RNTP 2023 : le transport public en quête de ressources

RNTP 2023 : le transport public en quête de ressources

Les Rencontres Nationales des Transports Publics, accueillies cette année par Clermont-Ferrand du 17 au 19 octobre, furent, pour les quelque 8000 acteurs du secteur qui avaient fait le déplacement, l’occasion de mettre en lumière leur savoir-faire, notamment avec la présence de nombreux exposants 228 selon les organisateurs), mais aussi de disserter sur le développement et l’avenir de leur activité.

Dans ce cadre, à travers les multiples débats et conférences organisés, l’observateur attentif pouvait découvrir que le temps des grands discours vantant l’avenir radieux d’une transition énergétique rapide était mis de côté. La mise en pratique est désormais à l’ordre du jour, et les limites de l’exercice sont désormais apparues clairement aux yeux de la majorité des acteurs. Si l’objectif reste le même, faire du transport public le bon élève de cette transition, bien que celui-ci ne représente que 1% des émissions de gaz à effet de serre du pays, confrontés à la mise en application, les limites de l’exercice sont désormais évidentes pour la majorité. Plus que la vertu appliquée aux réseaux, ont donc été mis en avant la nécessité d’un report modal massif et donc d’un choc d’offre propre à séduire les clients. Selon certains, « trop de textes s’accumulent et se superposent, au niveau de l’Union européenne comme de la France ».

 

Les RNTP ont fait le plein de visiteurs. (© BMazodier-GIE Objectif Transport Public).

 

Tous les acteurs ont donc besoin de visibilité à plus longs termes. Le report récent, de 2030 à 2035, par le Conseil européen, de l’obligation d’acheter 100% de bus zéro émission est donc considéré avec un certain soulagement (la date de 2040 pour les autocars étant maintenue). L’ensemble des professionnels du transport public présent martèle aussi qu’ils ont besoin d’accompagnement et de financement de la part des pouvoirs publics, une gageure peut-être, dans le contexte économique compliqué du moment.

Auront aussi été pointés du doigt la volonté d’imposer à grande vitesse le seul mode électrique comme alternative écologique, alors que de nombreux experts jugent toujours le GNV, évidemment dans sa composante bio issue de la méthanisation, comme une alternative digne d’intérêt, notamment en termes d’indépendance et de développement des tissus industriels locaux… On l’aura compris, l’ensemble du secteur se réveille aujourd’hui en prônant un réel mix-énergétique plutôt que de s’enfermer dans une opposition entre les différentes ressources énergétiques. Il réclame désormais une transition « soutenable économiquement », et prône l’adaptation de l’offre des transports publics aux besoins, aux finances et aux contraintes locales.

Enfin, toujours concernant le nerf de la guerre, un cri d’alarme aura souvent retenti : « sans aides pour faire cette transition, nous risquons d’être obligés de diminuer l’offre ». Un résultat totalement contre-productif, puisqu’il s’agit avant tout de séduire les automobilistes. Les acteurs réclament donc une massification de l’aide à l’achat des véhicules, du même niveau que celui appliqué aujourd’hui aux vélos ou au covoiturage… Tous s’accordent aussi sur la nécessité de sanctuariser le versement transport comme source de ressources pour le transport de voyageurs.

 

La majorité des débats ont tourné autour de la transition énergétique, et de son financement (© BMazodier-GIE Objectif Transport Public).

 

La question qui reste aujourd’hui en suspens est pourtant simple : n’est-il pas déjà trop tard pour que cette transition se déroule dans la douceur ? Monsieur Mezghani, de l’UITP ne disait-il pas, lors de la  conférence TTDC 23 : « je préfère avoir un bus diesel sur une voie de bus plutôt qu’un bus électrique coincé dans les embouteillages. Car  les gens se moquent de savoir si le bus est électrique ou diesel, polluant ou non polluant, ils veulent aller d’un point à un autre ». La venue de Clément Beaune, ministre des Transports, et sa visite de quelques stands le 19 octobre, aura peut-être mis du baume au cœur des acteurs présents, mais chacun mesure que la tâche est encore immense, et le contexte général de moins en moins propice aux fantaisies.

