Transports collectifs, quel bilan pour 2023 ?
De quoi cette année 2023 qui se termine sera-t-elle synonyme dans l’esprit des différents acteurs du transport collectif ? Pas simple de dresser un bilan pour ce secteur complexe. Plusieurs indicateurs et témoignages peuvent cependant permettre de dresser un tableau intéressant des évolutions de cette activité.
Premier indicateur peut-être, qui se doit d’être mis en lumière, celui du parc de véhicules en exploitation, généralement révélateur de la bonne santé d’un secteur. Le service statistique des ministères en charge du logement, des transports, de l’énergie, de l’environnement, du climat et du développement durable (SDES) vient justement de publier les dernières données connues concernant le parc des autocars et autobus en circulation sur le territoire français. Si ces données désormais disponibles ne datent que du 1er janvier 2023, elles fournissent tout de même un tableau révélateur.
A cette date, 66 200 autocars et 27 800 autobus sont donc en circulation en France. La quasi-totalité des autocars, soit 96,8%, disposent d’une motorisation diesel thermique. Le GNV arrive en deuxième position des motorisations utilisées avec 2,8% des immatriculations, l’électrique (toujours très peu présent dans les catalogues des industriels) ne représentant que 132 unités répertoriées.
Même si la motorisation diesel reste encore largement majoritaire pour les autobus (65,3%), la progression des motorisations alternatives, au gaz, électrique ou avec une bi-motorisation électrique, est significative. Selon le SDES, la part du diesel thermique a reculé de 4,9 points entre le 1ᵉʳ janvier 2022 et le 1ᵉʳ janvier 2023, essentiellement au profit des véhicules au gaz (+2,2 points) et électriques (+1,8 point). Autre point significatif, cette fois quant à l’âge moyen du parc, le SDES relève que la norme d’émissions de polluants Euro VI, mise en place en janvier 2014, est désormais la plus répandue au sein du parc des autocars (60,7%) et des autobus (56,3%). Toutefois, 15,3% des autocars en circulation et 17,5% des autobus répondent encore à une norme d’émissions inférieure ou égale à 4. Dernier fait révélateur issu de ces statistiques en matière d’immatriculations, depuis 2011, le parc total des autobus s’est accru de 39,6% tandis que celui des autocars n’a progressé que de 4,3%.
Pour cette année 2023 qui s’achève et donne une tendance, les chiffres d’immatriculations récemment publiés révèlent que 5 200 véhicules de transport de personnes ont été enregistrés à fin novembre, soit une hausse de 6,2% par rapport à la même période en 2022.
Concernant les marques, assez classiquement, Iveco Bus reste leader du marché français avec 2 631 immatriculés en comptant Heuliez Bus, Daimler Bus arrive en deuxième position avec 1093 véhicules (1 057 Mercedes, 36 Setra), et MAN est troisième avec 502 véhicules. Viennent ensuite Temsa (185), Otokar (157) et Scania (132).
Activité en hausse pour le bus, pas vraiment pour l’autocar
Toujours selon les données du SDES, les distances parcourues par les transports en commun de personnes sont en hausse de 9,9% en 2022. Le parcours annuel moyen des autobus est resté stable à 39 000 km/an, tandis que celui des autocars a progressé de 14,9% en un an, s’établissant à 28 800 km/an. Ainsi, de 2011 à 2022, les distances parcourues par les véhicules de transport de voyageurs augmentent-elles globalement de 6,4%, tirées par la progression de celles des autobus (+36,8%). Malgré une tendance à la hausse jusqu’en 2019, les distances parcourues par les autocars, plus fortement et durablement affectés par les restrictions de déplacement pendant la crise sanitaire, diminuent de 5,5% sur la même période. En 2022, elles n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant-crise (-7% par rapport à 2019), preuve sans doute, qu’à cette date, le tourisme en autocar notamment, n’avait pas retrouvé ses couleurs, ou/et que la crise de recrutement des conducteurs vécue par ce métier impacte le volume des services réellement effectués, notamment en transport scolaire. Les distances parcourues par les autobus dépassent, quant à elles, de 8,6% leur niveau d’avant-crise, preuve cette fois des efforts consentis par les autorités organisatrices de mobilités (et des réseaux) pour augmenter l’offre de transports collectifs, peut-être dans le cadre d’une stratégie assumée de renforcement du report modale.
