Reportage. Iveco France ouvre les portes de son E-Bench

Reportage. Iveco France ouvre les portes de son E-Bench

Iveco Bus a officiellement inauguré le 22 septembre dernier une nouvelle structure de recherche et développement baptisée E-Bench à Vénissieux.

Si cette infrastructure unique en Europe est en réalité fonctionnelle depuis juillet, l’industriel a profité de la présence d’élus locaux, de représentants de la profession, de la presse locale et de la presse spécialisée pour en expliquer le fonctionnement dans le détail.

Les 6,2 M€ investis, cofinancés par l’Etat dans le cadre du programme France 2030 opéré par l’Ademe, permettent désormais à l’industriel de disposer, entre autres, d’un outil susceptible de tester des composants, voire des ensembles complets de composants, sans être pour autant obligé de construire un véhicule prototype.

 

A côté d’un atelier assez classique de tests de solutions technologique, la cellule principale est capable de simuler la dynamique d’un véhicule via deux machines, tout en reproduisant des conditions climatiques extrêmes (entre -15°C et +55°C en toutes saisons). Au fond du banc climatique (à droite), se trouve d’ailleurs un ensemble climatisation/chauffage correspondant à un bus de 18m électrique.

Pour les néophytes, disons que des maquettes fonctionnelles, baptisées Skate, permettent de mettre en situation tous les éléments constitutifs d’un véhicule (comme par exemple la chaîne de traction ou les systèmes de chauffage/climatisation) sans avoir à les relier les uns aux autres en construisant un prototype.

Toutes les cellules étant interconnectées informatiquement, il est possible aux équipes d’analyser leurs réactions face aux diverses contraintes que E-Bench peut reproduire : banc climatique, banc pour composants individuels, banc de tests en boucle en fermée…

Selon les équipes d’Iveco Bus, la mise en regard des diverses analyses obtenue, compatibles d’ailleurs avec toutes les énergies actuellement disponibles dans la gamme du constructeur (dont l’hydrogène, NDLR), permettrait de réduire d’environ 12 mois la conception d’un véhicule, son double virtuel ayant subi tous les tests nécessaires à Vénissieux.

 

 

 

Ceci n’est pas un bus, et pourtant… Tous les composants d’un bus électrique sont ici présents et peuvent être testés de façon interconnectée, recréant de fait un véhicule virtuel.

Pour autant, E-Bench dispose aussi d’un banc à rouleau, intégré au sein de la cellule de test climatique, qui permettra de valider en final, et cette fois sur un véhicule complet, les choix techniques effectués au long du processus.

Autre point fort de ce concept E-Bench, la possibilité de modéliser les structures d’usage de chaque client, et ce, ligne par ligne. Iveco Bus serait donc logiquement susceptible de voir comment réagissent aux contraintes tous les système et équipements de ses véhicules, avant même de répondre aux appels d’offres.

 

 

 

Toutes les données collectées à travers les différents skates permettent d’analyser les réactions d’un véhicule virtuel dans de multiples conditions, notamment celles qui correspondront aux contraintes rencontrées sur les lignes des futurs clients d’Iveco France.

Un avantage qui devrait par exemple donner quelques longueurs d’avance à l’industriel dans le cadre de son programme Energy Mobility Solutions, qui se propose de fournir aux réseaux de transport public un ensemble de solutions électriques clefs en mains, et de fait, théoriquement adapté à leurs besoins propres…

En préambule de la visite organisée, Stéphane Espinasse, président d’Iveco France, a toutefois tenu à rappeler que la marque misait plus que jamais sur un mix-énergétique le plus complet possible.

Il a rappelé, comme le fit aussi Solène Grange, directrice générale d’Iveco France, que ce « mix » était encore plus que pertinent dans l’Hexagone. Elle a d’ailleurs tenu à mettre l’accent sur la baisse du marché des autobus électriques à la mi année 2023, notamment du fait de la disparition des aides.

Solène Grange a enfin rappelé que dans le secteur de l’interurbain, sur lequel Iveco détient 58,2% de part de marché, les trois quarts des livraisons concernaient aujourd’hui des autocars roulant au gaz ou au bio-gaz.

« Si, dans le domaine des autobus urbain, le 100% électrique est peut-être atteignable en 2030, a conclu Stéphane Espinasse, il ne faut pas sous-estimer la vulnérabilité économique actuelle du transport public et ne pas négliger certaines des contraintes qui pèsent sur d’autres acteurs du transport collectif. Il serait donc souhaitable, tout en maintenant des objectifs ambitieux, qu’ils soient plus réalistes… ».

Tribune. Le biométhane pour décarboner les transports, la solution providentielle ?

Tribune. Le biométhane pour décarboner les transports, la solution providentielle ?

