « les derniers kilomètres » de certains services, il manque encore une véritable volonté politique d’accélérer les choses, et il est donc souvent complexe de procéder à des essais. Pour l’instant, le gouvernement a nommé une commission sur le sujet, nous verrons bien comment, et à quelle vitesse les choses avanceront… De toute façon, il convient de reconnaître qu’il s’agira d’un marché complexe, notamment à cause du prix de ce type de véhicule.

 

Karsan e-ATA Hydrogen.

 

CBN : Souffrez-vous, comme la plupart des industriels du secteur, d’un problème de délais dans vos livraisons ?

LP : Oui et non. Certes, ces dernières années, nous avons souffert de retards, qu’il nous était parfois difficile d’anticiper. Mais aujourd’hui, nous constatons que cette période est en train de se résorber, et si nous étions passés de délais de livraison de 4 mois avant la crise Covid à des délais de près de 9 mois fin 2022-début 2023, nous sommes maintenant revenus à une visibilité à 5 ou 6 mois, ce qui rassure la clientèle. C’est une raison de plus pour nous d’être plutôt optimistes pour cette année 2024, qui commence avec notre 40e anniversaire, qui confirme une fiabilité et une durabilité, que sauront apprécier nos clients.

Interview du mois. Le marché du VO retrouve-t-il ses couleurs ? Teamnegoce nous répond

Interview du mois. Le marché du VO retrouve-t-il ses couleurs ? Teamnegoce nous répond

Teamnegoce est une institution dans le secteur du marché des autocars et autobus d’occasion. Créée en 1998, l’entreprise installée en région lyonnaise est aujourd’hui dirigée par Alain Stanis, fils du créateur. Fin-connaisseur de cette activité, le spécialiste répond aux questions de Car & Bus News.

 

Teamnegoce, spécialiste des VO est installé en région Rhône-Alpes.

 

Car & Bus News : A combien de véhicules estimez-vous le marché annuel des autocars et autobus d’occasion ? Et quels sont les modèles les plus demandés ?

Alain Stanis : Globalement, on peut estimer ce marché à quelque 1000 véhicules chaque année, un volume qui reste assez stable. Au niveau de la demande, il s’agit, à notre niveau, surtout d’autocars de tourisme. On nous demande par exemple beaucoup de Setra ou de Mercedes-Benz. Il est vrai que plus ou moins 30% de nos transactions se font à l’exportation, notamment vers la Pologne et les Balkans. Pour ces acheteurs, ces deux marques représentent des valeurs sûres et ils peuvent s’appuyer sur des réseaux de concessionnaires bien implantés et une grande facilité à obtenir les pièces détachées. Autre tendance marquante ces dernières années, on nous demande des véhicules plus récents, et uniquement des Euro VI pour le marché français. Globalement, nous sommes face à une forte demande de véhicules de 22 places, d’autocars scolaires en France, et de véhicules de tourisme pour l’étranger, le tout d’un âge de 10 à 15 ans.

 

CBN : Quel est votre volume de transactions annuel, et comment trouvez-vous les VO que vous commercialisez ?

AS : Avant la crise du Covid, nous réalisions plus ou moins 120 transactions chaque année. Aujourd’hui, nous sommes descendus à une soixantaine faute d’acheteurs, ce qui nous a obligé à réduire notre équipe de cinq à deux personnes. En revanche, la tendance est redevenue positive et nous retrouvons nos clients. Enfin, concernant notre capacité à trouver les véhicules demandés par le marché, nous travaillons essentiellement par connaissance, ce qui n’est pas toujours facile, car beaucoup de grosses entreprises ne souhaitent pas avoir recours à d’autres négociants que ceux auxquels ils sont habitués.

 

CBN : Existe-t-il en France des cycles de ventes pour les VO d’autocars et d’autobus en France ?

AS : Il n’y a pas de cycles évidents, les ventes correspondent plutôt aux rythmes des appels d’offres. Pour notre part, nous allons chercher les véhicules directement afin de pouvoir les essayer lorsque nous les amenons jusqu’à notre atelier. Cet essai nous permet de faire la révision, soit dans notre atelier, soit chez un de nos partenaires. Lorsqu’il est vendu, nous le livrons aussi nous-même.

 

CBN : Comment devrait évoluer le marché français des VO dans les années à venir ?

AS : Le marché retrouve ses couleurs, mais il y a encore quelques zones d’ombre. Par exemple, les délais de livraison très longs pour les véhicules neufs repoussent d’autant les ventes de VO par les entreprises. Autant de phénomènes qui ne me font pas entrevoir la normalisation de ce marché avant 2025. Par ailleurs, l’offre et la demande du moment rendent les VO plutôt chers, notamment à l’étranger.

