Premières Journées Car & Bus News : le rétrofit à l’honneur

Premières Journées Car & Bus News : le rétrofit à l’honneur

Car & Bus News et ses six partenaires (Aftral, Belgian Bus Sales, EA autocars, Finkbeiner, Perinfo et Safra) ont réuni quinze dirigeants d’entreprises de transport de voyageurs à Cahors du 1er au 3 février.

 

Invités et participants aux premières Journées Car & Bus News.

 

Cet événement était organisé pour répondre à une question simple : «  Le rétrofit est-il LA solution de décarbonation de l’autocar ? ». Les débats ont été animés par Florence Duffour, cheffe de projet Mobilité bas carbone chez IFP Energies nouvelles (IFPEN). Cette structure est un organisme public de recherche et d’innovation, un centre de formation et un groupe industriel dans le domaine de l’environnement de l’énergie et des transports. L’IFPEN se positionne comme un tiers de confiance.

 

Le château de Mercuès, écrin des premières Journées Car & Bus News.

 

Cap sur la réduction des émissions de CO2

 

L’experte de l’IFPEN a indiqué que 31% des émissions des CO2 sont dues au transport, dont 75% issues des véhicules terrestres, mais les cars et bus ne représentent que 2% des émissions liées au transport (source : Carbone4 en 2022) et 0,7% des émissions de CO2 en France.

Pour le transport routier, des énergies alternatives au gazole existent (bioGNV, biocarburants, électricité…) mais, au 1er janvier 2023, le diesel représente 97% du parc d’autocars quand, en revanche, la part du diesel est plus faible pour les autobus.

L’Europe s’est fixé de forts objectifs en matière de réduction des émissions de CO2, avec notamment la future norme Euro 7 pour les véhicules lourds et l’interdiction de la vente des véhicules thermiques à partir de 2035. Mais c’est principalement le développement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) qui va avoir un impact sur les flottes.

 

Florence Duffour, intervenante de l’IFP Energies Nouvelles.

 

Les solutions permettant de décarboner les flottes n’ont pas toutes le même bilan environnemental. Le véhicule électrique à batterie (BEV) a par exemple un rendement de l’ordre de 90%, un couple élevé à bas régime, 0 émission, mais son autonomie est limitée, le temps de recharge élevé et les batteries doivent encore s’améliorer (densité énergétique, durabilité et sécurité).

Concernant les véhicules à hydrogène (H2), le rendement inférieur est à un BEV. Il en existe deux types, les FCEV (équipés d’une pile à combustible) et ceux avec un moteur à combustion interne d’hydrogène. Ces derniers émettent un peu de CO2 en raison de la lubrification du moteur et nécessitent un système pour limiter les émissions d’oxydes d’azote. Un besoin de clarification législatif sera donc nécessaire pour savoir si les véhicules à moteur à combustion d’hydrogène ont le label « 0 émission ».

Autre alternative, les carburants de synthèse (e-fuels) ont un bon bilan carbone s’ils sont produits à partir d’H2 décarboné. Enfin, le bioGNV permet de réduire de 80% les émission de CO2 par rapport au diesel.

L’IFPEN a mené une analyse cycle de vie pour l’ensemble de ces technologies, de la production du carburant au recyclage du véhicule.

 

Rétrofit : une solution de transition

 

Après une définition du cadre juridique encadrant le rétrofit (l’arrêté du 13 mars 2020), l’experte a indiqué que le rétrofit permet d’obtenir une meilleure vignette Crit’air pour un coût deux à trois fois moins élevé qu’un véhicule neuf.

Plusieurs industriels proposent des solutions permettant de transformer un autocar diesel en un autocar fonctionnant au bioGNV, à l’électricité (avec des batteries ou une pile à combustible) ou avec un moteur à combustion d’hydrogène.

L’industriel Safra, partenaire de cet événement Car & Bus News, annonce un tarif autour de 320 000 € pour le rétrofit d’un autocar Mercedes-Benz Intouro ME en autocar à hydrogène avec une pile à combustible. L’homologation de ce modèle est prévue pour mars.

 

Les débats ne cessent jamais…

 

La filière du rétrofit hydrogène est en train de se structurer avec la création en janvier dernier de la « Coalition Rétrofit H2 » mais celle-ci est principalement tournée vers les camions.

L’IFPEN a mené des études pour calculer le TCO (coût total de possession) des différentes solutions. Le prix de l’hydrogène a une tendance à la baisse à moyen terme. Il devra descendre à 3 ou 4 euros le kilo pour être compétitif avec le diesel.

Le rétrofit sera donc une petite partie de la solution pour décarboner les flottes. L’ampleur de son développement dépend directement du contenu des cahiers des charges d’exploitation de services de transport public (lignes régulières ou services de transport scolaire) rédigés par les collectivités autorités organisatrices.

Cette technique devrait toutefois permettre d’accélérer la transition dans un contexte où l’offre en véhicules neufs reste actuellement limitée, bien qu’en développement. Le financement des opérations de rétrofit reste toutefois un sujet de difficulté pour les transporteurs. Un point sera  par ailleurs soulevé par plusieurs opérateurs, celui de la capacité de production réelle d’autocars rétrofités dans les années à venir, au regard des quelques 80 000 véhicules roulant encore au diesel à ce jour…

À noter qu’aucun transporteur présent à ces Journées Car & Bus News n’exploite actuellement des véhicules rétrofités. Un d’entre eux a toutefois indiqué avoir un projet de rétrofit vers l’électricité (batteries) dans le cadre d’un appel d’offres pour une ligne de transport de personnel (contrat de 4 ans).

Les participants soulignent également que le passage à l’électrique va avoir un fort impact sur les activités de maintenance car l’entretien de ces véhicules est bien plus réduit, alors qu’il nécessite toutefois une mise aux normes des ateliers.

Enfin, pour que la recharge en électricité soit possible dans les dépôts, la disponibilité de la puissance électrique nécessaire va devoir s’améliorer. Concernant l’hydrogène, le réseau de stations devra être fortement développé pour que cette énergie puisse être utilisée à grande échelle.