L’autocar, entre chaud et froid…
Au chapitre des bonnes nouvelles de l’année concernant le secteur des transports routiers de voyageurs, l’observateur attentif aura remarqué une baisse de la pression des problèmes de recrutement sur l’activité. A la dernière rentrée scolaire, il ne manquait « que » 4000 conducteurs dans ce secteur, une amélioration par rapport à 2022, où l’on notait 2000 absents de plus. Pour autant, de nombreux services scolaires ont été réduits ou n’ont pu être effectués cette année et, l’an prochain, il sera sans doute nécessaire de poursuivre les efforts avec, toutefois quelques raisons d’être optimistes. D’un côté, toutes les entreprises se mobilisent à grande échelle (avec les coûts afférents à ces politiques de recrutement…), l’AFTRAL forme de plus en plus, l’âge d’obtention du permis a été abaissé, et de l’autre, des discussions se sont ouvertes avec l’Education Nationale pour réfléchir aux principes de ré-enchaînement des services, etc. Restera à régler le problème des délais d’obtention des documents administratifs, toujours trop longs. Un sujet largement évoqué lors du congrès de la FNTV du 15 novembre dernier.
Autre point positif pour le secteur du transport routier de voyageurs, la bonne santé des services librement organisés (SLO), relevée par le dernier rapport de l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL), présenté le 18 décembre dernier, et portant sur l’année 2022 lui aussi.
Selon l’OPTL donc, après deux années marquées par la crise sanitaire liée à la pandémie, la reprise débutée en 2021 s’est intensifiée en 2022. Le trafic en autocars augmente de 77% en un an, mais n’a toutefois pas encore complètement retrouvé son niveau de 2019. Du fait d’une demande dynamique, en dépit d’une reprise timide de l’offre, le taux d’occupation a atteint un niveau supérieur à celui d’avant la crise (66 à 75% au troisième trimestre contre 63 à 72% en 2019), permettant au chiffre d’affaires du SLO de se situer au moins au même niveau qu’en 2019 (entre 130 et 155 M€ en 2022 contre 132 à 147 M€ en 2019).
Enfin, autre raison de voir l’avenir avec une certaine sérénité lorsqu’on est autocariste : le retour du tourisme en autocar. A condition toutefois que les entreprises aient conservé cette activité dans leur portefeuille pendant la crise Covid. Selon les observateurs les mieux placés, la tendance à la hausse de l’activité touristique varie selon les régions entre 15 et 30% par rapport à l’année de référence qu’aura été 2019. Une tendance à la hausse donc, qui se caractérise toutefois par l’e développement remarqué de ce que d’aucuns nomment le transport occasionnel, à contrario des séjours (longue distance notamment) qui n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’antan.
« Les séjours linguistiques ou la réception des touristes asiatiques sont par exemple en diminution, constate ainsi Alexandre Delvallez, directeur général de Réunir. En revanche, nous avons pu constater cette année un retour des touristes américains et européens ». Dans cette logique de retour de la croissance, les entreprises concernées, de fait moins nombreuses aujourd’hui, se sont positionnées dans une logique de marché, ce qui, toujours selon Alexandre Delvallez, leur permet d’établir une grille de prix plus juste, et donc de consolider leurs marges.
Bien entendu, cette activité pâtit elle aussi des problèmes de pénurie de conducteurs qui sévit dans tout le transport routier de voyageurs, mais aussi des délais de livraison de nouveaux véhicules. De nombreuses commandes d’autocars de tourisme enregistrées cette années sont par exemple prévues à la livraison pour 2025… Une situation qui pénalise clairement les opérateurs dans leur volonté de renouvellement du parc. Mais ils qui aussi à définir correctement le prix de leurs prestations, ce qui ne permet pas à leurs clients d’avoir une claire visibilité. Pour autant, l’année qui vient devrait être encore marquée par des records dans ce secteur (congrès, commémorations et, bien sûr, JO), avant une forme de retour à la normale.
Vers un imbroglio réglementaire européen ?
Au chapitre des éléments inquiétants pour ce métier reste le problème posé par la transition énergétique du secteur. Si la profession autocariste milite (comme presque tous les acteurs du transport collectif) pour un mix-énergétique incorporant notamment le diesel ou le gaz, à condition qu’ils soient « bio » à termes, l’Etat (sauf peut-être, le ministre des Transports Clément Beaune) campe encore sur la position européenne clairement orientée vers le tout électrique, notamment à travers le règlement CO2Transports adopté le 21 novembre dernier. « Concernant notre profession, constate à cet égard Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV, les textes européens restent pour nous inquiétants, car le tout électrique est pour nous impossible. Nous aurons sur ce sujet délicat besoin d’un vrai soutien économique des pouvoirs publics, ainsi que d’une feuille de route claire et réaliste… ». En ce sens, on notera les interrogations qui existent encore sur la pertinence du concept de rétrofit (électrique ou hydrogène) appliqué aux autocars. Une nouvelle possibilité de « verdissement » des flottes existantes dont on mesure encore mal l’ampleur et les implications sur l’évolution des entreprises.