Exposition, l’étonnante omniprésence de l’autonomie

 

Le e-ATAK Autonome de Karsan.

Moins d’une semaine après Busworld 2023, les industriels avaient eu peu de marge de manœuvre pour venir mettre en valeur l’ensemble de leur offre de véhicules à Clermont-Ferrand. Ces derniers étaient donc moins d’une vingtaine dans le hall d’exposition, tous électriques. Etonnement, une partie non négligeable d’entre eux étaient des modèles autonomes. Karsan, distribué en France par HCI, accueillait même les congressistes avec un e-ATAK autonome fonctionnel qui les conduisait du parking à l’entrée du congrès. Au fil des stands pouvaient ensuite être découverts les navettes autonomes développées par ZF, Lohr, GAMA (un modèle ex-Navya sur le stand Macif), voire même, le fameux Urbanloop qui devrait être mis en circulation à Nancy. Une tendance qui interpelle, sachant que le marché n’est pour l’instant guère au rendez-vous. Affaire à suivre.

 

La navette autonome de ZF.

 

Le concept Urbanloop deNancy.

 

Les amateurs d’autobus et minibus plus classiques, pouvaient eux découvrir au fil des stands le BlueBus 6m (dans une version moins équipée que celle présentée à Busworld, nous y reviendrons), le Heuliez GX 137 ELEC de Saint-Etienne (voir plus bas), un MAN Lion’s City 12 Elec, le nouveau HYCITY® de Safra, le e-Centro d’Otokar, les e-Jest et e-ATA Hydrogène de Karsan. Ebusco était aussi présent, sans véhicule toutefois, et hébergé sur le stand de l’UGAP, qui vient de référencer son modèle 3.0. Enfin, Daimler Buses disposait d’un stand, mais lui aussi sans véhicule exposé. 

 

Le BlueBus 6m.

 

Le e-Centro d’Otokar.

 

Le e-Jest et e-ATA hydrogène de Karsan, distribués en France par HCI.

 

Le MAN Lion’s City 12 Elec.

 

Une nouvelle commande pour Safra

 

Le HYCITY de Safra.

 

Safra, qui a donc réussi l’exploit logistique de transférer en un temps record son nouvel autobus hydrogène HYCITY® du salon Busworld de Bruxelles aux RNTP 2023 à Clermont-Ferrand, a profité de l’occasion pour annoncer officiellement la commande de 10 exemplaires de ce véhicule par le Syndicat Mixte des Transports en Commun de l’Agglomération Clermontoise (SMTC-AC).

Les bus seront livrés mi 2024, exploités par Keolis, et s’inscrivent dans le projet global de transition énergétique InspiRe de Clermont Auvergne Métropole. Projet qui consiste dans le développement d’un écosystème dédié à l’hydrogène, depuis la production d’une énergie 100% décarbonée (station des Gravanches), à l’avitaillement de la flotte de véhicules (station de compression et distribution de Cournon-d’Auvergne), ainsi qu’à la mise en service de 10 autobus neufs et 4 autocars rétrofités.

Les RNTP auront été l’occasion d’annoncer la commande Clermont-Ferrand (@crédit photo SAFRA).

 

Les véhicules hydrogène seront déployés sur la ligne 35-36, les deux lignes urbaines combinées qui permettent de relier le centre de Clermont-Ferrand (Delille Montlosier) aux communes de l’Est de la métropole : Lempdes, Mur-sur-Allier et Pont-du-Château.

Des GX 137 ELEC pour Saint-Etienne

 

Iveco France a annoncé la livraison des GX 137 ELEC pour Saint-Etienne.