 

CBN : Comment vous êtes-vous adaptés à cette nouvelle situation ?

AS : Par exemple, nous avons développé la location de véhicules. A dire vrai, nous en avions fait beaucoup il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, comme il est plus difficile de trouver des VO, nous avons réactivé cette offre, car il vaut mieux pour nous les garder et les louer sur deux ou trois mois en période de suractivité. J’ai ainsi aujourd’hui une quinzaine de véhicules Euro VI qui sont destinés à la location.

 

CBN : Enfin, comment percevez-vous l’arrivée sur le marché des véhicules électriques à batteries par rapport à votre activité ?

AS : Comme toujours, nous saurons nous adapter, mais pour l’instant je préfère ne pas m’aventurer sur ce terrain car il y a à mon sens encore trop d’inconnus avec l’électrique, notamment au niveau de l’état des batteries ou de leur évolution d’une génération à l’autre.

Transports collectifs, quel bilan pour 2023 ?

Transports collectifs, quel bilan pour 2023 ?

De quoi cette année 2023 qui se termine sera-t-elle synonyme dans l’esprit des différents acteurs du transport collectif ? Pas simple de dresser un bilan pour ce secteur complexe. Plusieurs indicateurs et témoignages peuvent cependant permettre de dresser un tableau intéressant des évolutions de cette activité.

 

Premier indicateur peut-être, qui se doit d’être mis en lumière, celui du parc de véhicules en exploitation, généralement révélateur de la bonne santé d’un secteur. Le service statistique des ministères en charge du logement, des transports, de l’énergie, de l’environnement, du climat et du développement durable (SDES) vient justement de publier les dernières données connues concernant le parc des autocars et autobus en circulation sur le territoire français. Si ces données désormais disponibles ne datent que du 1er janvier 2023, elles fournissent tout de même un tableau révélateur.

A cette date, 66 200 autocars et 27 800 autobus sont donc en circulation en France. La quasi-totalité des autocars, soit 96,8%, disposent d’une motorisation diesel thermique. Le GNV arrive en deuxième position des motorisations utilisées avec 2,8% des immatriculations, l’électrique (toujours très peu présent dans les catalogues des industriels) ne représentant que 132 unités répertoriées.

 

 

Même si la motorisation diesel reste encore largement majoritaire pour les autobus (65,3%), la progression des motorisations alternatives, au gaz, électrique ou avec une bi-motorisation électrique, est significative. Selon le SDES, la part du diesel thermique a reculé de 4,9 points entre le 1ᵉʳ janvier 2022 et le 1ᵉʳ janvier 2023, essentiellement au profit des véhicules au gaz (+2,2 points) et électriques (+1,8 point). Autre point significatif, cette fois quant à l’âge moyen du parc, le SDES relève que la norme d’émissions de polluants Euro VI, mise en place en janvier 2014, est désormais la plus répandue au sein du parc des autocars (60,7%) et des autobus (56,3%). Toutefois, 15,3% des autocars en circulation et 17,5% des autobus répondent encore à une norme d’émissions inférieure ou égale à 4. Dernier fait révélateur issu de ces statistiques en matière d’immatriculations, depuis 2011, le parc total des autobus s’est accru de 39,6% tandis que celui des autocars n’a progressé que de 4,3%.

Pour cette année 2023 qui s’achève et donne une tendance, les chiffres d’immatriculations récemment publiés révèlent que 5 200 véhicules de transport de personnes ont été enregistrés à fin novembre, soit une hausse de 6,2% par rapport à la même période en 2022.

Concernant les marques, assez classiquement, Iveco Bus reste leader du marché français avec 2 631 immatriculés en comptant Heuliez Bus, Daimler Bus arrive en deuxième position avec 1093 véhicules (1 057 Mercedes, 36 Setra), et MAN est troisième avec 502 véhicules. Viennent ensuite Temsa (185), Otokar (157) et Scania (132).

 

Activité en hausse pour le bus, pas vraiment pour l’autocar

 

Toujours selon les données du SDES, les distances parcourues par les transports en commun de personnes sont en hausse de 9,9% en 2022. Le parcours annuel moyen des autobus est resté stable à 39 000 km/an, tandis que celui des autocars a progressé de 14,9% en un an, s’établissant à 28 800 km/an. Ainsi, de 2011 à 2022, les distances parcourues par les véhicules de transport de voyageurs augmentent-elles globalement de 6,4%, tirées par la progression de celles des autobus (+36,8%). Malgré une tendance à la hausse jusqu’en 2019, les distances parcourues par les autocars, plus fortement et durablement affectés par les restrictions de déplacement pendant la crise sanitaire, diminuent de 5,5% sur la même période. En 2022, elles n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant-crise (-7% par rapport à 2019), preuve sans doute, qu’à cette date, le tourisme en autocar notamment, n’avait pas retrouvé ses couleurs, ou/et que la crise de recrutement des conducteurs vécue par ce métier impacte le volume des services réellement effectués, notamment en transport scolaire. Les distances parcourues par les autobus dépassent, quant à elles, de 8,6% leur niveau d’avant-crise, preuve cette fois des efforts consentis par les autorités organisatrices de mobilités (et des réseaux) pour augmenter l’offre de transports collectifs, peut-être dans le cadre d’une stratégie assumée de renforcement du report modale.