Autre point réglementaire qui ajoute à l’inquiétude ambiante, la proposition CountEmissions EU qui a été présentée par la Commission européenne plus tôt cette année dans le cadre du Greening Freight Package. Ce nouveau règlement viserait à mettre en œuvre un cadre commun européen pour le calcul et la divulgation des émissions de GES (gaz à effet de serre) provenant des services de transport de passagers et de marchandises. Le Conseil a soutenu l’approche de la Commission et a aligné la proposition CountEmissions EU sur la norme ISO 14083 qui est déjà utilisée et fournit une méthodologie pour calculer et divulguer les émissions de GES en utilisant une approche du puits à la roue.
Le Conseil souhaiterait que les « grands opérateurs de transport » soient obligés de comptabiliser leurs émissions pour leurs opérations nationales sur la base de l’activité de leur flotte et de leurs opérations réelles. Elles doivent déjà déclarer leurs émissions conformément à la directive européenne sur les rapports sur le développement durable (CSRD). Un des problèmes identifiés est que pour le CountEmissions EU, le Conseil n’utilise pas comme définition d’une « grande entreprise » celle utilisée dans le CSRD, d’où un manque de cohérence possible. Le Conseil oblige également la Commission européenne à fournir un outil en ligne pour calculer les émissions de GES. Restera à définir la nature du traitement des sous-traitants, pas toujours à même de fournir ce type de données (un point fondamental pour le secteur des voyageurs). Par ailleurs, la vérification des données de sortie est aussi un élément supplémentaire qui n’a pas été correctement pris en compte. Une fois que les opérateurs auront calculé leurs émissions de GES, celles-ci devront en effet être vérifiées par un organisme d’évaluation de la conformité pour garantir qu’elles répondent aux exigences. Or, les règles de vérification n’ont pas encore été précisément définies…
Enfin, telle une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de la tête des opérateurs du TRV, reste le problème posé par les ZFE (zones à faible émission), voire les ZTL (zone à trafic limité) comme à Paris, dont les conditions de mise en œuvre sont désormais du ressort des collectivités concernées (cinq métropoles françaises sont aujourd’hui confrontées à cette obligation). Si les opérateurs ont évité une mesure couperet à l’échelle nationale, ils sont maintenant confrontés à la disparité des stratégies locales mise en œuvre, avec tout ce que cette situation comporte d’insécurité lorsqu’il s’agit d’organiser un service de transport, notamment touristique…
Une situation économique fragile
Une situation réglementaire instable qui s’ajoute à une situation économique fragile, notamment parce que la réalité des entreprises face, par exemple, à la nécessité de rembourser les PGE (prêts garantis par l’Etat) contractés pendant la crise Covid est particulièrement contrastée. Ainsi en est-il aussi de l’inflation des coûts régulièrement pointée du doigt par le Conseil National Routier (CNR). A titre d’exemple, après avoir progressé de +7,3% en moyenne annuelle sur 2022, le coût de revient total d’un autocar scolaire a enregistré une inflation de +5,3% en 2023. Depuis deux ans, l’augmentation des coûts atteint donc +13%. Parmi les facteurs explicatifs de ces hausses, le CNR met en lumière le poste conducteur, composante prépondérante, qui enregistre une inflation de +15,8% depuis deux ans (+12,4% sur la seule année 2023). Le CNR constate en revanche que le chiffre d’affaires des entreprises du transport routier de voyageurs (transport régulier et à la demande) se redresse progressivement au cours du premier semestre 2023 pour retrouver son niveau d’avant crise Covid, et ce malgré la pénurie persistante de conducteurs.
Ajoutez à cela le renchérissement des coûts du crédit et… les délais de livraison des véhicules qui se sont fortement rallongés, et vous avez là un cocktail qui complique singulièrement la gestion d’une entreprise du TRV.
Heureusement peut-être, les AOM semblent jouer le jeu, notamment face aux demandes de la profession. Outre leur présence aux côtés des entreprises pendant la crise sanitaire, elles ont globalement modifié positivement l’indexation, tandis que les aspects qualitatifs prennent plus d’importance dans les critères d’attribution des contrats, eux-mêmes d’une durée généralement plus longue que précédemment. « En ce qui concerne cet aspect de l’activité de nos entreprises, les conditions s’améliorent, conclut Jean-Sébastien Barrault, et nous pouvons aussi compter sur l’écoute du ministre des Transports ».