Avec 31% des émissions de GES et en constante augmentation depuis 30 ans, le transport est l’activité la plus polluante en France, en plus d’être très énergivore. Le décarboner est une nécessité pressante. Si l’électrification et l’hydrogène sont mis en avant, l’importance du biométhane est à considérer sérieusement. 

S’il tient ses promesses, 10% de la demande du secteur du transport en 2030 et 25% en 2050 pourraient être couverts par le biométhane ! Économiquement attractif et réduisant de 50% à 70% les GES par rapport à un carburant fossile, ce biocarburant apporterait d’autres bénéfices collatéraux. Mais est-ce vraiment la solution providentielle ? Décryptage.

Le transport, un secteur très gourmand en énergie

Depuis 1965, la consommation finale d’énergie dans le secteur du transport en France a été multiplié par 3, passant de 174 TWh à 525 TWh [1]. En 2019, près de 85% de cette consommation énergétique est attribuable aux énergies fossiles dans le transport routier, responsable de 29 % des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) en France.

Depuis le Protocole de Kyoto, qui visait à réduire les émissions de GES de 5,2% d’ici 2020 par rapport à 1990, seule la Covid a permis d’atteindre l’objectif uniquement par la diminution significative des déplacements !

Car les émissions du transport stagnent à 10% au-dessus du niveau depuis 1990, en contradiction totale avec ce Protocole et désormais avec Fit for 55. En effet, l’objectif de Fit for 55 est de baisser les émissions de GES de l’Union Européenne de 55% d’ici 2030 par rapport à 2005.

La nécessité de décarbonation du secteur est donc pressante et quatre alternatives aux énergies fossiles existent à ce jour : l’électrification, les batteries, l’hydrogène et les biocarburants.

Les biocarburants, solution majeure de décarbonation ?

Cette dernière alternative, bien que peu médiatisée, offre un fort potentiel facilement déployable : du biogazole produit par exemple avec des huiles de cuisson usagées émet 84% d’émissions de GES en moins par rapport à l’essence [3].

Les biocarburants ont cependant mauvaise presse. Ils sont en effet associés à une accaparation de terres cultivables au détriment de l’alimentation.

Cette affirmation est en partie vraie pour les biocarburants de 1ère génération avec  notamment le bioéthanol nécessitant 3% des surfaces agricoles françaises [4]. Il existe pourtant un contre-exemple, le biodiesel B100 d’Oleo100, produit à partir de graines de colza françaises, n’entrant pas en compétition avec l’alimentation vu que seul un tiers de la production nationale suffit à saturer le marché français.

L’autre point noir des biocarburants de 1ère génération réside dans leur retour sur investissement énergétique, l’EROI, ratio de l’énergie produite sur l’énergie dépensée sur l’ensemble du cycle de vie. Pour que l’exploitation d’un gisement d’énergie ne soit pas une aberration, l’EROI doit être supérieur à 3 [5]. Or, les biocarburants de 1ère génération ont souvent des EROI compris entre 0,7 et 1,3 : autrement dit, ils consomment souvent plus qu’ils ne produisent !

Les biocarburants de 2e génération, constitués à partir de déchets, permettent de résoudre plusieurs problèmes posés par la 1ère génération. N’entrant pas en concurrence avec l’alimentation, ils valorisent des déchets non-exploités jusque-là et ont des EROI plus élevés allant de 2 à 11.

A l’heure actuelle, seul le biométhane, biocarburant de 2e génération, est commercialisé.

Potentiels de production de biométhane en France

En combinant l’ensemble des potentiels de production de biométhane et en prenant en compte les rendements de conversion selon le type de production, le potentiel de gaz injectable en France serait de 460 TWh PCS. Mais ce potentiel de production n’est pas réparti de manière homogène.

Ainsi, les départements bretons concentrent les plus forts potentiels (~10 TWh chacun). Mais, à l’échelle régionale, la Nouvelle Aquitaine et l’Auvergne Rhône Alpes ont les gisements les plus importants. Dans le cadre d’Appels à Projets, l’échelle administrative va donc avoir un poids important pour un projet de production de méthane.

De plus, d’après Emmanuel Uwandu, fondateur de Gas360, le développement du biométhane par les régions ou municipalités apporteront de nombreux bénéfices collatéraux :  source de revenus pour les collectivités (ventes des déchets municipaux aux producteurs de biométhane, taxes), création d’emplois locaux, aide à l’atteinte des objectifs de réduction des GES, promotion d’une économie circulaire et dans certains cas, indépendance énergétique.