 

L’autocar, entre chaud et froid…

 

Au chapitre des bonnes nouvelles de l’année concernant le secteur des transports routiers de voyageurs, l’observateur attentif aura remarqué une baisse de la pression des problèmes de recrutement sur l’activité. A la dernière rentrée scolaire, il ne manquait « que » 4000 conducteurs dans ce secteur, une amélioration par rapport à 2022, où l’on notait 2000 absents de plus. Pour autant, de nombreux services scolaires ont été réduits ou n’ont pu être effectués cette année et, l’an prochain, il sera sans doute nécessaire de poursuivre les efforts avec, toutefois quelques raisons d’être optimistes. D’un côté, toutes les entreprises se mobilisent à grande échelle (avec les coûts afférents à ces politiques de recrutement…), l’AFTRAL forme de plus en plus, l’âge d’obtention du permis a été abaissé, et de l’autre, des discussions se sont ouvertes avec l’Education Nationale pour réfléchir aux principes de ré-enchaînement des services, etc. Restera à régler le problème des délais d’obtention des documents administratifs, toujours trop longs. Un sujet largement évoqué lors du congrès de la FNTV du 15 novembre dernier.

 

Satra, marque emblématique du groupe Daimler dans l’univers de l’autocar de tourisme, revient dans le tableau des immatriculations, après de longs mois de vaches maigres à la suite de la crise Covid.

 

Autre point positif pour le secteur du transport routier de voyageurs, la bonne santé des services librement organisés (SLO), relevée par le dernier rapport de l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL), présenté le 18 décembre dernier, et portant sur l’année 2022 lui aussi.

Selon l’OPTL donc, après deux années marquées par la crise sanitaire liée à la pandémie, la reprise débutée en 2021 s’est intensifiée en 2022. Le trafic en autocars augmente de 77% en un an, mais n’a toutefois pas encore complètement retrouvé son niveau de 2019. Du fait d’une demande dynamique, en dépit d’une reprise timide de l’offre, le taux d’occupation a atteint un niveau supérieur à celui d’avant la crise (66 à 75% au troisième trimestre contre 63 à 72% en 2019), permettant au chiffre d’affaires du SLO de se situer au moins au même niveau qu’en 2019 (entre 130 et 155 M€ en 2022 contre 132 à 147 M€ en 2019).

Enfin, autre raison de voir l’avenir avec une certaine sérénité lorsqu’on est autocariste : le retour du tourisme en autocar. A condition toutefois que les entreprises aient conservé cette activité dans leur portefeuille pendant la crise Covid. Selon les observateurs les mieux placés, la tendance à la hausse de l’activité touristique varie selon les régions entre 15 et 30% par rapport à l’année de référence qu’aura été 2019. Une tendance à la hausse donc, qui se caractérise toutefois par l’e développement remarqué de ce que d’aucuns nomment le transport occasionnel, à contrario des séjours (longue distance notamment) qui n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’antan.

« Les séjours linguistiques ou la réception des touristes asiatiques sont par exemple en diminution, constate ainsi Alexandre Delvallez, directeur général de Réunir. En revanche, nous avons pu constater cette année un retour des touristes américains et européens ». Dans cette logique de retour de la croissance, les entreprises concernées, de fait moins nombreuses aujourd’hui, se sont positionnées dans une logique de marché, ce qui, toujours selon Alexandre Delvallez, leur permet d’établir une grille de prix plus juste, et donc de consolider leurs marges.

Bien entendu, cette activité pâtit elle aussi des problèmes de pénurie de conducteurs qui sévit dans tout le transport routier de voyageurs, mais aussi des délais de livraison de nouveaux véhicules. De nombreuses commandes d’autocars de tourisme enregistrées cette années sont par exemple prévues à la livraison pour 2025… Une situation qui pénalise clairement les opérateurs dans leur volonté de renouvellement du parc. Mais ils qui aussi à définir correctement le prix de leurs prestations, ce qui ne permet pas à leurs clients d’avoir une claire visibilité. Pour autant, l’année qui vient devrait être encore marquée par des records dans ce secteur (congrès, commémorations et, bien sûr, JO), avant une forme de retour à la normale.

