Ce si « cher » hydrogène vert…

par | 20 Août, 2024 | Autobus, Autocar, Entreprise, Equipement, Les dossiers, Réseau

Un rapport de la Cour des comptes européennes est passé quelque peu inaperçu au plus fort de l’été, il aurait pourtant pu faire l’effet d’une bombe dans l’univers des promoteurs de l’hydrogène qui présentent cette source d’énergie comme la réponse miracle à toutes nos attentes à courts et moyens termes.

L’organisme européen alerte ainsi le 17 juillet dernier sur l’irréalisme des plans européens. Et le rapport ne mâche pas ses mots, puisqu’il estime rien moins que « les objectifs fixés pour 2030 en matière de production et de demande d’hydrogène renouvelable étaient trop ambitieux », « dictés par une volonté politique » sans « analyse rigoureuse ».

Présentée en juillet 2020, la Stratégie européenne pour l’hydrogène « vert », tablait sur une production annuelle d’un million de tonnes d’hydrogène renouvelable, à l’échelle européenne, et ce dès 2024. Le règlement RePowerEU est venu pousser le curseur jusqu’à 10 MtH2/an à échéance 2030, notamment grâce à 40 GW d’électrolyseurs installés. L’objectif affiché étant d’atteindre à termes 20 Mt.

Or, comme le souligne la Cour des comptes de l’UE dans son rapport, l’objectif de production de 10 MtH2/an pourrait « nécessiter jusqu’à 140 GW d’électrolyseurs », car, lorsqu’ils sont alimentés par des sources intermittentes, le rendement et la durabilité des électrolyseurs chutent drastiquement.

Par ailleurs, et toujours d’après les estimations de la Cour des comptes européennes, les vrais besoins devrait plutôt osciller entre 3,8 et 10,5 MtH2/an (selon un autre rapport, cette fois provenant de l’Agence internationale de l’énergie)…

Autre point qui fait mal, la Cour des comptes de l’UE explique sans détour que cet objectif « a été préconisé dans un document publié par un groupe de pression de l’hydrogène » (Hydrogen Europe, NDLR). Autrement dit, un groupe de pression qui lie sans doute idéologie et intérêts économiques (certains commentateurs évoquent la Chine et l’Arabie Saoudite…).

Autre point qui fâche concernant cette transition vers l’hydrogène vert, celui du financement. D’après les calculs de la Cour des comptes de l’UE, entre 2021 et 2027, la Commission européenne a prévu de débloquer 18,8 Mds€, notamment à travers le programme de relance du plan NextGenerationEU et le Fonds pour l’innovation sous forme de projets importants d’intérêt européen commun (Piiec).

Ainsi, la Banque européenne de l’hydrogène, ouverte en novembre dernier, avec un premier guichet à 800 M€, devrait disposer de 1,2 milliard de plus en 2024.

Là encore, les sages de la Cour des comptes de l’UE pointent du doigt une certaine inconséquence de l’UE, puisqu’ils évaluent plutôt entre 335 et 471 Mds€ les investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne, dont au moins 200 à 300 milliards pour accroître les capacités en électricité renouvelable et 50 à 70 milliards pour déployer les électrolyseurs…

Enfin, restera le sujet du prix au kilo de cet hydrogène vert, qui s’avère aujourd’hui à minima 4 fois plus cher que l’hydrogène dit gris (obtenu à partir du méthane)…

Heureusement pour les rêveurs du nouveau monde vert fonctionnant à l’hydrogène, il est probable que ce rapport finisse (comme on sait si bien le faire en France) au fond d’un tiroir. La réélection de Mme Van der Leyen à la présidence de la Commission et sa volonté réaffirmée de mettre en application son fameux Pacte vert le laisse à penser.

 

 

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