 

A l’occasion de ces mêmes Rencontres Nationales du Transport Public, Solène Grange, DG d’Iveco France a, pour sa part, officiellement remis les clés du premier des cinq GX 137 ELEC à Luc François, président Transport de Saint- Etienne Métropole. Le GX 137 ELEC, d’une longueur de 9,50 m, est doté de batteries Lithium-ion NMC de 294 kWh et se recharge de nuit au dépôt en quelques heures, bénéficiant ainsi de l’autonomie nécessaire afin d’assurer une journée d’exploitation.

 

L’avitaillement et l’aide à l’exploitation en vedette

 

Au-delà de la présence, toujours remarquable, des grands acteurs du transport public français (SNCF, RATP, Transdev, Keolis) et des institutionnels (GART, UTP, mais aussi Banque des Territoires par exemple), le hall d’exposition regroupait le banc et l’arrière-banc des fournisseurs de solutions d’avitaillement (électrique bien entendu), d’aide à l’exploitation, de solutions informatiques, etc. Mobilités douces et start-up n’étaient pas oubliés, mais apparaissent désormais comme moins centrales dans les préoccupations des acteurs et des visiteurs. A travers cette édition 2023, on ne peut que constater que le transport public est bel et bien rentré dans le « dur » de sa phase de transition. La fin du rêve en somme…

 

Le prochain rendez-vous des acteurs du transport public français, EUMO, est fixé du 1er au 3 octobre 2024 à Strasbourg, l’édition parisienne étant décalée dans le temps et l’espace pour cause de JO.

Reportage. Belfort : un vent d’hydrogène souffle sur le réseau Optymo

Reportage. Belfort : un vent d’hydrogène souffle sur le réseau Optymo

Depuis juillet dernier, sept autobus Van Hool H2 de 12 m circulent tous les jours sur le réseau Optymo de la ville de Belfort. A l’occasion du Forum Hydrogen Business for Climate qui se tenait les 3 et 4 octobre dans l’agglomération, les responsables du réseau ont tiré un premier bilan de cette révolution énergétique vécue par leurs équipes.

L’intérêt pour l’hydrogène est en quelque sorte une vieille histoire sur le territoire de Belfort, qui bénéficie d’un écosystème complet autour de cette source d’énergie, comme se plaît souvent à le rappeler Marie-Guide Dufay, présidente de la région Bourgogne Franche-Comté. Concernant le réseau Optymo (54 autobus exploité en régie directe), les premières velléités de transition vers cette énergie remontent à 2011, date à laquelle les responsables du SMTC (Syndicat Mixte des Transports en Commun) et du réseau s’interrogent sérieusement sur ce sujet. « Le problème à l’époque, c’est que les coûts des véhicules existants étaient prohibitifs, explique Marc Rovigo, directeur du SMTC. Il fallait compter 1,2 M€ pour un bus H2… qui n’était pas loin d’être un prototype ».

En 2015, le maire de Belfort, Damien Meslo, prend toutefois la décision ferme de choisir l’hydrogène pour le renouvellement futur, et progressif, de la moitié du parc roulant d’Optymo.

Marc Rovigo, directeur du SMTC.

« Techniquement, nous avions déjà mené une bonne partie des réflexions, poursuit Marc Rovigo, et nous savions que l’hydrogène était plutôt adapté à nos contraintes d’exploitation. En revanche, concernant les financements, et notamment l’obtention des subventions, nous n’étions pas vraiment rompus à l’exercice, et il nous a fallu apprendre le fonctionnement des différents systèmes existants, notamment en ce qui concerne les plafonds… »

Un investissement maîtrisé

Concernant le choix des véhicules, acquis à travers l’UGAP, deux modèles étaient à l’époque référencés par la centrale d’achat, le Businova de Safra et le Van Hool H2. C’est ce dernier qui sera sélectionné pour des raisons pratiques, tenant à la fois à ses meilleures capacités d’emport en termes de passagers (80 au lieu de 60), et à de moindres contraintes d’emploi au quotidien (problème de garde au sol trop basse sur le modèle de Safra par exemple). Si, au moment de la commande, le coût des autobus H2 avait fortement diminué, il s’affichait tout de même à un peu moins de 700 K€ avec un contrat de full maintenance sur deux ans. « Finalement, après déduction des différentes aides que nous avons pu mobiliser, confie Marc Rovigo, nous avons acquis nos bus à 390 K€ l’exemplaire, soit 100 K€ de plus qu’un classique véhicule GPL par exemple ».