Ces sujets auront d’ailleurs l’occasion d’être développés lors de prochaines Journées Car & Bus News, qui se dérouleront à Rouen, du 30 mai au 1er juin prochains.

 

Les partenaires de la première édition des Journées Car & Bus News.

L’Anateep se penche sur les incivilités dans les transports scolaires

L’Anateep se penche sur les incivilités dans les transports scolaires

L’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public (Anateep) a organisé le 25 janvier à Paris, son Séminaire national consacré cette année au sujet suivant : « Incivilités, conflits, harcèlement dans les transports de scolaires : que peut-on faire ? ».

 

Alors que la lutte contre le harcèlement scolaire est devenue une des priorités gouvernementales, l’Anateep a donc tenté, lors de son Séminaire national, de cerner la problématique de ce phénomène dans les transports scolaires.

 

Trois ateliers ont permis à différents acteurs ou experts de présenter leur expérience en la matière, l’idée étant d’en retirer une éventuelle ligne de conduite pour l’ensemble du secteur. Premier constat, de taille, tous les intervenants conviennent manquer de données fiables.

 

Selon Nadia Smondel, directrice Marketing, Etudes et QS, RATP Dev, « il est très complexe de détecter le harcèlement dans les transports, ne serait-ce que parce que le conducteur, seul adulte à bord, est de fait concentré sur sa conduite ». La responsable estime toutefois que, même si seulement une victime sur dix fait un signalement, il y aurait trois fois plus d’intimidations verbales que d’actes violents, et ce le plus souvent à l’arrêt.

 

Selon Nadia Smondel, le sentiment de harcèlement serait partagé par environ 20% des élèves transportés. Un chiffre non négligeable, et bien plus important que celui annoncé par Jean-Pierre Félix, Mission « Prévention des violences en milieu scolaire », DGESCO, Ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, qui l’estime à plus ou moins 7%.

 

Pour faire face, RATP Dev a mis en œuvre un module de formation pour ses agents, une campagne de sensibilisation des élèves de CM2, etc.

 

Pour Noémie Loureiro, directrice de Transdev Marne et Ourcq, à Meaux (un secteur plutôt urbanisé), passé un travail de sensibilisation auprès des élèves sur l’ensemble du territoire concerné, le recours à un programme de formation mis en place avec les formateurs de la Police Nationale porte ses fruits. « La présence de l’uniforme joue son rôle », explique-t-elle.

 

Concrètement, les conducteurs reçoivent une formation aux droits et devoirs de leur poste dans les locaux de la Police, un cours de self-défense et procèdent à des exercices dans les véhicules et les dépôts.

 

Tous les intervenants militent aussi pour le développement de la vidéo-surveillance qui, lorsqu’elle est mise en œuvre, représente un véritable facteur d’apaisement.

 

Du côté des autorités organisatrices, Michel Sauvage, directeur du transport routier de voyageurs de la Région Grand Est, met en avant la mise en place dans sa région (qui transporte chaque jour 186 700 élèves) du dispositif pHARe.

 

Celui-ci s’appuie sur un triptyque : la formation du personnel, la formation d’élèves « ambassadeurs » et la création de protocoles dans chaque établissement.

 

Parallèlement, la région lancera dès avril une campagne de communication autour d’un numéro d’appel dédié au harcèlement dans les transports scolaires. En substance, ce dernier sera affiché dans les autocars, sur les fiches horaires et sur la carte de transport individuelle des élèves.

 

Par ailleurs, un concours baptisé « non au harcèlement » sera organisé auprès des lycéens et collégiens, qui devront réaliser un clip sur le sujet.

 

Michel Sauvage conclura toutefois sur une vision de bon sens : « attention toutefois de ne pas stigmatiser l’autocar scolaire comme un lieu de harcèlement… ».

Transports collectifs, quel bilan pour 2023 ?

Transports collectifs, quel bilan pour 2023 ?

De quoi cette année 2023 qui se termine sera-t-elle synonyme dans l’esprit des différents acteurs du transport collectif ? Pas simple de dresser un bilan pour ce secteur complexe. Plusieurs indicateurs et témoignages peuvent cependant permettre de dresser un tableau intéressant des évolutions de cette activité.

 

Premier indicateur peut-être, qui se doit d’être mis en lumière, celui du parc de véhicules en exploitation, généralement révélateur de la bonne santé d’un secteur. Le service statistique des ministères en charge du logement, des transports, de l’énergie, de l’environnement, du climat et du développement durable (SDES) vient justement de publier les dernières données connues concernant le parc des autocars et autobus en circulation sur le territoire français. Si ces données désormais disponibles ne datent que du 1er janvier 2023, elles fournissent tout de même un tableau révélateur.

A cette date, 66 200 autocars et 27 800 autobus sont donc en circulation en France. La quasi-totalité des autocars, soit 96,8%, disposent d’une motorisation diesel thermique. Le GNV arrive en deuxième position des motorisations utilisées avec 2,8% des immatriculations, l’électrique (toujours très peu présent dans les catalogues des industriels) ne représentant que 132 unités répertoriées.

 

 

Même si la motorisation diesel reste encore largement majoritaire pour les autobus (65,3%), la progression des motorisations alternatives, au gaz, électrique ou avec une bi-motorisation électrique, est significative. Selon le SDES, la part du diesel thermique a reculé de 4,9 points entre le 1ᵉʳ janvier 2022 et le 1ᵉʳ janvier 2023, essentiellement au profit des véhicules au gaz (+2,2 points) et électriques (+1,8 point). Autre point significatif, cette fois quant à l’âge moyen du parc, le SDES relève que la norme d’émissions de polluants Euro VI, mise en place en janvier 2014, est désormais la plus répandue au sein du parc des autocars (60,7%) et des autobus (56,3%). Toutefois, 15,3% des autocars en circulation et 17,5% des autobus répondent encore à une norme d’émissions inférieure ou égale à 4. Dernier fait révélateur issu de ces statistiques en matière d’immatriculations, depuis 2011, le parc total des autobus s’est accru de 39,6% tandis que celui des autocars n’a progressé que de 4,3%.