Néanmoins, GRDF, GRTgaz et Teréga s’accordent à dire qu’une production réaliste de biométhane en 2050 serait plutôt de 320 TWh [6]. D’après Teréga, le gaz fournirait 10% de la demande énergétique du transport en 2030 et au moins un tiers en 2050, sachant que la consommation énergétique du transport routier diminuerait (-32% d’ici 2030 [7]). Ainsi, si les véhicules hydrogènes sont beaucoup évoqués dans l’actualité, en réalité, dans le tiers des véhicules roulant au gaz en 2050, plus de 75% rouleront au biométhane !

A l’heure actuelle, la capacité de production et d’injection française de biométhane est de 10,05 TWh répartie entre 565 sites de méthanisation [8], et le nombre de véhicules GNV en circulation est d’environ 32 000 [9]. Le chemin sera long avant d’atteindre les 320 TWh de production et les 5 à 10 millions de véhicules GNV en 2050.

D’autres moyens de production aidant au développement de la filière sont cependant étudiés : les biocarburants de 3e génération, basés sur la culture de microorganismes (algues, levures ou bactéries). Tant au niveau de la décarbonation du secteur du transport, que pour le chauffage urbain ou la production d’électricité dans les centrales à gaz, le biométhane a ainsi de belles perspectives de développement devant lui.

Sources

[1]     Commissariat général au développement durable, « Bilan énergétique de la France pour 2020 », Service des données et études statistiques (SDES), 27 janvier 2022.

[2]     Commissariat général au développement durable, « Émissions de gaz à effet de serre du transport », Chiffres clés transports 2022, mars 2022.

[3]     Parlement Européen et Conseil de l’Union Européenne, « Directive (UE) 2018/2001 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ». 21 décembre 2018.

[4]     Ministères Écologie Énergie Territoires, « Biocarburants ». https://www.ecologie.gouv.fr/

[5]     C. A.S. Hall, S. Balogh, et D. J.R. Murphy, « What is the Minimum EROI that a Sustainable Society Must Have ? », Energies, 23 janvier 2009.

[6]     Teréga, GRDF, GRTgaz, et SPEGNN, « Perspectives Gaz : Vers un territoire national neutre en carbone en 2050 avec 100 % de gaz renouvelables et bas-carbone ». 2022.

[7]     E-Cube Strategy Consultants, « Marché français des biocarburants ». février 2019.

[8]     Open Data Réseaux Énergies (ODRÉ), « Observatoire de la filière biométhane ».

[9]     Association Française du Gaz Naturel Véhicules, « Véhicules GNV en circulation en France ».

Tribune. Les voies d’amélioration des batteries de véhicules électriques

Tribune. Les voies d’amélioration des batteries de véhicules électriques

Le marché mondial des batteries Li-ion pour véhicules électriques devrait atteindre plus de 380 Mds$ US d’ici 2034, tiré principalement par la demande de voitures électriques à batterie, mais avec une croissance rapide dans d’autres secteurs, y compris les fourgonnettes électriques, les camions, les bus, les deux-roues et les véhicules tout-terrain.

Les objectifs en matière d’électrification et d’émissions, l’amélioration des performances des batteries et un coût total de possession de plus en plus attractif pour certains segments de véhicules sont à l’origine de cette croissance de la demande de véhicules électriques à batterie (VE).

Néanmoins, l’amélioration des performances et du coût des batteries est recherchée et, bien que les développements puissent devenir de plus en plus progressifs, il existe plusieurs voies pour l’amélioration continue de la technologie des batteries Li-ion.

Le nouveau rapport de recherche d’IDTechEx,  » Blocs De Batteries Li-Ion Et Systèmes De Gestion De Batteries Pour Véhicules Électriques 2024-2034« , propose une analyse des technologies, des conceptions et des tendances entourant les cellules, les packs et les systèmes de gestion de batterie (BMS) Li-ion, y compris des prévisions de la demande en Li-ion par application EV.

Les cellules 

À court terme, les cellules de batteries pour véhicules électriques devraient continuer à suivre les tendances actuelles. Par exemple, la teneur moyenne en nickel des produits chimiques NMC et NCA continue d’augmenter afin d’accroître la densité énergétique et de réduire la teneur en cobalt. La tendance la plus importante est peut-être l’évolution générale vers le LFP, une option moins chère et plus sûre que le NMC et le NCA (bien qu’elle ne soit pas intrinsèquement sûre). Bien que la densité énergétique du LFP puisse être inférieure de 30 à 40% à celle du NMC ou du NCA, les avantages de son coût inférieur sont devenus incontournables au cours des dernières années.

Ainsi, la part de la fibre optique légère dans les voitures électriques a augmenté, bien qu’il faille noter que la grande majorité de cette évolution est due à la ré-adoption de la fibre optique légère en Chine. Les NMC et les NCA sont toujours privilégiés en Europe et en Amérique du Nord, bien que les LFP aient commencé à pénétrer le marché. Les produits chimiques NMC restent également privilégiés dans les packs clés en main pour d’autres segments de véhicules. Néanmoins, les pressions exercées sur les coûts et l’approvisionnement en matériaux, ainsi que les améliorations technologiques, signifient que le LFP devrait accroître sa part du marché des VE.