Un bus comme les autres sur le réseau de Belfort…

Si l’investissement reste d’importance, il se veut le reflet d’une volonté politique marquée, et des aides conséquentes ont donc pu être obtenues dans le cadre du programme France 2030, ainsi que par l’Ademe, le CEF Transport Blending Facilityeuropéen et le bonus écologique. Mieux, le dossier reste valide pour la suite du programme de verdissement de la flotte Optymo, qui portera d’ici 2026 sur l’acquisition progressive de 20 autobus H2 supplémentaires (8 articulés et 12 standards, en passant cette fois par la CATP).

Le réseau à l’heure de l’hydrogène

Si les véhicules sont arrivés de chez Van Hool l’été dernier, ce changement d’énergie a fait l’objet d’une préparation générale de la régie. « Tous nos personnels ont bénéficié d’une information globale sur l’hydrogène, explique par exemple Yannick Monnier, directeur de la Régie des Transports du Territoire de Belfort, ceux de la régie comme ceux de la SMTC. Les conducteurs ont par ailleurs reçu une formation spécifique à la conduite de ces véhicules. Concernant notre personnel d’atelier, il a reçu une formation mécanique et ATEX* (délivrée par le cabinet H2 Team, NDLR). Enfin, Van Hool a assuré à ce même personnel une formation d’une semaine sur ces modèles ».

Dans le même ordre d’idée, le contrat de full maintenance retenu par Belfort permet non seulement un entretien courant des véhicules, grâce à la présence permanente d’un technicien Van Hool dans le réseau, mais aussi un transfert de compétence progressif de l’industriel vers l’exploitant.

Côté coûts, l’ensemble du processus de formation aura mobilisé 30 K€. « Une bonne nouvelle, puisque nous avions provisionné 150 K€ pour ce seul aspect de la transition », commente Marc Rovigo.

En matière d’infrastructures, il a toutefois fallu consentir un certain nombre de mises aux normes. « Nous exploitions déjà des véhicules fonctionnant au GPL, explique Yannick Monnier, nous avons donc demandé à H2 Team de valider la possibilité d’exploiter ces nouveaux autobus dans nos dépôts et nos ateliers ». Si l’audit s’est révélé positif, des travaux relativement importants ont tout de même dû être réalisés : installation de détecteurs, ventilateurs, asservissement, sol antistatique, mise à la terre de l’ensemble des prises, acquisition d’équipements individuels, etc. « La mise aux normes ATEX de l’ensemble de l’atelier aura finalement coûté 400 K€, explique Yannick Monnier, mais pour ce tarif, nous avons anticipé l’arrivée future des 20 prochains bus H2 ».

Le parc H2 d’Optymo.

Premiers retours d’expérience

Après un peu plus de huit semaines d’exploitation quotidienne, quel bilan la régie tire-t-elle de l’utilisation de ces bus d’un nouveau genre ? « Du côté des conducteurs, le ressenti est tout à fait positif, explique Yannick Monnier. Ils apprécient tout particulièrement le couple typique d’un véhicule électrique, mais aussi l’absence de vibrations et de bruit ».

En matière de consommation, sur la période concernée, elle s’établie autour de 25 kg d’hydrogène par jour et par véhicule. « Nous ne sommes pas propriétaires de la station de recharge construite par Hynamics à côté de notre dépôt », explique Yannick Monnier. Cette dernière dispose pour l’instant de deux postes d’avitaillement (ce nombre devrait doubler à termes), et il faut 15 mn pour recharger un bus. Une opération d’ailleurs réalisée par un membre du personnel du constructeur de l’équipement. Un temps d’immobilisation qui se gère pour l’instant facilement le soir (la déperdition d’hydrogène durant la nuit n’étant que d’une vingtaine de bars durant la nuit, passant de 360 à 340), mais qui devra être sans doute être reconsidérée lorsque la flotte augmentera à 27 véhicules.