Pour cette année 2023 qui s’achève et donne une tendance, les chiffres d’immatriculations récemment publiés révèlent que 5 200 véhicules de transport de personnes ont été enregistrés à fin novembre, soit une hausse de 6,2% par rapport à la même période en 2022.

Concernant les marques, assez classiquement, Iveco Bus reste leader du marché français avec 2 631 immatriculés en comptant Heuliez Bus, Daimler Bus arrive en deuxième position avec 1093 véhicules (1 057 Mercedes, 36 Setra), et MAN est troisième avec 502 véhicules. Viennent ensuite Temsa (185), Otokar (157) et Scania (132).

 

Activité en hausse pour le bus, pas vraiment pour l’autocar

 

Toujours selon les données du SDES, les distances parcourues par les transports en commun de personnes sont en hausse de 9,9% en 2022. Le parcours annuel moyen des autobus est resté stable à 39 000 km/an, tandis que celui des autocars a progressé de 14,9% en un an, s’établissant à 28 800 km/an. Ainsi, de 2011 à 2022, les distances parcourues par les véhicules de transport de voyageurs augmentent-elles globalement de 6,4%, tirées par la progression de celles des autobus (+36,8%). Malgré une tendance à la hausse jusqu’en 2019, les distances parcourues par les autocars, plus fortement et durablement affectés par les restrictions de déplacement pendant la crise sanitaire, diminuent de 5,5% sur la même période. En 2022, elles n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant-crise (-7% par rapport à 2019), preuve sans doute, qu’à cette date, le tourisme en autocar notamment, n’avait pas retrouvé ses couleurs, ou/et que la crise de recrutement des conducteurs vécue par ce métier impacte le volume des services réellement effectués, notamment en transport scolaire. Les distances parcourues par les autobus dépassent, quant à elles, de 8,6% leur niveau d’avant-crise, preuve cette fois des efforts consentis par les autorités organisatrices de mobilités (et des réseaux) pour augmenter l’offre de transports collectifs, peut-être dans le cadre d’une stratégie assumée de renforcement du report modale.

 

L’autocar, entre chaud et froid…

 

Au chapitre des bonnes nouvelles de l’année concernant le secteur des transports routiers de voyageurs, l’observateur attentif aura remarqué une baisse de la pression des problèmes de recrutement sur l’activité. A la dernière rentrée scolaire, il ne manquait « que » 4000 conducteurs dans ce secteur, une amélioration par rapport à 2022, où l’on notait 2000 absents de plus. Pour autant, de nombreux services scolaires ont été réduits ou n’ont pu être effectués cette année et, l’an prochain, il sera sans doute nécessaire de poursuivre les efforts avec, toutefois quelques raisons d’être optimistes. D’un côté, toutes les entreprises se mobilisent à grande échelle (avec les coûts afférents à ces politiques de recrutement…), l’AFTRAL forme de plus en plus, l’âge d’obtention du permis a été abaissé, et de l’autre, des discussions se sont ouvertes avec l’Education Nationale pour réfléchir aux principes de ré-enchaînement des services, etc. Restera à régler le problème des délais d’obtention des documents administratifs, toujours trop longs. Un sujet largement évoqué lors du congrès de la FNTV du 15 novembre dernier.

 

Satra, marque emblématique du groupe Daimler dans l’univers de l’autocar de tourisme, revient dans le tableau des immatriculations, après de longs mois de vaches maigres à la suite de la crise Covid.

 

Autre point positif pour le secteur du transport routier de voyageurs, la bonne santé des services librement organisés (SLO), relevée par le dernier rapport de l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique (OPTL), présenté le 18 décembre dernier, et portant sur l’année 2022 lui aussi.

Selon l’OPTL donc, après deux années marquées par la crise sanitaire liée à la pandémie, la reprise débutée en 2021 s’est intensifiée en 2022. Le trafic en autocars augmente de 77% en un an, mais n’a toutefois pas encore complètement retrouvé son niveau de 2019. Du fait d’une demande dynamique, en dépit d’une reprise timide de l’offre, le taux d’occupation a atteint un niveau supérieur à celui d’avant la crise (66 à 75% au troisième trimestre contre 63 à 72% en 2019), permettant au chiffre d’affaires du SLO de se situer au moins au même niveau qu’en 2019 (entre 130 et 155 M€ en 2022 contre 132 à 147 M€ en 2019).

Enfin, autre raison de voir l’avenir avec une certaine sérénité lorsqu’on est autocariste : le retour du tourisme en autocar. A condition toutefois que les entreprises aient conservé cette activité dans leur portefeuille pendant la crise Covid. Selon les observateurs les mieux placés, la tendance à la hausse de l’activité touristique varie selon les régions entre 15 et 30% par rapport à l’année de référence qu’aura été 2019. Une tendance à la hausse donc, qui se caractérise toutefois par l’e développement remarqué de ce que d’aucuns nomment le transport occasionnel, à contrario des séjours (longue distance notamment) qui n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’antan.

« Les séjours linguistiques ou la réception des touristes asiatiques sont par exemple en diminution, constate ainsi Alexandre Delvallez, directeur général de Réunir. En revanche, nous avons pu constater cette année un retour des touristes américains et européens ». Dans cette logique de retour de la croissance, les entreprises concernées, de fait moins nombreuses aujourd’hui, se sont positionnées dans une logique de marché, ce qui, toujours selon Alexandre Delvallez, leur permet d’établir une grille de prix plus juste, et donc de consolider leurs marges.