D’autres développements transformateurs se profilent également à l’horizon. Les annonces de développement de batteries à l’état solide se poursuivent, tandis que les premières commercialisations ont déjà lieu, par exemple, grâce aux batteries à l’état solide de type polymère de Blue Solutions. L’utilisation de matériaux d’anode en silicium devrait augmenter avec le développement de solutions d’anode en silicium plus avancées et de produits commercialement prêts, promettant des améliorations de la densité énergétique et de la charge rapide.

De nouvelles chimies cathodiques continuent également d’être explorées. Par exemple, le phosphate de lithium manganèse fer (LMFP) constitue une alternative intéressante, susceptible d’offrir bon nombre des avantages du LFP tout en augmentant la densité énergétique pour la rapprocher de celle des batteries de type NMC, bien que le déploiement commercial soit encore limité.

La conception de L’emballage

Compte tenu de l’adoption croissante de la technologie LFP dans les véhicules électriques, la conception des batteries cellule-emballage revêt une importance accrue. Ces conceptions permettent d’améliorer l’efficacité de l’emballage, augmentant ainsi la densité énergétique et contribuant à réduire l’un des principaux inconvénients de l’utilisation des batteries LFP par rapport aux batteries de type NMC ou NCA. CATL et BYD ont mis en œuvre des conceptions CTP aux côtés de Tesla, Stellantis et de divers autres fabricants. Pour améliorer la densité énergétique gravimétrique, les boîtiers de batterie en polymère léger sont proposés comme alternative aux boîtiers en acier et en aluminium existants.

Les conceptions à double chimie sont également explorées par des entreprises telles que CATL, NIO et Our Next Energy. Our Next Energy présente l’exemple le plus extrême avec des plans visant à coupler une chimie à haute densité énergétique mais à faible durée de vie pour en faire un LFP à autonomie étendue.

En fin de compte, les combinaisons de différentes chimies Li-ion, ou même la combinaison de Li-ion et de Na-ion, pourraient contribuer à optimiser les compromis inévitables entre la puissance, la densité énergétique, la durée de vie et les performances à basse température.

La gestion thermique

La gestion thermique et la protection contre les incendies sont devenues des considérations essentielles pour les batteries des véhicules électriques, compte tenu des problèmes de sécurité, des incendies très médiatisés et des rappels de batteries. Alors que les premiers modèles de véhicules électriques utilisaient un refroidissement passif par air, le refroidissement par liquide est devenu plus important dans divers segments de véhicules au cours des dernières années. Selon les données d’IDTechEx, les modèles à refroidissement liquide actif représentaient 90 % du marché des voitures électriques, contre un peu plus de 50 % en 2015. Cette tendance ne s’applique pas seulement aux voitures électriques.

La plupart des batteries clés en main destinées aux véhicules utilitaires sont également proposées avec un système de refroidissement liquide. À mesure que les progrès de la technologie des cellules deviennent de plus en plus incrémentiels, les développements dans des aspects tels que la gestion thermique deviennent de plus en plus importants non seulement pour maintenir un fonctionnement sûr, mais aussi pour maximiser les performances disponibles des batteries Li-ion.

Les systèmes de gestion des batteries

Le système de gestion de la batterie (BMS) joue un rôle essentiel dans le fonctionnement sûr et fiable de toute batterie Li-ion. Si la fonctionnalité principale d’un système de gestion de batterie est relativement bien définie, elle offre également la possibilité d’élargir l’enveloppe de performance des batteries Li-ion.

Des améliorations au niveau de la sécurité, de la durée de vie, de la charge rapide et même de la densité énergétique sont possibles grâce aux développements du BMS et, surtout, avec un besoin minimal de sacrifier l’un pour l’autre.

Le développement et la mise en œuvre d’une estimation plus précise de l’état de la batterie et des cellules (par exemple, état de charge, état de santé, état de puissance) sont essentiels pour permettre l’amélioration des performances, ce qui permet d’extraire en toute sécurité les performances maximales d’une batterie.

Au-delà des développements de logiciels et d’algorithmes de BMS, des solutions de BMS sans fil sont également en cours de commercialisation. En mettant en œuvre des solutions sans fil, une grande partie du câblage peut être supprimée, ce qui permet de réduire le poids et d’éliminer les modes de défaillance potentiels. Bien que le déploiement soit relativement lent, avec l’annonce initiale par GM de son BMS sans fil en 2020, les fabricants de semi-conducteurs pour BMS proposent désormais des solutions pour les conceptions de BMS sans fil.