Enfin, en termes d’image comme de nouveaux marchés potentiels, l’autocar aura, en cette fin 2023, retrouvé des lettres de noblesse à travers par exemple le projet francilien de lignes de Car express (45 nouvelles lignes express, complétée par le renfort à court terme de 9 lignes déjà existantes, soit un total de 200 nouveaux véhicules à mettre en service) dont la mise en œuvre sera certainement scrutée avec attention dans tout l’Hexagone.
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Le transport urbain sous pression
Si les acteurs du TRV sont, pour certains, confrontés au « mur de la dette », les transports publics urbains semblent eux confrontés à un véritable mur de l’investissement. En cause : la transition énergétique et le développement du report modal. Comme le révèlent les chiffres du parc d’autobus français évoqué précédemment, le verdissement des flottes de bus, fort d’une offre industrielle aujourd’hui abondante et très diversifiée, est désormais bien avancée. Pour autant, le surcoût des véhicules dits propres pèse très clairement sur les finances de collectivités, confrontées qu’elles sont à des exercices budgétaires compliqués par la situation économique du moment et l’inflation.
Dans ce cadre, le temps des grands discours vantant l’avenir radieux d’une transition énergétique rapide semble plutôt (même si discrètement) mis de côté. Si l’objectif reste le même, faire du transport public le bon élève de cette transition, les limites de l’exercice sont désormais évidentes pour la majorité des responsables. D’autant que les collectivités sont aussi comptables de la mise en œuvre du Plan vélo, parfois fort dommageable pour la bonne tenue des services de bus, mais aussi de « l’accessibilité » voir de « l’inclusivité », de ces mêmes « transports du quotidien », etc. Plus que la vertu appliquée aux réseaux, sont donc plutôt mis en avant la nécessité d’un report modal massif et donc d’un choc d’offre propre à séduire les clients, les deux nouveaux « maître-mots » du secteur. Selon certains, « trop de textes s’accumulent et se superposent, au niveau de l’Union européenne comme de la France ». Tous les acteurs ont donc eux aussi besoin de visibilité à plus longs termes.
Le report récent, de 2030 à 2035, par le Conseil européen, de l’obligation d’acheter 100% de bus zéro émission est considéré avec un certain soulagement. Mais l’ensemble des professionnels du transport public martèle aussi qu’ils ont besoin d’accompagnement et de financement de la part des pouvoirs publics. Est par ailleurs pointé du doigt la volonté d’imposer à grande vitesse le seul mode électrique comme alternative écologique, alors que de nombreux experts jugent toujours le GNV, évidemment dans sa composante bio issue de la méthanisation, comme une alternative digne d’intérêt, notamment en termes d’indépendance et de développement des tissus industriels locaux… Le travail de « pédagogie » auprès des pouvoirs publics a donc commencé (peut-être un peu tardivement), comme le prouve la récente visite de Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, sur le site Iveco Bus d’Annonay. Un événement où fut clairement mis en avant les qualités du bio-GNV comme outil économiquement viable (et fiable) de décarbonation des transports collectifs urbains. On l’aura compris, l’ensemble du secteur se réveille aujourd’hui en prônant lui aussi un réel (ou simplement réaliste ?) mix-énergétique.
Toujours concernant ce fameux nerf de la guerre, un cri d’alarme n’aura cesser de retentir tout au long de l’année, notamment aux Rencontres Nationales du Transport Public qui se déroulaient à Clermont-Ferrand. Les AOM ont désormais compris qu’il existe un coût acceptable pour chaque prestation de transport. D’autre part, tout le monde a aussi compris que les moyens à disposition ne sont plus extensibles. « Sans aides pour faire cette transition, nous risquons d’être obligés de diminuer l’offre », menacent-ils donc régulièrement. Un résultat qui serait totalement contre-productif, puisqu’il s’agit avant tout pour les transports collectifs de séduire les automobilistes. Les acteurs réclament donc une massification de l’aide à l’achat des véhicules, du même niveau que celui appliqué aujourd’hui aux vélos ou au covoiturage… Tous s’accordent aussi sur la nécessité de sanctuariser le versement transport comme source de ressources pour le transport de voyageurs. Pour résumer, ils réclament désormais une transition « soutenable économiquement » pour les collectivités, et prônent l’adaptation de l’offre des transports publics aux besoins, aux finances et aux contraintes locales.