 

Vers un imbroglio réglementaire européen ?

 

Au chapitre des éléments inquiétants pour ce métier reste le problème posé par la transition énergétique du secteur. Si la profession autocariste milite (comme presque tous les acteurs du transport collectif) pour un mix-énergétique incorporant notamment le diesel ou le gaz, à condition qu’ils soient « bio » à termes, l’Etat (sauf peut-être, le ministre des Transports Clément Beaune) campe encore sur la position européenne clairement orientée vers le tout électrique, notamment à travers le règlement CO2Transports adopté le 21 novembre dernier. « Concernant notre profession, constate à cet égard Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV, les textes européens restent pour nous inquiétants, car le tout électrique est pour nous impossible. Nous aurons sur ce sujet délicat besoin d’un vrai soutien économique des pouvoirs publics, ainsi que d’une feuille de route claire et réaliste… ». En ce sens, on notera les interrogations qui existent encore sur la pertinence du concept de rétrofit (électrique ou hydrogène) appliqué aux autocars. Une nouvelle possibilité de « verdissement » des flottes existantes dont on mesure encore mal l’ampleur et les implications sur l’évolution des entreprises.

 

Un autocar Yutong électrique, longtemps seul autocar de ce type sur le marché français.

 

Autre point réglementaire qui ajoute à l’inquiétude ambiante, la proposition CountEmissions EU qui a été présentée par la Commission européenne plus tôt cette année dans le cadre du Greening Freight Package. Ce nouveau règlement viserait à mettre en œuvre un cadre commun européen pour le calcul et la divulgation des émissions de GES (gaz à effet de serre) provenant des services de transport de passagers et de marchandises. Le Conseil a soutenu l’approche de la Commission et a aligné la proposition CountEmissions EU sur la norme ISO 14083 qui est déjà utilisée et fournit une méthodologie pour calculer et divulguer les émissions de GES en utilisant une approche du puits à la roue.

Le Conseil souhaiterait que les « grands opérateurs de transport » soient obligés de comptabiliser leurs émissions pour leurs opérations nationales sur la base de l’activité de leur flotte et de leurs opérations réelles. Elles doivent déjà déclarer leurs émissions conformément à la directive européenne sur les rapports sur le développement durable (CSRD). Un des problèmes identifiés est que pour le CountEmissions EU, le Conseil n’utilise pas comme définition d’une « grande entreprise » celle utilisée dans le CSRD, d’où un manque de cohérence possible. Le Conseil oblige également la Commission européenne à fournir un outil en ligne pour calculer les émissions de GES. Restera à définir la nature du traitement des sous-traitants, pas toujours à même de fournir ce type de données (un point fondamental pour le secteur des voyageurs). Par ailleurs, la vérification des données de sortie est aussi un élément supplémentaire qui n’a pas été correctement pris en compte. Une fois que les opérateurs auront calculé leurs émissions de GES, celles-ci devront en effet être vérifiées par un organisme d’évaluation de la conformité pour garantir qu’elles répondent aux exigences. Or, les règles de vérification n’ont pas encore été précisément définies…

Enfin, telle une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de la tête des opérateurs du TRV, reste le problème posé par les ZFE (zones à faible émission), voire les ZTL (zone à trafic limité) comme à Paris, dont les conditions de mise en œuvre sont désormais du ressort des collectivités concernées (cinq métropoles françaises sont aujourd’hui confrontées à cette obligation). Si les opérateurs ont évité une mesure couperet à l’échelle nationale, ils sont maintenant confrontés à la disparité des stratégies locales mise en œuvre, avec tout ce que cette situation comporte d’insécurité lorsqu’il s’agit d’organiser un service de transport, notamment touristique…

 

Une situation économique fragile

 

Une situation réglementaire instable qui s’ajoute à une situation économique fragile, notamment parce que la réalité des entreprises face, par exemple, à la nécessité de rembourser les PGE (prêts garantis par l’Etat) contractés pendant la crise Covid est particulièrement contrastée. Ainsi en est-il aussi de l’inflation des coûts régulièrement pointée du doigt par le Conseil National Routier (CNR). A titre d’exemple, après avoir progressé de +7,3% en moyenne annuelle sur 2022, le coût de revient total d’un autocar scolaire a enregistré une inflation de +5,3% en 2023. Depuis deux ans, l’augmentation des coûts atteint donc +13%. Parmi les facteurs explicatifs de ces hausses, le CNR met en lumière le poste conducteur, composante prépondérante, qui enregistre une inflation de +15,8% depuis deux ans (+12,4% sur la seule année 2023). Le CNR constate en revanche que le chiffre d’affaires des entreprises du transport routier de voyageurs (transport régulier et à la demande) se redresse progressivement au cours du premier semestre 2023 pour retrouver son niveau d’avant crise Covid, et ce malgré la pénurie persistante de conducteurs.