Bien entendu, cette activité pâtit elle aussi des problèmes de pénurie de conducteurs qui sévit dans tout le transport routier de voyageurs, mais aussi des délais de livraison de nouveaux véhicules. De nombreuses commandes d’autocars de tourisme enregistrées cette années sont par exemple prévues à la livraison pour 2025… Une situation qui pénalise clairement les opérateurs dans leur volonté de renouvellement du parc. Mais ils qui aussi à définir correctement le prix de leurs prestations, ce qui ne permet pas à leurs clients d’avoir une claire visibilité. Pour autant, l’année qui vient devrait être encore marquée par des records dans ce secteur (congrès, commémorations et, bien sûr, JO), avant une forme de retour à la normale.

 

Vers un imbroglio réglementaire européen ?

 

Au chapitre des éléments inquiétants pour ce métier reste le problème posé par la transition énergétique du secteur. Si la profession autocariste milite (comme presque tous les acteurs du transport collectif) pour un mix-énergétique incorporant notamment le diesel ou le gaz, à condition qu’ils soient « bio » à termes, l’Etat (sauf peut-être, le ministre des Transports Clément Beaune) campe encore sur la position européenne clairement orientée vers le tout électrique, notamment à travers le règlement CO2Transports adopté le 21 novembre dernier. « Concernant notre profession, constate à cet égard Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV, les textes européens restent pour nous inquiétants, car le tout électrique est pour nous impossible. Nous aurons sur ce sujet délicat besoin d’un vrai soutien économique des pouvoirs publics, ainsi que d’une feuille de route claire et réaliste… ». En ce sens, on notera les interrogations qui existent encore sur la pertinence du concept de rétrofit (électrique ou hydrogène) appliqué aux autocars. Une nouvelle possibilité de « verdissement » des flottes existantes dont on mesure encore mal l’ampleur et les implications sur l’évolution des entreprises.

 

Un autocar Yutong électrique, longtemps seul autocar de ce type sur le marché français.

 

Autre point réglementaire qui ajoute à l’inquiétude ambiante, la proposition CountEmissions EU qui a été présentée par la Commission européenne plus tôt cette année dans le cadre du Greening Freight Package. Ce nouveau règlement viserait à mettre en œuvre un cadre commun européen pour le calcul et la divulgation des émissions de GES (gaz à effet de serre) provenant des services de transport de passagers et de marchandises. Le Conseil a soutenu l’approche de la Commission et a aligné la proposition CountEmissions EU sur la norme ISO 14083 qui est déjà utilisée et fournit une méthodologie pour calculer et divulguer les émissions de GES en utilisant une approche du puits à la roue.

Le Conseil souhaiterait que les « grands opérateurs de transport » soient obligés de comptabiliser leurs émissions pour leurs opérations nationales sur la base de l’activité de leur flotte et de leurs opérations réelles. Elles doivent déjà déclarer leurs émissions conformément à la directive européenne sur les rapports sur le développement durable (CSRD). Un des problèmes identifiés est que pour le CountEmissions EU, le Conseil n’utilise pas comme définition d’une « grande entreprise » celle utilisée dans le CSRD, d’où un manque de cohérence possible. Le Conseil oblige également la Commission européenne à fournir un outil en ligne pour calculer les émissions de GES. Restera à définir la nature du traitement des sous-traitants, pas toujours à même de fournir ce type de données (un point fondamental pour le secteur des voyageurs). Par ailleurs, la vérification des données de sortie est aussi un élément supplémentaire qui n’a pas été correctement pris en compte. Une fois que les opérateurs auront calculé leurs émissions de GES, celles-ci devront en effet être vérifiées par un organisme d’évaluation de la conformité pour garantir qu’elles répondent aux exigences. Or, les règles de vérification n’ont pas encore été précisément définies…

Enfin, telle une épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de la tête des opérateurs du TRV, reste le problème posé par les ZFE (zones à faible émission), voire les ZTL (zone à trafic limité) comme à Paris, dont les conditions de mise en œuvre sont désormais du ressort des collectivités concernées (cinq métropoles françaises sont aujourd’hui confrontées à cette obligation). Si les opérateurs ont évité une mesure couperet à l’échelle nationale, ils sont maintenant confrontés à la disparité des stratégies locales mise en œuvre, avec tout ce que cette situation comporte d’insécurité lorsqu’il s’agit d’organiser un service de transport, notamment touristique…

 

Une situation économique fragile

 

Une situation réglementaire instable qui s’ajoute à une situation économique fragile, notamment parce que la réalité des entreprises face, par exemple, à la nécessité de rembourser les PGE (prêts garantis par l’Etat) contractés pendant la crise Covid est particulièrement contrastée. Ainsi en est-il aussi de l’inflation des coûts régulièrement pointée du doigt par le Conseil National Routier (CNR). A titre d’exemple, après avoir progressé de +7,3% en moyenne annuelle sur 2022, le coût de revient total d’un autocar scolaire a enregistré une inflation de +5,3% en 2023. Depuis deux ans, l’augmentation des coûts atteint donc +13%. Parmi les facteurs explicatifs de ces hausses, le CNR met en lumière le poste conducteur, composante prépondérante, qui enregistre une inflation de +15,8% depuis deux ans (+12,4% sur la seule année 2023). Le CNR constate en revanche que le chiffre d’affaires des entreprises du transport routier de voyageurs (transport régulier et à la demande) se redresse progressivement au cours du premier semestre 2023 pour retrouver son niveau d’avant crise Covid, et ce malgré la pénurie persistante de conducteurs.

Ajoutez à cela le renchérissement des coûts du crédit et… les délais de livraison des véhicules qui se sont fortement rallongés, et vous avez là un cocktail qui complique singulièrement la gestion d’une entreprise du TRV.

Heureusement peut-être, les AOM semblent jouer le jeu, notamment face aux demandes de la profession. Outre leur présence aux côtés des entreprises pendant la crise sanitaire, elles ont globalement modifié positivement l’indexation, tandis que les aspects qualitatifs prennent plus d’importance dans les critères d’attribution des contrats, eux-mêmes d’une durée généralement plus longue que précédemment. « En ce qui concerne cet aspect de l’activité de nos entreprises, les conditions s’améliorent, conclut Jean-Sébastien Barrault, et nous pouvons aussi compter sur l’écoute du ministre des Transports ».