Le marché européen des cars et bus au premier semestre 2023

Le marché européen des cars et bus au premier semestre 2023

Le Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA) a publié le 31 juillet dernier ses statistiques d’immatriculations sur les marchés européens (chiffres du 2e trimestre) et français pour les sept premiers mois de l’année 2023 pour les autocars et autobus de plus de 3.5t.

Sans entrer dans certains détails (châssis carrossés, multiples petites marques immatriculant seulement quelques véhicules, etc.) qui sont souvent dignes d’intérêt pour une analyses précise de certaines tendances, les chiffres disponibles permettent toutefois de brosser un tableau intéressant de la réalité de ce secteur, notamment en termes d’énergie.

Bonne nouvelle pour ce secteur industriel, ce 2e trimestre affiche une belle progression de 17,5% par rapport à 2022 à l’échelle du continent, avec un total de 9536 véhicules immatriculés.

Sans grande surprise, les bus électriques affichent, en ce second trimestre, une confortable marge de progression de quelque 64,7% quand le CCFA leur additionne les hybrides non rechargeables, pour un total de 2871 véhicules.

Pour autant, le diesel, avec 6038 véhicules immatriculés, progresse encore de 4,8% par rapport à 2022, sans qu’il soit toutefois possible, aux vues des données publiées, de distinguer les autocars (encore majoritairement propulsés par ce carburant) des autobus.

Il n’en va pas de même de la catégorie dite « autres » par le CCFA (GNV, hydrogène et, très accessoires, GPL ou E85…) qui chute à la même période de 27,8%. Le GNV, puisque c’est surtout de lui dont il est question ici, est sans doute victime des aléas tarifaires enregistrés depuis les débuts du conflit en Ukraine.

Une volatilité des prix que l’on pressent devoir s’installer dans la durée, et n’incite guère les exploitants (et certains industriels) à se tourner vers ce carburant, d’autant qu’il sera lui aussi frappé d’interdiction en 2035…

Marché français, la stabilité

Concernant le marché français au premier semestre 2023, le CCFA s’attarde cette fois sur les marques, sans donner de précisions sur les énergies. En préambule, et même si le mois de juillet, avec une baisse de 24,7% des immatriculations à 527 véhicules, semble augurer d’une fin d’année morose, c’est la stabilité qui domine sur l’ensemble de la période avec 3135 immatriculations et une progression de 4,2%.

Peut-être le coup de frein de juillet n’est-il imputable qu’aux délais de livraison, qui tutoient désormais les 8 à 9 mois au mieux, là où, avant Covid, ils s’établissaient plutôt autour de six mois…

Côté marques, on notera la stabilité d’Iveco, toujours maître du marché, les fortes progressions de Scania, Volvo (avant l’annonce de l’arrêt des productions intégrées pour les deux constructeurs suédois), Otokar, Mercedes (2e marque en France) et, dans une moindre mesure Isuzu ou Irizar.

Autre fait notable, la baisse de régime de MAN, qui reste toutefois sur la troisième place du podium, et celle d’Heuliez, désormais cantonné aux seuls autobus électriques, et qui voit son volume d’immatriculations chuter de 52% par rapport à la même période de 2022.

Autre point remarquable, la contre-performance de Van Hool, qui peine à retrouver le niveau qui était le sien avant Covid, au même titre que Setra, ou VDL. Preuve que le marché de l’autocar est encore très loin d’être revenu à la normale dans les secteurs de la ligne et du tourisme.

On regrettera simplement que le CCFA ne rentre pas plus dans le détail de la catégorie « autres », ce qui permettrait de mieux cerner par exemple le poids réel des outsiders comme Yutong, Caetano, Ebusco, voire même Solaris dans l’Hexagone.

Un problème quand on sait que le constructeur polonais par exemple arrive en tête du marché européen des bus électrique à batteries, avec une part de marché de 16,4% sur les 7 premiers mois de 2023…

Enfin, il est tout aussi impossible avec les données CCFA de connaitre la place réellement tenue par les trolleybus sur le marché français (ou européen d’ailleurs), ce qui ne permet guère de juger d’un éventuel retour de l’engouement pour ce type de véhicules…

 

Tribune : stockage et distribution dans la chaîne de valeur de l’hydrogène

Tribune : stockage et distribution dans la chaîne de valeur de l’hydrogène

Ces dernières années, l’intérêt et l’activité dans le secteur de l’hydrogène se sont accélérés, sous l’impulsion des gouvernements qui reconnaissent le rôle de l’hydrogène dans la transition énergétique et des entreprises du monde entier qui capitalisent sur les opportunités de marché émergentes en fournissant des services, des produits, des technologies et des projets.