Ajoutez à cela le renchérissement des coûts du crédit et… les délais de livraison des véhicules qui se sont fortement rallongés, et vous avez là un cocktail qui complique singulièrement la gestion d’une entreprise du TRV.

Heureusement peut-être, les AOM semblent jouer le jeu, notamment face aux demandes de la profession. Outre leur présence aux côtés des entreprises pendant la crise sanitaire, elles ont globalement modifié positivement l’indexation, tandis que les aspects qualitatifs prennent plus d’importance dans les critères d’attribution des contrats, eux-mêmes d’une durée généralement plus longue que précédemment. « En ce qui concerne cet aspect de l’activité de nos entreprises, les conditions s’améliorent, conclut Jean-Sébastien Barrault, et nous pouvons aussi compter sur l’écoute du ministre des Transports ».

 

La livrée des futurs Cars express d’IDFM.

 

Enfin, en termes d’image comme de nouveaux marchés potentiels, l’autocar aura, en cette fin 2023, retrouvé des lettres de noblesse à travers par exemple le projet francilien de lignes de Car express (45 nouvelles lignes express, complétée par le renfort à court terme de 9 lignes déjà existantes, soit un total de 200 nouveaux véhicules à mettre en service) dont la mise en œuvre sera certainement scrutée avec attention dans tout l’Hexagone.

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Le transport urbain sous pression

 

Si les acteurs du TRV sont, pour certains, confrontés au « mur de la dette », les transports publics urbains semblent eux confrontés à un véritable mur de l’investissement. En cause : la transition énergétique et le développement du report modal. Comme le révèlent les chiffres du parc d’autobus français évoqué précédemment, le verdissement des flottes de bus, fort d’une offre industrielle aujourd’hui abondante et très diversifiée, est désormais bien avancée. Pour autant, le surcoût des véhicules dits propres pèse très clairement sur les finances de collectivités, confrontées qu’elles sont à des exercices budgétaires compliqués par la situation économique du moment et l’inflation.

Dans ce cadre, le temps des grands discours vantant l’avenir radieux d’une transition énergétique rapide semble plutôt (même si discrètement) mis de côté. Si l’objectif reste le même, faire du transport public le bon élève de cette transition, les limites de l’exercice sont désormais évidentes pour la majorité des responsables. D’autant que les collectivités sont aussi comptables de la mise en œuvre du Plan vélo, parfois fort dommageable pour la bonne tenue des services de bus, mais aussi de « l’accessibilité » voir de « l’inclusivité », de ces mêmes « transports du quotidien », etc. Plus que la vertu appliquée aux réseaux, sont donc plutôt mis en avant la nécessité d’un report modal massif et donc d’un choc d’offre propre à séduire les clients, les deux nouveaux « maître-mots » du secteur. Selon certains, « trop de textes s’accumulent et se superposent, au niveau de l’Union européenne comme de la France ». Tous les acteurs ont donc eux aussi besoin de visibilité à plus longs termes.

Le report récent, de 2030 à 2035, par le Conseil européen, de l’obligation d’acheter 100% de bus zéro émission est considéré avec un certain soulagement. Mais l’ensemble des professionnels du transport public martèle aussi qu’ils ont besoin d’accompagnement et de financement de la part des pouvoirs publics. Est par ailleurs pointé du doigt la volonté d’imposer à grande vitesse le seul mode électrique comme alternative écologique, alors que de nombreux experts jugent toujours le GNV, évidemment dans sa composante bio issue de la méthanisation, comme une alternative digne d’intérêt, notamment en termes d’indépendance et de développement des tissus industriels locaux… Le travail de « pédagogie » auprès des pouvoirs publics a donc commencé (peut-être un peu tardivement), comme le prouve la récente visite de Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, sur le site Iveco Bus d’Annonay. Un événement où fut clairement mis en avant les qualités du bio-GNV comme outil économiquement viable (et fiable) de décarbonation des transports collectifs urbains. On l’aura compris, l’ensemble du secteur se réveille aujourd’hui en prônant lui aussi un réel (ou simplement réaliste ?) mix-énergétique.

 

Le Heuliez GX137L ELEC.