 

La livrée des futurs Cars express d’IDFM.

 

Enfin, en termes d’image comme de nouveaux marchés potentiels, l’autocar aura, en cette fin 2023, retrouvé des lettres de noblesse à travers par exemple le projet francilien de lignes de Car express (45 nouvelles lignes express, complétée par le renfort à court terme de 9 lignes déjà existantes, soit un total de 200 nouveaux véhicules à mettre en service) dont la mise en œuvre sera certainement scrutée avec attention dans tout l’Hexagone.

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Le transport urbain sous pression

 

Si les acteurs du TRV sont, pour certains, confrontés au « mur de la dette », les transports publics urbains semblent eux confrontés à un véritable mur de l’investissement. En cause : la transition énergétique et le développement du report modal. Comme le révèlent les chiffres du parc d’autobus français évoqué précédemment, le verdissement des flottes de bus, fort d’une offre industrielle aujourd’hui abondante et très diversifiée, est désormais bien avancée. Pour autant, le surcoût des véhicules dits propres pèse très clairement sur les finances de collectivités, confrontées qu’elles sont à des exercices budgétaires compliqués par la situation économique du moment et l’inflation.

Dans ce cadre, le temps des grands discours vantant l’avenir radieux d’une transition énergétique rapide semble plutôt (même si discrètement) mis de côté. Si l’objectif reste le même, faire du transport public le bon élève de cette transition, les limites de l’exercice sont désormais évidentes pour la majorité des responsables. D’autant que les collectivités sont aussi comptables de la mise en œuvre du Plan vélo, parfois fort dommageable pour la bonne tenue des services de bus, mais aussi de « l’accessibilité » voir de « l’inclusivité », de ces mêmes « transports du quotidien », etc. Plus que la vertu appliquée aux réseaux, sont donc plutôt mis en avant la nécessité d’un report modal massif et donc d’un choc d’offre propre à séduire les clients, les deux nouveaux « maître-mots » du secteur. Selon certains, « trop de textes s’accumulent et se superposent, au niveau de l’Union européenne comme de la France ». Tous les acteurs ont donc eux aussi besoin de visibilité à plus longs termes.

Le report récent, de 2030 à 2035, par le Conseil européen, de l’obligation d’acheter 100% de bus zéro émission est considéré avec un certain soulagement. Mais l’ensemble des professionnels du transport public martèle aussi qu’ils ont besoin d’accompagnement et de financement de la part des pouvoirs publics. Est par ailleurs pointé du doigt la volonté d’imposer à grande vitesse le seul mode électrique comme alternative écologique, alors que de nombreux experts jugent toujours le GNV, évidemment dans sa composante bio issue de la méthanisation, comme une alternative digne d’intérêt, notamment en termes d’indépendance et de développement des tissus industriels locaux… Le travail de « pédagogie » auprès des pouvoirs publics a donc commencé (peut-être un peu tardivement), comme le prouve la récente visite de Valérie Pécresse, présidente d’Ile-de-France Mobilités, sur le site Iveco Bus d’Annonay. Un événement où fut clairement mis en avant les qualités du bio-GNV comme outil économiquement viable (et fiable) de décarbonation des transports collectifs urbains. On l’aura compris, l’ensemble du secteur se réveille aujourd’hui en prônant lui aussi un réel (ou simplement réaliste ?) mix-énergétique.

 

Le Heuliez GX137L ELEC.

 

Toujours concernant ce fameux nerf de la guerre, un cri d’alarme n’aura cesser de retentir tout au long de l’année, notamment aux Rencontres Nationales du Transport Public qui se déroulaient à Clermont-Ferrand. Les AOM ont désormais compris qu’il existe un coût acceptable pour chaque prestation de transport. D’autre part, tout le monde a aussi compris que les moyens à disposition ne sont plus extensibles. « Sans aides pour faire cette transition, nous risquons d’être obligés de diminuer l’offre », menacent-ils donc régulièrement. Un résultat qui serait totalement contre-productif, puisqu’il s’agit avant tout pour les transports collectifs de séduire les automobilistes. Les acteurs réclament donc une massification de l’aide à l’achat des véhicules, du même niveau que celui appliqué aujourd’hui aux vélos ou au covoiturage… Tous s’accordent aussi sur la nécessité de sanctuariser le versement transport comme source de ressources pour le transport de voyageurs. Pour résumer, ils réclament désormais une transition « soutenable économiquement » pour les collectivités, et prônent l’adaptation de l’offre des transports publics aux besoins, aux finances et aux contraintes locales.

La question qui reste aujourd’hui en suspens est donc simple et participe d’un certain principe de réalité : n’est-il pas déjà trop tard pour que cette transition se déroule dans la douceur ? Monsieur Mezghani, de l’UITP ne disait-il pas, lors de la conférence TTDC 23 : « je préfère avoir un bus diesel sur une voie de bus plutôt qu’un bus électrique coincé dans les embouteillages. Car les gens se moquent de savoir si le bus est électrique ou diesel, polluant ou non polluant, ils veulent aller d’un point à un autre ». Une façon claire de dire que le bus est en lui-même (comme l’autocar d’ailleurs) écologiquement vertueux, qu’il soit thermique ou électrique, puisqu’il transporte une masse de passagers qui ne sera pas obligée de recourir à la voiture pour ses déplacements quotidiens.