Franck Mesclier, Yannick Monnier et Marc Rovigo.

Enfin, même si l’opérateur manque encore du recul nécessaire, le coût d’usage de ce nouveau carburant est estimé pour l’heure au double de celui d’un carburant plus classique comme le GPL ou le diesel.

A l’issue de cette première phase, les responsables de la régie et du SMTC sont donc confiants dans leur choix de transition vers l’hydrogène et se prépare avec tranquilité au passage de la moitié de sa flotte en hydrogène. « Nous sommes parés pour ce passage à 27 bus hydrogène, conclut Marc Rovigo, nous n’avons pas d’inquiétude ».

*Acronyme utilisée pour le risque d’explosion en entreprise.

 

VIDEO. Découvrez la minute Optymo. 

Tribune : stockage et distribution dans la chaîne de valeur de l’hydrogène

Tribune : stockage et distribution dans la chaîne de valeur de l’hydrogène

Ces dernières années, l’intérêt et l’activité dans le secteur de l’hydrogène se sont accélérés, sous l’impulsion des gouvernements qui reconnaissent le rôle de l’hydrogène dans la transition énergétique et des entreprises du monde entier qui capitalisent sur les opportunités de marché émergentes en fournissant des services, des produits, des technologies et des projets.

Si l’accent a été mis sur le développement en amont de sites de production d’hydrogène à faible teneur en carbone (verts et bleus) et sur les progrès réalisés en aval dans les technologies des piles à combustible et les cas d’utilisation industrielle de l’hydrogène, l’infrastructure intermédiaire nécessaire au stockage et au transport de l’hydrogène a souvent été moins prise en compte.

Le développement de ce maillon essentiel de la chaîne de valeur est vital pour garantir le plein potentiel de l’hydrogène en tant que matière première industrielle, carburant et vecteur d’énergie, en comblant le fossé entre la production et la consommation. Il existe un large éventail de solutions pour le transport et le stockage de l’hydrogène.

Cet article se penche sur les technologies de stockage et de distribution de l’hydrogène, en examinant leurs cas d’utilisation et en mettant en évidence les activités commerciales récentes dans ce domaine*.

Le besoin de stockage et de distribution d’hydrogène

Malgré sa densité énergétique gravimétrique impressionnante, l’un des principaux défis posés par l’hydrogène est la complexité de son stockage et de son transport. Cela est dû à sa densité extrêmement faible dans les conditions ambiantes, ce qui se traduit par une faible densité énergétique volumétrique.

Par conséquent, une compression importante (100 à 700 bars) ou une liquéfaction à un point d’ébullition extrême de -253°C est nécessaire pour augmenter sa densité énergétique volumétrique afin de stocker et de transporter des quantités adéquates.

Bien qu’elles soient parvenues à maturité, les méthodes actuelles de stockage des gaz comprimés et des liquides cryogéniques présentent d’importants inconvénients. Ces méthodes consomment beaucoup d’énergie, ce qui diminue le contenu énergétique net de l’hydrogène.

La compression consomme 10 à 30% de l’énergie d’origine, tandis que la liquéfaction peut en consommer jusqu’à 30 à 40%, avec la contrainte supplémentaire de nécessiter une usine de liquéfaction séparée, ce qui implique des investissements considérables.

Ces inefficacités entravent considérablement certaines applications, telles que la mobilité des véhicules à moteur à combustion interne et le stockage de l’énergie, en réduisant fortement l’efficacité énergétique globale.

Les risques de sécurité liés au stockage du gaz comprimé et les problèmes d’ébullition liés au stockage du H2liquide entraînent des pertes d’hydrogène, ce qui ne fait qu’exacerber les difficultés. Collectivement, ces facteurs rendent le transport national et international de l’hydrogène coûteux et inefficace.