 

Toujours concernant ce fameux nerf de la guerre, un cri d’alarme n’aura cesser de retentir tout au long de l’année, notamment aux Rencontres Nationales du Transport Public qui se déroulaient à Clermont-Ferrand. Les AOM ont désormais compris qu’il existe un coût acceptable pour chaque prestation de transport. D’autre part, tout le monde a aussi compris que les moyens à disposition ne sont plus extensibles. « Sans aides pour faire cette transition, nous risquons d’être obligés de diminuer l’offre », menacent-ils donc régulièrement. Un résultat qui serait totalement contre-productif, puisqu’il s’agit avant tout pour les transports collectifs de séduire les automobilistes. Les acteurs réclament donc une massification de l’aide à l’achat des véhicules, du même niveau que celui appliqué aujourd’hui aux vélos ou au covoiturage… Tous s’accordent aussi sur la nécessité de sanctuariser le versement transport comme source de ressources pour le transport de voyageurs. Pour résumer, ils réclament désormais une transition « soutenable économiquement » pour les collectivités, et prônent l’adaptation de l’offre des transports publics aux besoins, aux finances et aux contraintes locales.

La question qui reste aujourd’hui en suspens est donc simple et participe d’un certain principe de réalité : n’est-il pas déjà trop tard pour que cette transition se déroule dans la douceur ? Monsieur Mezghani, de l’UITP ne disait-il pas, lors de la conférence TTDC 23 : « je préfère avoir un bus diesel sur une voie de bus plutôt qu’un bus électrique coincé dans les embouteillages. Car les gens se moquent de savoir si le bus est électrique ou diesel, polluant ou non polluant, ils veulent aller d’un point à un autre ». Une façon claire de dire que le bus est en lui-même (comme l’autocar d’ailleurs) écologiquement vertueux, qu’il soit thermique ou électrique, puisqu’il transporte une masse de passagers qui ne sera pas obligée de recourir à la voiture pour ses déplacements quotidiens.

 

Le transport public urbain, terrain d’expérimentation

 

Comme le démontrent depuis quelques années les différents salons dans lesquels les industriels du transport collectif mettent en valeur leur production d’autobus, c’est en effet dans ce secteur d’activité que les nouvelles énergies trouvent leur meilleur terrain de développement et d’expérimentation, réglementation européenne et subventions massives obligent. Ce sont donc bien les autobus qui ont été les premiers à avoir été proposés en GNV, mais aussi en version électrique à batteries, et désormais à l’hydrogène. Là encore, les chiffres du SDES évoqués plus haut sont révélateurs. Au 1er janvier 2023, presque 5000 bus fonctionnaient au GNV, presque 2000 étaient à propulsion électrique, et 27 fonctionnaient à l’hydrogène. La transition énergétique des transports collectifs urbains est donc bien en marche, voire même très avancée. En creux, et compte tenu de la durée de vie de ces matériels, du surcoût important des nouvelles technologies, de la raréfaction des ressources des collectivités et des nécessaires investissements massifs qu’ils impliquent dans les infrastructures ad-hoc, on mesure que le chemin qui mènera au zéro émission risque d’être encore long, peut-être même au-delà de la date de 2050 professée par l’UE et tant d’autres… Très concrètement, en dehors des grandes (et riches) agglomérations, les alternatives au thermique restent encore plus ou moins réservées à des lignes « emblématiques », souvent qualifiées de « structurantes ». Il en va clairement ainsi de l’hydrogène, le plus coûteux aujourd’hui, qui reste plus ou moins encore à l’état d’expérimentation.

 

Le Solaris Urbino 18 H2 a fait son entrée sur le marché européen cette année.

 

Le cas de la communauté d’agglo Pau Béarn Pyrénées est exemplaire en ce sens. Le réseau Fébus de Pau faisait en 2019 figure de pionnier en matière d’hydrogène, puisqu’il avait mis cette année-là en service 8 autobus BHNS Van Hool H2, complétés ensuite par 4 véhicules supplémentaires, eux aussi fournis par le constructeur belge. Si ces véhicules semblent avoir donné globalement satisfaction, confrontée en cette fin d’année à une baisse significative des subventions en provenance de l’Etat français et de l’UE, et à un coût de production élevé de l’hydrogène vert nécessaire au fonctionnement « vertueux » de ces véhicules, l’agglomération a fait le choix d’orienter ses futurs achats de bus standards vers l’électrique à batteries, moins onéreux.

 

Le e-Jest de Karsan, distribué par HCI.

 

Dans une autre logique d’adaptation aux réalités économiques, l’observateur attentif ne peut que remarquer l’augmentation des commandes de minibus et midibus, majoritairement électriques. Les catalogues des industriels s’enrichissent donc au rythme des demandes de collectivités, généralement de taille moyenne, qui trouvent avec ces matériels le moyen d’irriguer leur centre-ville et de faire œuvre de transition, et ce à moindre coût. Dans la même logique peut-être, on aura remarqué cette année l’arrivée chez les constructeurs de nouvelles générations de véhicules autonomes. Des modèles qui, pour l’instant du moins, ne semblent pas avoir encore trouvé leur marché.