 

Le transport public urbain, terrain d’expérimentation

 

Comme le démontrent depuis quelques années les différents salons dans lesquels les industriels du transport collectif mettent en valeur leur production d’autobus, c’est en effet dans ce secteur d’activité que les nouvelles énergies trouvent leur meilleur terrain de développement et d’expérimentation, réglementation européenne et subventions massives obligent. Ce sont donc bien les autobus qui ont été les premiers à avoir été proposés en GNV, mais aussi en version électrique à batteries, et désormais à l’hydrogène. Là encore, les chiffres du SDES évoqués plus haut sont révélateurs. Au 1er janvier 2023, presque 5000 bus fonctionnaient au GNV, presque 2000 étaient à propulsion électrique, et 27 fonctionnaient à l’hydrogène. La transition énergétique des transports collectifs urbains est donc bien en marche, voire même très avancée. En creux, et compte tenu de la durée de vie de ces matériels, du surcoût important des nouvelles technologies, de la raréfaction des ressources des collectivités et des nécessaires investissements massifs qu’ils impliquent dans les infrastructures ad-hoc, on mesure que le chemin qui mènera au zéro émission risque d’être encore long, peut-être même au-delà de la date de 2050 professée par l’UE et tant d’autres… Très concrètement, en dehors des grandes (et riches) agglomérations, les alternatives au thermique restent encore plus ou moins réservées à des lignes « emblématiques », souvent qualifiées de « structurantes ». Il en va clairement ainsi de l’hydrogène, le plus coûteux aujourd’hui, qui reste plus ou moins encore à l’état d’expérimentation.

 

Le Solaris Urbino 18 H2 a fait son entrée sur le marché européen cette année.

 

Le cas de la communauté d’agglo Pau Béarn Pyrénées est exemplaire en ce sens. Le réseau Fébus de Pau faisait en 2019 figure de pionnier en matière d’hydrogène, puisqu’il avait mis cette année-là en service 8 autobus BHNS Van Hool H2, complétés ensuite par 4 véhicules supplémentaires, eux aussi fournis par le constructeur belge. Si ces véhicules semblent avoir donné globalement satisfaction, confrontée en cette fin d’année à une baisse significative des subventions en provenance de l’Etat français et de l’UE, et à un coût de production élevé de l’hydrogène vert nécessaire au fonctionnement « vertueux » de ces véhicules, l’agglomération a fait le choix d’orienter ses futurs achats de bus standards vers l’électrique à batteries, moins onéreux.

 

Le e-Jest de Karsan, distribué par HCI.

 

Dans une autre logique d’adaptation aux réalités économiques, l’observateur attentif ne peut que remarquer l’augmentation des commandes de minibus et midibus, majoritairement électriques. Les catalogues des industriels s’enrichissent donc au rythme des demandes de collectivités, généralement de taille moyenne, qui trouvent avec ces matériels le moyen d’irriguer leur centre-ville et de faire œuvre de transition, et ce à moindre coût. Dans la même logique peut-être, on aura remarqué cette année l’arrivée chez les constructeurs de nouvelles générations de véhicules autonomes. Des modèles qui, pour l’instant du moins, ne semblent pas avoir encore trouvé leur marché.

Dernier cas sur lequel il est peut-être nécessaire de s’interroger concernant le développement du parc roulant des transports collectifs urbains « propres », celui du trolleybus. Précieusement conservé et renouvelés par les agglomérations qui n’ont pas démonter les infrastructures nécessaires dans les années 70/80, les trolleybus seraient, de l’avis de la plupart des experts, la meilleure solution « électrique », compte tenu du ratio coût d’achat/volume de batteries embarqué/capacité d’emport/durée de vie. Sans doute le retour des câbles d’alimentation dans les rues est-il souvent jugé inesthétique par certains édiles ? Les mêmes toutefois qui ont laissé proliférer en périphérie de leurs communes des « zones d’activités » désormais clairement ressenties comme une atteinte au bon goût… Peut-être les réalités économiques du moment et à venir redonneront-elles à ce mode quelques lettres de noblesse ?

 

Un Crealis d’Iveco Bus. Le trolleybus est-il le meilleur type de bus électrique ?

 

Dans cette logique, pour l’ensemble des transports collectifs, 2024 qui arrive se devra d’être une année de transition… positive.

Interview. Neste, Altens et Bolloré Energy s’allient pour le diesel renouvelable

Interview. Neste, Altens et Bolloré Energy s’allient pour le diesel renouvelable

Dans le cadre du salon Solutrans, qui s’est déroulé à Lyon du 21 au 25 novembre derniers, Neste a signé deux partenariats avec Altens et Bolloré Energy pour la distribution du Neste MY Renewable Diesel sur le marché français à partir de 2024.

Neste, Altens et Bolloré Energy insistent d’ailleurs sur le fait que si la France veut atteindre les objectifs fixés par le gouvernement dans le cadre de la loi Énergie-Climat et de la Stratégie Nationale Bas Carbone, tout en respectant les objectifs européens, elle doit prendre en considération toutes les solutions disponibles pour lutter contre le dérèglement climatique. Cela nécessite de renforcer sa stratégie pour l’énergie électrique et hydrogène, mais aussi d’adopter les biocarburants et carburants liquides bas carbone.

Neste produit ainsi du diesel renouvelable à partir de matières premières 100% renouvelables, dont plus de 90% étaient en 2022 issues de déchets et de résidus.

Le Neste MY Renewable Diesel contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 90%, lorsque les émissions du carburant sont comparées à du diesel fossile sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Rencontre avec Johannes Hartig, directeur des ventes marché européen.

 

Johannes Hartig, directeur des ventes Europe de Neste.

 

Car & Bus News : Pouvez-vous nous présenter l’entreprise Neste, peut-être méconnue des professionnels français ?

JH : Nous sommes une société finlandaise et le premier producteur mondial de diesel renouvelable destiné aux transports terrestres et aériens. Notre procédé NEX BTL consiste en un hydrotraitement de déchets, de résidus et de graisses d’origine naturelle. Nous possédons des raffineries en Finlande, à Rotterdam, Singapour et en Californie. En 2022, le chiffre d’affaires de Neste a atteint 25,7 Mds€. Et nous avons calculé que nous aiderons nos clients à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 20 millions de tonnes par an d’ici à 2030.