Si l’accent a été mis sur le développement en amont de sites de production d’hydrogène à faible teneur en carbone (verts et bleus) et sur les progrès réalisés en aval dans les technologies des piles à combustible et les cas d’utilisation industrielle de l’hydrogène, l’infrastructure intermédiaire nécessaire au stockage et au transport de l’hydrogène a souvent été moins prise en compte.

Le développement de ce maillon essentiel de la chaîne de valeur est vital pour garantir le plein potentiel de l’hydrogène en tant que matière première industrielle, carburant et vecteur d’énergie, en comblant le fossé entre la production et la consommation. Il existe un large éventail de solutions pour le transport et le stockage de l’hydrogène.

Cet article se penche sur les technologies de stockage et de distribution de l’hydrogène, en examinant leurs cas d’utilisation et en mettant en évidence les activités commerciales récentes dans ce domaine*.

Le besoin de stockage et de distribution d’hydrogène

Malgré sa densité énergétique gravimétrique impressionnante, l’un des principaux défis posés par l’hydrogène est la complexité de son stockage et de son transport. Cela est dû à sa densité extrêmement faible dans les conditions ambiantes, ce qui se traduit par une faible densité énergétique volumétrique.

Par conséquent, une compression importante (100 à 700 bars) ou une liquéfaction à un point d’ébullition extrême de -253°C est nécessaire pour augmenter sa densité énergétique volumétrique afin de stocker et de transporter des quantités adéquates.

Bien qu’elles soient parvenues à maturité, les méthodes actuelles de stockage des gaz comprimés et des liquides cryogéniques présentent d’importants inconvénients. Ces méthodes consomment beaucoup d’énergie, ce qui diminue le contenu énergétique net de l’hydrogène.

La compression consomme 10 à 30% de l’énergie d’origine, tandis que la liquéfaction peut en consommer jusqu’à 30 à 40%, avec la contrainte supplémentaire de nécessiter une usine de liquéfaction séparée, ce qui implique des investissements considérables.

Ces inefficacités entravent considérablement certaines applications, telles que la mobilité des véhicules à moteur à combustion interne et le stockage de l’énergie, en réduisant fortement l’efficacité énergétique globale.

Les risques de sécurité liés au stockage du gaz comprimé et les problèmes d’ébullition liés au stockage du H2liquide entraînent des pertes d’hydrogène, ce qui ne fait qu’exacerber les difficultés. Collectivement, ces facteurs rendent le transport national et international de l’hydrogène coûteux et inefficace.

Il existe bien des pipelines d’hydrogène dans le monde, d’une longueur totale estimée à 5 000 km, mais leur portée est largement limitée à des régions spécifiques, comme certaines parties du Texas et de la Louisiane autour de la côte du Golfe du Mexique, ou des zones en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.

Généralement exploités par des géants du gaz industriel comme Air Products, Linde et Air Liquide, ces gazoducs desservent des installations industrielles telles que des raffineries situées à une distance limitée des sites de production.

Ce confinement souligne le besoin pressant d’étendre les réseaux de gazoducs pour relier plus largement les différentes régions de production et de consommation.

Options de stockage de l’hydrogène et leurs cas d’utilisation

De nombreuses solutions sont disponibles, mais le choix optimal dépend de la taille du stockage et de l’application. Les réservoirs de stockage de gaz comprimé et d’hydrogène liquide continueront probablement à servir aux applications de stockage stationnaire, telles que les stations de ravitaillement en hydrogène.

Les sphères d’hydrogène liquide peuvent être utilisées pour stocker de grandes quantités sur les sites de production et les terminaux d’importation et d’exportation.

Des acteurs établis comme Tenaris (stockage de gaz comprimé), Chart Industries (réservoirs d’H liquide2) et McDermott CB&I (réservoirs sphériques d’H liquide2) fournissent déjà ces solutions commercialisées.

Les réservoirs d’hydrogène comprimé, en particulier les composites de type III et IV, gagnent du terrain sur le marché des véhicules à moteur à combustion interne, car ils sont les mieux adaptés au stockage de l’hydrogène à bord d’un véhicule.

De nombreux FCEV, tels que le Hyundai Nexo et le Toyota Mirai, utilisent des réservoirs de type IV stockant l’hydrogène à 700 bars. Le stockage comprimé devrait persister dans de nombreux segments de FCEV, en particulier dans les véhicules légers.

Toutefois, les réservoirs d’hydrogène liquide (LH2) présentent l’avantage d’avoir des capacités plus élevées, ce qui pourrait être bénéfique pour les véhicules lourds. C’est pourquoi certaines entreprises, comme Daimler Truck, testent l’utilisation de LH2.

Les systèmes de stockage utilisant des hydrures métalliques sont prometteurs pour des applications stationnaires similaires aux systèmes existants d’hydrogène comprimé et liquide2.