Il existe bien des pipelines d’hydrogène dans le monde, d’une longueur totale estimée à 5 000 km, mais leur portée est largement limitée à des régions spécifiques, comme certaines parties du Texas et de la Louisiane autour de la côte du Golfe du Mexique, ou des zones en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.

Généralement exploités par des géants du gaz industriel comme Air Products, Linde et Air Liquide, ces gazoducs desservent des installations industrielles telles que des raffineries situées à une distance limitée des sites de production.

Ce confinement souligne le besoin pressant d’étendre les réseaux de gazoducs pour relier plus largement les différentes régions de production et de consommation.

Options de stockage de l’hydrogène et leurs cas d’utilisation

De nombreuses solutions sont disponibles, mais le choix optimal dépend de la taille du stockage et de l’application. Les réservoirs de stockage de gaz comprimé et d’hydrogène liquide continueront probablement à servir aux applications de stockage stationnaire, telles que les stations de ravitaillement en hydrogène.

Les sphères d’hydrogène liquide peuvent être utilisées pour stocker de grandes quantités sur les sites de production et les terminaux d’importation et d’exportation.

Des acteurs établis comme Tenaris (stockage de gaz comprimé), Chart Industries (réservoirs d’H liquide2) et McDermott CB&I (réservoirs sphériques d’H liquide2) fournissent déjà ces solutions commercialisées.

Les réservoirs d’hydrogène comprimé, en particulier les composites de type III et IV, gagnent du terrain sur le marché des véhicules à moteur à combustion interne, car ils sont les mieux adaptés au stockage de l’hydrogène à bord d’un véhicule.

De nombreux FCEV, tels que le Hyundai Nexo et le Toyota Mirai, utilisent des réservoirs de type IV stockant l’hydrogène à 700 bars. Le stockage comprimé devrait persister dans de nombreux segments de FCEV, en particulier dans les véhicules légers.

Toutefois, les réservoirs d’hydrogène liquide (LH2) présentent l’avantage d’avoir des capacités plus élevées, ce qui pourrait être bénéfique pour les véhicules lourds. C’est pourquoi certaines entreprises, comme Daimler Truck, testent l’utilisation de LH2.

Les systèmes de stockage utilisant des hydrures métalliques sont prometteurs pour des applications stationnaires similaires aux systèmes existants d’hydrogène comprimé et liquide2.

Ces systèmes, qui fonctionnent à des pressions beaucoup plus basses (10-50 bar) et utilisent des cycles de pression pour l’adsorption/la libération, peuvent être plus adaptés aux applications de stockage d’énergie de l’hydrogène en raison de la réduction de la consommation d’énergie et, par conséquent, de l’amélioration de l’efficacité de l’aller-retour.

Des entreprises comme GKN Hydrogen progressent vers la commercialisation, ayant fait la démonstration de leurs systèmes pour le stockage d’énergie hors réseau et la production combinée de chaleur et d’électricité (PCCE) résidentielle. De nombreuses autres entreprises développent des systèmes basés sur les hydrures métalliques.

Le stockage souterrain de l’hydrogène, qui utilise des réservoirs tels que les cavernes de sel, s’appuie sur des méthodes de stockage du gaz naturel bien établies.

Des opérateurs comme Uniper et Gasunie prévoient d’intégrer ces installations dans les réseaux de pipelines d’hydrogène dans les années à venir. Le stockage souterrain devrait jouer un rôle clé dans le stockage saisonnier de l’hydrogène pour approvisionner les secteurs en période de faible demande, à l’instar du stockage du gaz naturel.

Les installations souterraines peuvent également être utilisées par des projets industriels comme réserve tampon d’hydrogène – HYBRIT, un projet d’aciérie durable en Suède, teste un tel concept en utilisant une caverne rocheuse revêtue (LRC).

Cependant, la réglementation et les longs délais de développement des projets restent des défis majeurs pour ce type de stockage.