Dernier cas sur lequel il est peut-être nécessaire de s’interroger concernant le développement du parc roulant des transports collectifs urbains « propres », celui du trolleybus. Précieusement conservé et renouvelés par les agglomérations qui n’ont pas démonter les infrastructures nécessaires dans les années 70/80, les trolleybus seraient, de l’avis de la plupart des experts, la meilleure solution « électrique », compte tenu du ratio coût d’achat/volume de batteries embarqué/capacité d’emport/durée de vie. Sans doute le retour des câbles d’alimentation dans les rues est-il souvent jugé inesthétique par certains édiles ? Les mêmes toutefois qui ont laissé proliférer en périphérie de leurs communes des « zones d’activités » désormais clairement ressenties comme une atteinte au bon goût… Peut-être les réalités économiques du moment et à venir redonneront-elles à ce mode quelques lettres de noblesse ?

 

Un Crealis d’Iveco Bus. Le trolleybus est-il le meilleur type de bus électrique ?

 

Dans cette logique, pour l’ensemble des transports collectifs, 2024 qui arrive se devra d’être une année de transition… positive.

Interview. Neste, Altens et Bolloré Energy s’allient pour le diesel renouvelable

Interview. Neste, Altens et Bolloré Energy s’allient pour le diesel renouvelable

Dans le cadre du salon Solutrans, qui s’est déroulé à Lyon du 21 au 25 novembre derniers, Neste a signé deux partenariats avec Altens et Bolloré Energy pour la distribution du Neste MY Renewable Diesel sur le marché français à partir de 2024.

Neste, Altens et Bolloré Energy insistent d’ailleurs sur le fait que si la France veut atteindre les objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre de la loi Énergie-Climat et de la Stratégie Nationale Bas Carbone, tout en respectant les objectifs européens, elle doit prendre en considération toutes les solutions disponibles pour lutter contre le dérèglement climatique. Cela nécessite de renforcer sa stratégie pour l’énergie électrique et hydrogène, mais aussi d’adopter les biocarburants et carburants liquides bas carbone.

Neste produit ainsi du diesel renouvelable à partir de matières premières 100% renouvelables, dont plus de 90% étaient en 2022 issues de déchets et de résidus.

Le Neste MY Renewable Diesel contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 90%, lorsque les émissions du carburant sont comparées à du diesel fossile sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Rencontre avec Johannes Hartig, directeur des ventes marché européen.

 

Johannes Hartig, directeur des ventes Europe de Neste.

 

Car & Bus News : Pouvez-vous nous présenter l’entreprise Neste, peut-être méconnue des professionnels français ?

JH : Nous sommes une société finlandaise et le premier producteur mondial de diesel renouvelable destiné aux transports terrestres et aériens. Notre procédé NEX BTL consiste en un hydrotraitement de déchets, de résidus et de graisses d’origine naturelle. Nous possédons des raffineries en Finlande, à Rotterdam, Singapour et en Californie. En 2022, le chiffre d’affaires de Neste a atteint 25,7 Mds€. Et nous avons calculé que nous aiderons nos clients à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 20 millions de tonnes par an d’ici à 2030.

La capacité actuelle de production de produits renouvelables de Neste est de 3,3 millions de tonnes par an. L’opération conjointe de Neste et de Marathon Petroleum à Martinez, en Californie, portera la capacité totale de production de produits renouvelables à 5,5 millions de tonnes au début de l’année 2024. Une fois achevé, le projet d’expansion de la raffinerie de Rotterdam de Neste augmentera encore la capacité totale de production de produits renouvelables de l’entreprise à 6,8 millions de tonnes d’ici la fin de 2026.

Enfin, nous avons calculé que nous aiderons nos clients à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 20 millions de tonnes par an d’ici à 2030.

 

CBN : Comment organisez-vous la distribution de votre diesel renouvelable sur le marché français ?

JH : Nous sommes présents dans l’Hexagone depuis une dizaine d’année, même si nous n’avons pas de réseau de distribution en propre et que nous nous appuyons sur des distributeurs locaux. C’est dans ce cadre que se situe notre nouveau partenariat avec Altens et Bolloré Energy, qui consistera en une mise en commun de la distribution de notre carburant en France. Nous sommes convaincus que notre carburant Neste MY répond aux ambitions des autorités organisatrices de transport et des opérateurs de transport, qui pourront décarboner leurs flottes sans investissements trop lourds et sans modification des véhicules du parc ou de leurs structures d’exploitation. Nous estimons d’ailleurs que le marché français pour ce type de carburant représente plus ou moins 5 millions de m3.

CBN : Quel est le surcoût de votre Neste MY ?