Ces systèmes, qui fonctionnent à des pressions beaucoup plus basses (10-50 bar) et utilisent des cycles de pression pour l’adsorption/la libération, peuvent être plus adaptés aux applications de stockage d’énergie de l’hydrogène en raison de la réduction de la consommation d’énergie et, par conséquent, de l’amélioration de l’efficacité de l’aller-retour.

Des entreprises comme GKN Hydrogen progressent vers la commercialisation, ayant fait la démonstration de leurs systèmes pour le stockage d’énergie hors réseau et la production combinée de chaleur et d’électricité (PCCE) résidentielle. De nombreuses autres entreprises développent des systèmes basés sur les hydrures métalliques.

Le stockage souterrain de l’hydrogène, qui utilise des réservoirs tels que les cavernes de sel, s’appuie sur des méthodes de stockage du gaz naturel bien établies.

Des opérateurs comme Uniper et Gasunie prévoient d’intégrer ces installations dans les réseaux de pipelines d’hydrogène dans les années à venir. Le stockage souterrain devrait jouer un rôle clé dans le stockage saisonnier de l’hydrogène pour approvisionner les secteurs en période de faible demande, à l’instar du stockage du gaz naturel.

Les installations souterraines peuvent également être utilisées par des projets industriels comme réserve tampon d’hydrogène – HYBRIT, un projet d’aciérie durable en Suède, teste un tel concept en utilisant une caverne rocheuse revêtue (LRC).

Cependant, la réglementation et les longs délais de développement des projets restent des défis majeurs pour ce type de stockage.

Options de distribution de l’hydrogène et leurs cas d’utilisation

Actuellement, les remorques à hydrogène comprimé et liquide alimentent des applications à plus petite échelle, comme les stations de ravitaillement ou les projets pilotes. Cette tendance devrait se poursuivre, car ces méthodes ne sont pas viables pour les transports à grande échelle qui nécessitent un approvisionnement continu en hydrogène.

De nombreux types de réservoirs pourraient être utilisés pour le transport de gaz comprimé, du type I au type IV, développés par des entreprises telles que Hexagon Purus.

D’autres entreprises, comme LIFTE H2, utilisent des concepts de remorque pour développer des ravitailleurs mobiles, qui peuvent compenser l’absence de station de ravitaillement en hydrogène.

Le transport à plus grande échelle et sur de plus longues distances nécessitera des pipelines, allant directement de la production aux sites d’utilisation finale ou alimentant des réseaux de pipelines.

De nouvelles constructions sont prévues, et certains projets comme le gazoduc HyNet North West Hydrogen Pipeline sont déjà en cours. La réutilisation des gazoducs est une possibilité, mais elle nécessite des simulations, des essais et une évaluation des risques approfondis pour identifier les gazoducs appropriés.

L’initiative European Hydrogen Backbone est une initiative de premier plan en termes de développement d’un réseau de gazoducs à grande échelle, avec la participation de plus de 30 opérateurs – un grand nombre des gazoducs qui seront utilisés sont prévus pour être réutilisés à partir de réseaux existants.

Le mélange d’hydrogène au gaz naturel est également un sujet populaire, car il s’agit d’un moyen de décarboniser partiellement le secteur du chauffage et de l’électricité. Des projets comme HyDeploy ont prouvé qu’un mélange de 20% est sans danger dans les gazoducs existants.

Toutefois, un pourcentage plus élevé de mélanges d’hydrogène nécessitera la modification de nombreux appareils et équipements dans les secteurs résidentiel et industriel.

Le transport international sur de longues distances peut impliquer de l’hydrogène liquide ou la conversion en vecteurs d’hydrogène tels que l’ammoniac ou le LOHC.

Le transport d’hydrogène liquide a été démontré par le navire Suiso Frontier (construit par Kawasaki Heavy Industries) dans le cadre du projet HESC, qui a transporté de l’hydrogène de l’Australie au Japon. Toutefois, cette voie pourrait être moins viable que celle des vecteurs en raison des difficultés techniques et commerciales liées à l’utilisation de l’hydrogène liquide.

L’avantage de l’utilisation de vecteurs d’hydrogène réside dans l’utilisation des voies de transport et des navires existants, bien que cela nécessite des installations de traitement supplémentaires.

Des entreprises comme Chiyoda Corporation et Hydrogenious LOHC Technologies sont sur le point de commercialiser leurs solutions LOHC. Un terminal de réception de l’ammoniac est également prévu dans le port de Rotterdam, dans le cadre d’une collaboration entre Royal Vopak, Gasunie et HES International. De nombreuses autres entreprises dans le monde considèrent l’ammoniac comme l’option la plus viable.

Orientations futures et nouvelles perspectives

L’adoption mondiale des technologies de stockage et de distribution de l’hydrogène va s’étendre à mesure que les sites de production et d’utilisation finale se multiplient.