Options de distribution de l’hydrogène et leurs cas d’utilisation

Actuellement, les remorques à hydrogène comprimé et liquide alimentent des applications à plus petite échelle, comme les stations de ravitaillement ou les projets pilotes. Cette tendance devrait se poursuivre, car ces méthodes ne sont pas viables pour les transports à grande échelle qui nécessitent un approvisionnement continu en hydrogène.

De nombreux types de réservoirs pourraient être utilisés pour le transport de gaz comprimé, du type I au type IV, développés par des entreprises telles que Hexagon Purus.

D’autres entreprises, comme LIFTE H2, utilisent des concepts de remorque pour développer des ravitailleurs mobiles, qui peuvent compenser l’absence de station de ravitaillement en hydrogène.

Le transport à plus grande échelle et sur de plus longues distances nécessitera des pipelines, allant directement de la production aux sites d’utilisation finale ou alimentant des réseaux de pipelines.

De nouvelles constructions sont prévues, et certains projets comme le gazoduc HyNet North West Hydrogen Pipeline sont déjà en cours. La réutilisation des gazoducs est une possibilité, mais elle nécessite des simulations, des essais et une évaluation des risques approfondis pour identifier les gazoducs appropriés.

L’initiative European Hydrogen Backbone est une initiative de premier plan en termes de développement d’un réseau de gazoducs à grande échelle, avec la participation de plus de 30 opérateurs – un grand nombre des gazoducs qui seront utilisés sont prévus pour être réutilisés à partir de réseaux existants.

Le mélange d’hydrogène au gaz naturel est également un sujet populaire, car il s’agit d’un moyen de décarboniser partiellement le secteur du chauffage et de l’électricité. Des projets comme HyDeploy ont prouvé qu’un mélange de 20% est sans danger dans les gazoducs existants.

Toutefois, un pourcentage plus élevé de mélanges d’hydrogène nécessitera la modification de nombreux appareils et équipements dans les secteurs résidentiel et industriel.

Le transport international sur de longues distances peut impliquer de l’hydrogène liquide ou la conversion en vecteurs d’hydrogène tels que l’ammoniac ou le LOHC.

Le transport d’hydrogène liquide a été démontré par le navire Suiso Frontier (construit par Kawasaki Heavy Industries) dans le cadre du projet HESC, qui a transporté de l’hydrogène de l’Australie au Japon. Toutefois, cette voie pourrait être moins viable que celle des vecteurs en raison des difficultés techniques et commerciales liées à l’utilisation de l’hydrogène liquide.

L’avantage de l’utilisation de vecteurs d’hydrogène réside dans l’utilisation des voies de transport et des navires existants, bien que cela nécessite des installations de traitement supplémentaires.

Des entreprises comme Chiyoda Corporation et Hydrogenious LOHC Technologies sont sur le point de commercialiser leurs solutions LOHC. Un terminal de réception de l’ammoniac est également prévu dans le port de Rotterdam, dans le cadre d’une collaboration entre Royal Vopak, Gasunie et HES International. De nombreuses autres entreprises dans le monde considèrent l’ammoniac comme l’option la plus viable.

Orientations futures et nouvelles perspectives

L’adoption mondiale des technologies de stockage et de distribution de l’hydrogène va s’étendre à mesure que les sites de production et d’utilisation finale se multiplient.

Cela représente une opportunité pour l’offre de produits, le développement de projets et la R&D afin d’innover et d’affiner les méthodes existantes.

IDTechEx prévoit que le marché mondial de la production d’hydrogène à faible teneur en carbone atteindra 130 Mds$US d’ici 2033, en tablant sur une croissance substantielle des solutions de transport et de stockage.

Le nouveau rapport « Hydrogen Economy 2023-2033 : Production, Storage, Distribution & Applications » offre une vue d’ensemble exhaustive de la chaîne de valeur, y compris les analyses technologiques, les comparaisons, les activités commerciales, les innovations et les tendances du marché.