La question qui reste aujourd’hui en suspens est donc simple et participe d’un certain principe de réalité : n’est-il pas déjà trop tard pour que cette transition se déroule dans la douceur ? Monsieur Mezghani, de l’UITP ne disait-il pas, lors de la conférence TTDC 23 : « je préfère avoir un bus diesel sur une voie de bus plutôt qu’un bus électrique coincé dans les embouteillages. Car les gens se moquent de savoir si le bus est électrique ou diesel, polluant ou non polluant, ils veulent aller d’un point à un autre ». Une façon claire de dire que le bus est en lui-même (comme l’autocar d’ailleurs) écologiquement vertueux, qu’il soit thermique ou électrique, puisqu’il transporte une masse de passagers qui ne sera pas obligée de recourir à la voiture pour ses déplacements quotidiens.
Le transport public urbain, terrain d’expérimentation
Comme le démontrent depuis quelques années les différents salons dans lesquels les industriels du transport collectif mettent en valeur leur production d’autobus, c’est en effet dans ce secteur d’activité que les nouvelles énergies trouvent leur meilleur terrain de développement et d’expérimentation, réglementation européenne et subventions massives obligent. Ce sont donc bien les autobus qui ont été les premiers à avoir été proposés en GNV, mais aussi en version électrique à batteries, et désormais à l’hydrogène. Là encore, les chiffres du SDES évoqués plus haut sont révélateurs. Au 1er janvier 2023, presque 5000 bus fonctionnaient au GNV, presque 2000 étaient à propulsion électrique, et 27 fonctionnaient à l’hydrogène. La transition énergétique des transports collectifs urbains est donc bien en marche, voire même très avancée. En creux, et compte tenu de la durée de vie de ces matériels, du surcoût important des nouvelles technologies, de la raréfaction des ressources des collectivités et des nécessaires investissements massifs qu’ils impliquent dans les infrastructures ad-hoc, on mesure que le chemin qui mènera au zéro émission risque d’être encore long, peut-être même au-delà de la date de 2050 professée par l’UE et tant d’autres… Très concrètement, en dehors des grandes (et riches) agglomérations, les alternatives au thermique restent encore plus ou moins réservées à des lignes « emblématiques », souvent qualifiées de « structurantes ». Il en va clairement ainsi de l’hydrogène, le plus coûteux aujourd’hui, qui reste plus ou moins encore à l’état d’expérimentation.
Le cas de la communauté d’agglo Pau Béarn Pyrénées est exemplaire en ce sens. Le réseau Fébus de Pau faisait en 2019 figure de pionnier en matière d’hydrogène, puisqu’il avait mis cette année-là en service 8 autobus BHNS Van Hool H2, complétés ensuite par 4 véhicules supplémentaires, eux aussi fournis par le constructeur belge. Si ces véhicules semblent avoir donné globalement satisfaction, confrontée en cette fin d’année à une baisse significative des subventions en provenance de l’Etat français et de l’UE, et à un coût de production élevé de l’hydrogène vert nécessaire au fonctionnement « vertueux » de ces véhicules, l’agglomération a fait le choix d’orienter ses futurs achats de bus standards vers l’électrique à batteries, moins onéreux.
Dans une autre logique d’adaptation aux réalités économiques, l’observateur attentif ne peut que remarquer l’augmentation des commandes de minibus et midibus, majoritairement électriques. Les catalogues des industriels s’enrichissent donc au rythme des demandes de collectivités, généralement de taille moyenne, qui trouvent avec ces matériels le moyen d’irriguer leur centre-ville et de faire œuvre de transition, et ce à moindre coût. Dans la même logique peut-être, on aura remarqué cette année l’arrivée chez les constructeurs de nouvelles générations de véhicules autonomes. Des modèles qui, pour l’instant du moins, ne semblent pas avoir encore trouvé leur marché.
Dernier cas sur lequel il est peut-être nécessaire de s’interroger concernant le développement du parc roulant des transports collectifs urbains « propres », celui du trolleybus. Précieusement conservé et renouvelés par les agglomérations qui n’ont pas démonter les infrastructures nécessaires dans les années 70/80, les trolleybus seraient, de l’avis de la plupart des experts, la meilleure solution « électrique », compte tenu du ratio coût d’achat/volume de batteries embarqué/capacité d’emport/durée de vie. Sans doute le retour des câbles d’alimentation dans les rues est-il souvent jugé inesthétique par certains édiles ? Les mêmes toutefois qui ont laissé proliférer en périphérie de leurs communes des « zones d’activités » désormais clairement ressenties comme une atteinte au bon goût… Peut-être les réalités économiques du moment et à venir redonneront-elles à ce mode quelques lettres de noblesse ?
Dans cette logique, pour l’ensemble des transports collectifs, 2024 qui arrive se devra d’être une année de transition… positive.