Cela représente une opportunité pour l’offre de produits, le développement de projets et la R&D afin d’innover et d’affiner les méthodes existantes.

IDTechEx prévoit que le marché mondial de la production d’hydrogène à faible teneur en carbone atteindra 130 Mds$US d’ici 2033, en tablant sur une croissance substantielle des solutions de transport et de stockage.

Le nouveau rapport « Hydrogen Economy 2023-2033 : Production, Storage, Distribution & Applications » offre une vue d’ensemble exhaustive de la chaîne de valeur, y compris les analyses technologiques, les comparaisons, les activités commerciales, les innovations et les tendances du marché.

Chingis Idrissov, Analyste Technologique chez IDTechEx

*Pour une exploration plus approfondie de chaque technologie et des activités commerciales associées, consulter le nouveau rapport de marché d’IDTechEx, « Économie De L’hydrogène 2023-2033 : Production, Stockage, Distribution Et Applications » .

Enquête : les jeunes urbains utilisent les transports publics, sans les aimer…

Enquête : les jeunes urbains utilisent les transports publics, sans les aimer…

L’institut Madeinvote vient de publier une enquête portant sur l’usage des transports, réalisée auprès de 1134 jeunes urbains français, âgés de 15 à 34 ans, habitants l’une des 10 plus grandes villes françaises, représentatifs de cette population en termes de sexe, âge et ville. Cette enquête a été menée en ligne du 21 avril au 08 mai 2023, via Facebook et Instagram.

De cette enquête, il ressort que transports en commun sont le mode de transport le plus utilisé par les jeunes urbains (78% d’entre eux).

D’une manière générale, 8 jeunes sur 10 se déclarent satisfaits de l’offre de transports en commun dans leur ville. Madeinvote note cependant des niveaux de satisfaction très différents selon la ville étudiée : alors que Strasboug (94%), Nantes (93%) et Bordeaux (89%) ont les taux de satisfaction les plus élevés, Marseille (44%), Paris (21%) et Nice (19%) sont – à l’inverse – les villes ayant les taux de satisfaction les plus bas.

Les jeunes ayant répondu n’excluent pas pour autant les autres formes de mobilité car 37% utilisent leur voiture personnelle et 24% utilisent leur vélo ou trottinette personnelle.

Les modes de transports alternatifs commencent aussi à émerger auprès de cette jeune génération : 12% utilisent les vélos en libre-service, 9% font du covoiturage, et 5% utilisent les trottinettes en libre-service.

Les transports en commun utilisés à contrecœur ?

Paradoxalement, dans cette grande mixité d’usages, les transports en commun apparaissent comme le mode de déplacement le moins apprécié de ces mêmes jeunes urbains (4/10), à l’inverse des transports individuels (voiture, vélo, trottinette, …) que 6 utilisateurs sur 10 considèrent comme leur mode de transport préféré.

S’ils sont utilisés, c’est avant tout pour leur praticité (68%) et leur rapidité (50%). Mais ils apportent également d’autres avantages : pouvoir faire autre chose durant le trajet (27%), pouvoir réduire son empreinte environnementale (27%), ou encore bénéficier de tarifs avantageux (20%).

Pour autant, 21% des utilisateurs de transports en commun déclarent les prendre moins souvent qu’avant, et 10% ont même totalement abandonné ce mode de transport.

Pour expliquer cette désaffection, ils citent avant tout une sur-fréquentation aux heures de pointe (57%), mais également un manque de confort (27%), ou un manque de flexibilité (27%).

Des attentes fortes vis-à-vis des pouvoirs publics

In fine, un jeune urbain sur deux affirme privilégier les modes de transport doux de manière systématique. Selon l’étude, et son interprétation, les jeunes urbains recherchent avant tout la praticité dans leurs trajets du quotidien.

Ils veulent aller au plus vite, au plus court, en atteste la diversité des modes transports qu’ils utilisent, avec en moyenne près de 3 moyens de transport différents utilisés au quotidien.

Ils ont ainsi des attentes fortes vis-à-vis des pouvoirs publics pour stimuler leur pratique au quotidien.

Selon l’enquête, les AOM devraient rendre gratuit ou réduire le coût des transports en commun (70%), développer le réseau de pistes cyclables sécurisées (50%), bénéficier d’aides à l’achat d’un vélo ou d’une trottinette (40%) ou encore créer de nouveaux espaces de stationnement sécurisés pour les vélos & trottinettes (37%).

Si l’étude comporte un biais évident en faveur des modes dits doux, certains des éléments, notamment ceux concernant les attentes en matière d’évolution des transports publics, doivent être clairement analysés par les AOM dans leur quête d’amélioration, et de développement de leurs services.

Pierre Cossard