La capacité actuelle de production de produits renouvelables de Neste est de 3,3 millions de tonnes par an. L’opération conjointe de Neste et de Marathon Petroleum à Martinez, en Californie, portera la capacité totale de production de produits renouvelables à 5,5 millions de tonnes au début de l’année 2024. Une fois achevé, le projet d’expansion de la raffinerie de Rotterdam de Neste augmentera encore la capacité totale de production de produits renouvelables de l’entreprise à 6,8 millions de tonnes d’ici la fin de 2026.

Enfin, nous avons calculé que nous aiderons nos clients à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 20 millions de tonnes par an d’ici à 2030.

 

CBN : Comment organisez-vous la distribution de votre diesel renouvelable sur le marché français ?

JH : Nous sommes présents dans l’Hexagone depuis une dizaine d’année, même si nous n’avons pas de réseau de distribution en propre et que nous nous appuyons sur des distributeurs locaux. C’est dans ce cadre que se situe notre nouveau partenariat avec Altens et Bolloré Energy, qui consistera en une mise en commun de la distribution de notre carburant en France. Nous sommes convaincus que notre carburant Neste MY répond aux ambitions des autorités organisatrices de transport et des opérateurs de transport, qui pourront décarboner leurs flottes sans investissements trop lourds et sans modification des véhicules du parc ou de leurs structures d’exploitation. Nous estimons d’ailleurs que le marché français pour ce type de carburant représente plus ou moins 5 millions de m3.

CBN : Quel est le surcoût de votre Neste MY ?

JH : Le surcoût doit être calculé en termes de coût total de la décarbonation. Et au final, celui-ci s’avère tout à fait supportable, notamment grâce à l’absence de surcoût en matière d’infrastructure. Autres points qui jouent en la faveur du Neste MY : sa haute performance grâce à un indice de cétane élevé, sa résistance aux températures extrêmes et sa remarquable tenue dans le temps, nos laboratoires ayant déjà pu constater qu’il n’y avait aucune altération du carburant 10 ans après sa production et son stockage. Preuve des qualités de notre diesel renouvelable, les armées commencent d’ailleurs à s’y intéresser.

CBN : Quelle place pourra jouer votre carburant dans le cadre de la politique de verdissement des transports menée à l’échelle européenne ?

JH : Nous sommes bien sûr des adeptes du mix-énergétique, car nous pensons qu’en 2040, le développement de véhicules électriques ne permettra de décarboner concrètement qu’un quart du transport européen. L’utilisation d’un carburant comme le nôtre participe donc d’un ensemble de solutions. Nous pensons par ailleurs qu’il ne faut surtout pas attendre 2035, et la fin du moteur thermique, pour recourir au Neste MY. Preuve que nous commençons à être entendus, notre marque connait un véritable essor et est présent dans de nombreux pays de l’Union européenne, la Finlande bien sûr, mais aussi aux Pays-Bas, en Belgique, Allemagne, etc.

Congrès de la FNTV : l’autocar et la transition

Congrès de la FNTV : l’autocar et la transition

Dernier débat, et non des moindres, du congrès de la FNTV, celui intitulé « mix énergétique, clé de la décarbonation des autocars » aura permis de faire le point, mais aussi de lister les attentes du secteur, en matière de transition énergétique des TRV.

L’intitulé avait le mérite d’être claire quant à la position de la profession sur le désormais nécessaire verdissement des flottes d’autocars : ce processus passera par le mix-énergétique.

Problème, l’introduction du sujet, portée par Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au secrétariat général à la planification écologique, a clairement mis en lumière le « blocage » mental dans lequel se trouve aujourd’hui l’Etat, qui ne semble concevoir cette transition que sous le seul angle de l’électrification.

Passés les éléments de langage habituels indiquant que le transport restait le seul secteur d’activité à n’avoir pas baissé ses émissions de CO2, et que l’Etat vise pour lui à une diminution de 35 000 tonnes d’émissions d’ici à 2030, Antoine Comte-Bellot a toutefois reconnu que « l’autocar sera certainement le plus difficile à électrifier… ». Quant au problème du coût de cette transition, le planificateur restera plutôt disert.

Un sujet, majeur, sur lequel rebondit rapidement Edouard Hénaut, DG France du groupe Transdev. « Il y aura obligation d’intégrer le surcoût de cette transition dans la commande publique », explique-t-il. Et d’enchaîner sur le mix-énergétique, « qui est la solution la plus sérieuse, notamment parce qu’elle est intimement liée à la nature des territoires… ».

« Nous sommes des apôtres du mix-énergétique, renchérit Stéphane Espinasse, président d’Iveco France, mais chaque type d’énergie a d’abord besoin d’un écosystème viable. Pour le gaz par exemple, nous constatons que 23% du parc français d’autocars utilise désormais cette ressource. Pour l’électrique (20% de la capacité de production car et bus est aujourd’hui électrique en Europe, NDLR), si l’écosystème existe dans l’urbain, il n’est pas encore développé dans l’interurbain. Lorsque les infrastructures et les financements seront au rendez-vous, les industriels le seront aussi ».

En matière de financements justement, Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des transports et de la mobilité durable de la région Sud, a donné quelques pistes retenues par sa région. « Nous avons fait le choix politique d’inscrire toutes nos décisions budgétaires dans le cadre du Plan Climat, et ce jusqu’en 2028, explique-t-il. Concernant par exemple les transports, nous escomptons que les orientations « vertes » augmenteront le coût de nos DSP d’environ 10%. Auquel cas, ce surcoût sera inscrit dans le budget général de la région ».

 

Un panel d’alternatives

 

Puisque la profession mise sur le mix-énergétique, le plateau se devait d’être représentatif de la diversité des solutions énergétiques mise à disposition des acteurs du TRV.

Laurence Poirier-Dietz, DG de GRDF, a donc tenu à préciser que « le biogaz est désormais une solution mature, plus de 2000 autcoars et quelque 6000 autobus roulent aujourd’hui en France grâce à ce carburant ». Selon elle, le biogaz pourrait représenter 20% de la consommation de gaz de l’Hexagone en 2030.