Chingis Idrissov, Analyste Technologique chez IDTechEx

*Pour une exploration plus approfondie de chaque technologie et des activités commerciales associées, consulter le nouveau rapport de marché d’IDTechEx, « Économie De L’hydrogène 2023-2033 : Production, Stockage, Distribution Et Applications » .

Enquête : les jeunes urbains utilisent les transports publics, sans les aimer…

Enquête : les jeunes urbains utilisent les transports publics, sans les aimer…

L’institut Madeinvote vient de publier une enquête portant sur l’usage des transports, réalisée auprès de 1134 jeunes urbains français, âgés de 15 à 34 ans, habitants l’une des 10 plus grandes villes françaises, représentatifs de cette population en termes de sexe, âge et ville. Cette enquête a été menée en ligne du 21 avril au 08 mai 2023, via Facebook et Instagram.

De cette enquête, il ressort que transports en commun sont le mode de transport le plus utilisé par les jeunes urbains (78% d’entre eux).

D’une manière générale, 8 jeunes sur 10 se déclarent satisfaits de l’offre de transports en commun dans leur ville. Madeinvote note cependant des niveaux de satisfaction très différents selon la ville étudiée : alors que Strasboug (94%), Nantes (93%) et Bordeaux (89%) ont les taux de satisfaction les plus élevés, Marseille (44%), Paris (21%) et Nice (19%) sont – à l’inverse – les villes ayant les taux de satisfaction les plus bas.

Les jeunes ayant répondu n’excluent pas pour autant les autres formes de mobilité car 37% utilisent leur voiture personnelle et 24% utilisent leur vélo ou trottinette personnelle.

Les modes de transports alternatifs commencent aussi à émerger auprès de cette jeune génération : 12% utilisent les vélos en libre-service, 9% font du covoiturage, et 5% utilisent les trottinettes en libre-service.

Les transports en commun utilisés à contrecœur ?

Paradoxalement, dans cette grande mixité d’usages, les transports en commun apparaissent comme le mode de déplacement le moins apprécié de ces mêmes jeunes urbains (4/10), à l’inverse des transports individuels (voiture, vélo, trottinette, …) que 6 utilisateurs sur 10 considèrent comme leur mode de transport préféré.

S’ils sont utilisés, c’est avant tout pour leur praticité (68%) et leur rapidité (50%). Mais ils apportent également d’autres avantages : pouvoir faire autre chose durant le trajet (27%), pouvoir réduire son empreinte environnementale (27%), ou encore bénéficier de tarifs avantageux (20%).

Pour autant, 21% des utilisateurs de transports en commun déclarent les prendre moins souvent qu’avant, et 10% ont même totalement abandonné ce mode de transport.

Pour expliquer cette désaffection, ils citent avant tout une sur-fréquentation aux heures de pointe (57%), mais également un manque de confort (27%), ou un manque de flexibilité (27%).

Des attentes fortes vis-à-vis des pouvoirs publics

In fine, un jeune urbain sur deux affirme privilégier les modes de transport doux de manière systématique. Selon l’étude, et son interprétation, les jeunes urbains recherchent avant tout la praticité dans leurs trajets du quotidien.

Ils veulent aller au plus vite, au plus court, en atteste la diversité des modes transports qu’ils utilisent, avec en moyenne près de 3 moyens de transport différents utilisés au quotidien.

Ils ont ainsi des attentes fortes vis-à-vis des pouvoirs publics pour stimuler leur pratique au quotidien.

Selon l’enquête, les AOM devraient rendre gratuit ou réduire le coût des transports en commun (70%), développer le réseau de pistes cyclables sécurisées (50%), bénéficier d’aides à l’achat d’un vélo ou d’une trottinette (40%) ou encore créer de nouveaux espaces de stationnement sécurisés pour les vélos & trottinettes (37%).

Si l’étude comporte un biais évident en faveur des modes dits doux, certains des éléments, notamment ceux concernant les attentes en matière d’évolution des transports publics, doivent être clairement analysés par les AOM dans leur quête d’amélioration, et de développement de leurs services.

Pierre Cossard