JH : Le surcoût doit être calculé en termes de coût total de la décarbonation. Et au final, celui-ci s’avère tout à fait supportable, notamment grâce à l’absence de surcoût en matière d’infrastructure. Autres points qui jouent en la faveur du Neste MY : sa haute performance grâce à un indice de cétane élevé, sa résistance aux températures extrêmes et sa remarquable tenue dans le temps, nos laboratoires ayant déjà pu constater qu’il n’y avait aucune altération du carburant 10 ans après sa production et son stockage. Preuve des qualités de notre diesel renouvelable, les armées commencent d’ailleurs à s’y intéresser.

CBN : Quelle place pourra jouer votre carburant dans le cadre de la politique de verdissement des transports menée à l’échelle européenne ?

JH : Nous sommes bien sûr des adeptes du mix-énergétique, car nous pensons qu’en 2040, le développement de véhicules électriques ne permettra de décarboner concrètement qu’un quart du transport européen. L’utilisation d’un carburant comme le nôtre participe donc d’un ensemble de solutions. Nous pensons par ailleurs qu’il ne faut surtout pas attendre 2035, et la fin du moteur thermique, pour recourir au Neste MY. Preuve que nous commençons à être entendus, notre marque connait un véritable essor et est présent dans de nombreux pays de l’Union européenne, la Finlande bien sûr, mais aussi aux Pays-Bas, en Belgique, Allemagne, etc.

Interview : Heinz Kiess, directeur Marketing produit chez MAN Bus

Interview : Heinz Kiess, directeur Marketing produit chez MAN Bus

Les industriels de l’autocar et de l’autobus vivent depuis quelques années une véritable révolution. L’accumulation des lois et règlements liée à la transition écologique voulue par les instances européennes et françaises leur impose de revoir toute leur stratégie. Dans ce contexte, l’avis d’une des figures du secteur peut prendre valeur d’analyse. Entretien avec Heinz Kiess, directeur Marketing produit chez MAN Bus.

 

Car & Bus News : Pouvez-vous nous définir en quelques mots la situation dans laquelle se trouvent les constructeurs de véhicules de transport collectifs actuellement ?

Heinz Kiess : Nous sommes tous clairement sous pression de la réglementation et sous celle de l’obligation de revoir et d’intégrer un nouvel environnement électronique. Pour nous la prochaine étape consiste à répondre au défi de la norme Euro 7 en 2027.

 

CBN : MAN va donc relever ce pari ?

HK : Oui, en 2027, MAN sortira une motorisation thermique conforme aux normes Euro 7, car nous pensons que l’avenir de l’autocar passera par un mix-énergétique susceptible de répondre aux divers cas d’usage de ce type de véhicules. Dans cette logique, nous présenterons aussi en 2025 un autocar électrique afin de tester le concept, avant, en 2028 ou 2029 de proposer une nouvelle plateforme électrique MAN pour notre gamme d’autocars. Elle intégrera d’ailleurs les batteries que MAN a commencé à produire dans notre usine de Nuremberg.

 

CBN : L’usage de l’hydrogène semble aussi faire une percée dans le secteur des transports collectifs, quel est le point de vue de MAN sur cette évolution technologique ?

HK : Nous avons passé beaucoup de temps à analyser dans le détail le cycle de l’hydrogène vert. Nous allons concentrer nos recherches sur l’usage des piles à combustible, mais aussi sur le moteur thermique H2. Mais pour bien saisir l’importance de cette évolution et savoir quelle place nous pouvons y tenir, il faut développer une vision du puit à la roue pour faire les bons calculs. Nous nous devons donc d’être pragmatiques car, pour développer l’hydrogène, il faudra disposer d’infrastructures qui restent encore en grande partie à créer.

 

CBN : Quelle est votre vision du marché européen aujourd’hui ?

HK : MAN mène des enquêtes permanentes auprès de ses clients, et nous ne pouvons que constater qu’ils subissent par exemple aujourd’hui des pénuries de conducteurs, une inflation importante, une concurrence exacerbée, etc. Il est difficile de développer une stratégie produit sans tenir compte du fait que c’est toujours le client final qui décide, et ce en fonction de l’ensemble des facteurs évoqués précédemment. Tant que nos clients ne franchissent pas certains caps, nous ne pouvons pas faire le pari de leur proposer des produits inadaptés à leur demande.

 

CBN : Diriez-vous par exemple que le véhicule autonome, pourtant de plus en plus présent dans certains catalogues chez vos concurrents, ne correspond pas encore aux attentes de votre clientèle ?

HK : Même si MAN travaille sur plusieurs projets de véhicules autonomes dont les premiers résultats devraient apparaître dans cinq ans, ce qui n’est pas si lointain, l’autonomie ne me paraît pas être une solution adaptée à la grande majorité des besoins du transport collectif.