Même satisfecit pour Claire Duhamel, directrice d’Oleo 100, qui rappelle que la France peut produire beaucoup de bio-carburant, « un sous-produit liquide de la culture du Colza par exemple », et que cette filière pourrait à la même échéance, décarboner 10% du parc de véhicules lourds français. « Il ne faut surtout pas se focaliser sur une opposition thermique ou non thermique, précise-t-elle, ce sont les diminutions des émissions de CO2 qui comptent ».

Restait à envisager les capacités de la filière du rétrofit, notamment électrique, représentée ici par Emmanuel Flahaut, PDG de Retrofleet qui en a vanté les mérites. « Notre premier autocar rétrofité (un Crossway, NDLR) affiche une autonomie de 200 km, explique-t-il, la transformation peut s’effectuer en deux ou trois semaines, il coûte deux fois moins cher qu’un électrique, et il nécessite un chargeur dont le prix ne dépasse pas 2000 €, autant d’éléments qui rendent cette option économiquement viable ». Ce véhicule étant désormais homologué, Retrofleet table sur 10 autocars rétrofités cette année, et sur une centaine l’an prochain. « Une réflexion doit être menée sur la taille des packs de batteries en fonction des usages, conclue-t-il, et le rétrofit s’inscrit bien dans cette démarche ».

Transdev étant partenaire de cette initiative, Edouard Hénaut précise que son groupe « a en effet focalisé l’expérience sur le transport scolaire qui fait peu de kilomètres au quotidien. Avec le rétrofit, on peut rallonger la vie des véhicules pour que cet investissement soit rationnel économiquement… ».

Finalement, la conclusion viendra de Stéphane Espinasse. « Il faut que tous les acteurs s’organisent en filières, explique-t-il, mais nous avons d’abord besoin d’une stabilisation réglementaire, notamment au niveau des institutions européennes ».

 

En ouverture, de gauche à droite : Florence Duprat ; Antoine Comte-Bellot, directeur de projet au secrétariat général à la planification écologique ; Claire Duhamel, directrice d’Oléo 100 ; Stéphane Espinasse, président d’Iveco France ; Emmanuel Flahaut, PDG de Retrofleet ; Edouard Hénaut, DG France du groupe Transdev ; Laurence Poirier-Dietz, DG de GRDF ; Jean-Pierre Serrus, vice-président en charge des transports et de la mobilité durable de la région Sud.

Congrès de la FNTV : l’autocar face aux ZFE et ZTL

Congrès de la FNTV : l’autocar face aux ZFE et ZTL

Sujet d’inquiétude majeure pour nombre d’autocaristes, le déploiement dans un certain nombre d’agglomérations des zones à faible émission (ZFE) et, à Paris, d’une zone à trafic limitée (ZTL) a logiquement fait l’objet d’un débat lors du congrès de la FNTV.

Face à un public loin d’être acquis, l’honneur d’expliquer l’état d’avancement de ces nouvelles réglementations revenait à Claude Renard, coordinateur ministériel aux ZFE.

Avec calme, Claude Renard a d’abord tenu à rappeler que la mise en œuvre des ZFE « était avant tout un problème sanitaire auquel nous souhaitions (l’Etat, NDLR) répondre ». « Nous avons fixé un cadre, a t-il poursuivi, et une certaine liberté de mise en application. Aujourd’hui, sur 43 agglomérations initialement concernées par les ZFE, il n’en reste que 5 pour lesquelles elles sont devenues obligatoires. Pour les autres, il faudra qu’à fin 2024 soit exclus les véhicules particuliers Crit’Air 3. Pour le reste, il s’agit de décisions locales, que nous tentons d’harmoniser… ».

Christine Français, présidente de la commission tourisme au sein de la FNTV, ne manque pas alors de rebondir sur cette dernière affirmation en affirmant que la profession qu’elle représente a avant tout besoin d’un calendrier cohérent et de règles claires et harmonisées, rappelant au passage qu’un autocar permet de supprimer de la route une moyenne de 30 automobiles, ce qui contribue tout autant à résoudre le problème sanitaire précédemment évoqué…

« Le problème, reconnait Claude Renard, c’est que certaines collectivités ont déjà programmé la fin des Crit’Air 2, donc l’interdiction des autocars roulant au diesel… ».

Une forme de fatalisme qui fait bondir François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne : « une fois de plus, on lutte contre une pollution en créant une usine à gaz avec des règles quasi impossibles à appliquer ! ». Et de s’interroger, à l’évocation du projet de ZTL parisien : « les élus de Paris ont-ils conscience d’avoir une responsabilité au-delà du périphérique ? ».

 

A chaque problème ses solutions ?

 

Au chapitre des solutions, c’est encore Claude Renard qui a ouvert le bal. « Il est évident que la mise en œuvre des ZFE implique d’abord la mise en place d’un panel d’offres alternatives à la voiture individuelle », a-t-il convenu.

Si le plaidoyer de Thomas Matagne, président d’ECOV, pour le développement de lignes de covoiturage, fut écouter poliment, c’est bien une fois de plus – et fort logiquement – François Durovray qui s’attirera la sympathie de la salle, puisqu’il milite activement pour la création d’un véritable réseau d’autocars express. « Toutes les métropoles sont concernées, explique-t-il. Nous avons dépensé des milliards d’euros dans le mass transit, mais il faut relier tous les pôles entre eux, notamment en grande couronne. Pourquoi ne pas profiter des infrastructures routières qui existent ? En Ile-de-France, nous pourrions créer en 9 mois rien moins que 1500 km de ligne de car à haut niveau de service, soit quelque 50 lignes. Et tout cela pour un investissement de départ de seulement un milliard d’euros et quelque 150 M€ chaque année pour l’exploitation ».

Tout espoir n’est donc par perdu.

 

En ouverture, de gauche à droite : Florence Duprat ; Claude Renard, coordinateur ministériel aux ZFE ; Thomas Matagne, président d’ECOV ; François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne ; Christine Français, présidente de la commission tourisme de la FNTV.